Année politique Suisse 1988 : Politique sociale / Population et travail
 
Protection des travailleurs
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Protection contre les licenciements
Les Chambres fédérales sont enfin parvenues à éliminer toutes les divergences qui subsistaient entre elles au sujet de la révision de la protection contre les licenciements dans le contrat individuel de travail. Cette révision du code des obligations devait servir de contre-projet indirect à l'initiative des syndicats chrétiens "Pour. la protection contre les licenciements". Au cours de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national s'est rallié sur plusieurs points à la position défendue par le Conseil des Etats. Si, dans un premier temps, la chambre basse avait maintenu l'obligation non seulement de notifier le congé immédiat par écrit, mais encore de le motiver sur demandé de l'une ou l'autre des parties, elle est ensuite revenue sur sa décision et a renoncé à exiger la forme écrite en cas de résiliation sans délai, sauf si l'intéressé en fait la demande. Un autre point de litige avait trait à l'indemnité versée par l'employeur en cas de licenciement immédiat sans justes motifs. Le Conseil national, qui s'était prononcé en faveur de la version selon laquelle le juge a l'obligation d'exiger de l'employeur une indemnité en faveur du travailleur, s'est finalement aligné sur la solution du Conseil des Etats qui stipule que le juge a la possibilité mais non l'obligation de condamner l'employeur à verser une indemnité.
Quant à la protection des femmes enceintes contre les licenciements, elle s'étend dorénavant à toute la durée de la grossesse et aux seize semaines qui suivent l'accouchement. Cette disposition avait déjà été traitée et approuvée par les deux chambres lors du débat relatif à la révision de la loi sur l'assurance-maladie et maternité, raison pour laquelle le parlement a renoncé à y revenir dans ses travaux sur la révision de la protection contre les licenciements dans le contrat de travail individuel. Cette procédure a toutefois été contestée par certains conseillers nationaux démocrates du centre et libéraux ainsi que par une majorité de radicaux qui ont rappelé que le souverain avait refusé le projet d'assurance-maladie et maternité lors de la votation populaire du 6 décembre 1987. Deux propositions — Allenspach (prd, ZH) et Früh (prd, AR) — pour le renvoi de cet article en commission ont été repoussées par une majorité formée de socialistes, d'écologistes, d'indépendants et de démocrates-chrétiens qui les ont considérées comme une tentative de remise en cause de la protection [20]. Si les associations économiques ont vivement critiqué cette nouvelle réglementation, elles se sont néanmoins abstenues de lancer un référendum contre cette révision [21].
Estimant que la révision du code des obligations dans le domaine du droit du travail représente à la fois un compromis acceptable et un progrès social dans le domaine de la protection contre les licenciements, la Confédération des syndicats chrétiens de Suisse a décidé de retirer son initiative populaire "Pour la protection des travailleurs contre les licenciements". Déposée en 1981, elle demandait en particulier la justification des licenciements, l'interdiction de licencier en cas de maladie, d'accident ou de grossesse et la possibilité de faire intervenir la justice en cas de licenciement non justifié. Seul point de l'initiative à n'avoir pas été pris en considération par ladite révision, la protection complémentaire des travailleurs contre les licenciements abusifs: la révision prévoit des dédommagements pouvant aller jusqu'à compenser six mois de perte de salaire, alors que l'initiative aurait voulu que cette forme de licenciement ne soit pas reconnue [22].
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Loi sur le service de l'emploi
Après le Conseil national en 1987, le Conseil des Etats s'est à son tour penché sur le projet de révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi. Rendue nécessaire par les profondes mutations qui se sont produites sur le marché du travail, notamment la prolifération des agences de location de services, la révision entend accorder une meilleure protection aux travailleurs employés dans une agence de travail temporaire. En raison d'une vive opposition des représentants des milieux économiques qui la jugent trop interventionniste, le Conseil des Etats a adopté une révision assouplie par rapport au projet du Conseil fédéral et à la version du Conseil national. Si la majorité bourgeoise de la chambre haute n'a pas contesté la lutte contre les abus et l'extension de l'autorisation obligatoire aux entreprises de placement, elle s'est toutefois écartée sur plusieurs points de la version du Conseil national. Ainsi a-t-elle, malgré une résistance socialiste et démocrate-chrétienne, supprimé l'obligation imposée à l'entreprise de verser des sûretés en garantie des prétentions de salaire des travailleurs qu'elle engage. Au niveau du contrat de travail temporaire, elle a renoncé à l'obligation de fixer la rémunération par écrit et a raccourci les délais de licenciement pour mieux répondre aux besoins des entreprises de travail temporaire. En ce qui concerne l'application des conventions collectives de travail, le Conseil des Etats a décidé qu'elle ne toucherait que le salaire et la durée du travail. A la fin de l'année, les divergences entre les deux Chambres n'étaient toujours pas aplanies [23].
 
[20] BO CN, 1988, p. 1 ss., 169 ss. et 473; BO CE, 1988, p. 57 ss. et 120. Modification du CO: FF 1988, I, p. 1378 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 188.
[21] SAZ, 4.2. et 10.10.88
[22] FF, 1988, II, p. 606; presse du 25.4.88; DP, 5.5.88. Cf. aussi APS 1987, p. 188 s.
[23] BO CE, 1988, p. 564 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 189. Sur le travail temporaire: BZ et NZZ, 3.11.88.