Année politique Suisse 1988 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Politique énergétique
Le Conseil fédéral, ayant fixé pour priorité les économies d'énergie, a adopté en décembre un
projet d'arrêté anticipé pour l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie, la loi sur l'énergie ne pouvant, dans le meilleur des cas, entrer en vigueur avant 1994
[7]. Inspiré par la crainte liée à la sécurité de notre approvisionnement en cas de renonciation au nucléaire et reposant sur un certain consensus politique, cet arrêté se base également sur des initiatives tant publiques (cantons) que privées (entreprises et particuliers). Susceptible d'entrer en vigueur dès 1990, il cessera d'être valable lors de la promulgation de la loi sur l'énergie. Afin que sa mise en oeuvre soit rapide et n'entre pas en collision avec celle de la loi susmentionnée – auquel cas il serait inutile –, le gouvernement a délibérément renoncé à la procédure de consultation habituelle
[8]. Le Conseil fédéral propose, dans cet arrêté, d'instaurer des prescriptions sur l'utilisation rationnelle de l'énergie comme les décomptes individuels, la limitation du chauffage électrique ainsi que l'affichage obligatoire de la consommation d'énergie des appareils et véhicules.
Les
réactions faisant suite à sa présentation ont été, dans l'ensemble, très nuancées. Les protagonistes du débat énergétique semblent déçus. S'il est favorable à cet arrêté, le parti socialiste le qualifie néanmoins "d'exercice de politique énergétique" et dépore l'absence de structures tarifaires contraignantes, par ailleurs volontairement abandonnées par le DFTCE afin d'éviter un échec devant le parlement
[9]. Le parti écologiste, pour qui cet arrêté illustre le manque de volonté politique du gouvernement dans la résolution des problèmes énergétiques, se range malgré tout parmi ses partisans. Il en va de même de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie qui, bien qu'au départ hostile, l'admet en insistant sur le maintien des compétences cantonales. Si les associations en faveur de la protection de l'environnement le veulent beaucoup plus sévère, contenant, outre des principes tarifaires contraignants, des normes de qualité et des mesures en faveur des énergies renouvelables, elles ne peuvent cependant le renier. Seuls les démocrates-chrétiens lui sont franchement favorables car il traduit, selon eux, un début de consensus en la matière. Par contre, le parti radical, hostile, le rejette car il craint ses répercussions sur les discussions concernant l'article constitutionnel et conteste la priorité donnée à l'électricité. Pour l'UDC, ce texte est simplement inutile. Du côté des organisations de l'économie énergétique, on est opposé à toute intervention de la Confédération dans le secteur des prix. Cependant, cet arrêté aurait pour le moins le mérite d'étendre à l'ensemble du pays des mesures ayant fait leurs preuves dans certains cantons
[10].
La volonté de promouvoir des mesures d'économie d'énergie s'est également concrétisée dans la
campagne de publicité "Bravo". Lancée par le Conseil fédéral, elle a pour but de sensibiliser la population aux économies d'énergie et d'inciter chacun à modifier en conséquence son comportement quotidien. Composée de réclames télévisées et d'insertions dans les journaux, elle se déroulera d'octobre à mars durant trois ans; son coût est estimé à 1,7 millions de francs. En 1988, elle s'est adressée plus particulièrement aux ménages afin de permettre l'optimalisation de leur consommation énergétique sans pour autant porter atteinte au confort. Par la suite, elle visera, sous le nom de "Bravo +", les entreprises
[11].
Peu de temps auparavant, l'Union des centrales suisses d'électricité avait initié sa propre campagne de promotion, budgétisée à 4 millions de francs et qualifiée de "dépassée" par L'Office fédéral de l'énergie
[12]. Utilisant les mêmes moyens médiatiques que "Bravo", elle désirait amener les consommateurs à un comportement plus rationnel envers l'électricité
[13].
[7] FF, 1989, I, p. 485 ss.
[8] BO CE, 1988, p. 687 ss.
[9] Signalons que l'USS est favorable à cet arrêté (SGB, 17, 19.5.88).
[10] Suisse, 15.11.88; JdG, LNN, et 24 Heures, 23.12.88.
[11] LNN, 28.7.88; JdG, Suisse, et LM, 25.10.88.
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