Année politique Suisse 1988 : Politique sociale / Santé, assistance sociale, sport / Politique de la santé
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Fécondation artificielle
L'absence d'une base légale constitutionnelle relative à la fécondation artificielle chez l'être humain a conduit de nombreux cantons à se doter de lois et de règlements traitant de ce délicat sujet. Cette situation voit certains cantons adopter une législation restrictive et d'autres une législation plus libérale. Si celles-ci sont élaborées dans l'attente d'une base légale constitutionnelle et n'ont par conséquent qu'un caractère transitoire, il est cependant plus que probable qu'elles vont influencer l'élaboration d'une loi fédérale.
Les décisions arrêtées par le Grand Conseil saint-gallois en matière de fécondation artificielle ont conduit un groupe de médecins et de patients à déposer deux recours de droit public auprès du Tribunal fédéral. Les recourants ont estimé que le parlement cantonal, en interdisant l'insémination artificielle et la fécondation in vitro, contrevenait au partage des. compétences entre cantons et Confédération, la réglementation des techniques de reproduction humaine ne relevant, selon eux, non pas de la santé publique mais du droit civil et pénal. Ils ont encore ajouté que cette loi est contraire aux libertés individuelles. Les recourants ont partiellement obtenu gain de cause puisque le Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif en ce qui concerne la conservation des spermes autres que ceux du mari en traitement médical [12].
Pour sa part, le parlement de Bâle-Ville a adopté en première lecture une loi extrêmement sévère interdisant toute fécondation en dehors du ventre de la mère [13]. Suivant en cela d'autres exemples, la clinique gynécologique de la ville de Berne a décidé la fermeture de sa banque de spermes [14]. Si certains cantons défendent des positions restrictives, d'autres, à l'instar de celui d'Argovie, se dotent de lois sur la santé plus libérales, autorisant l'insémination artificielle et la fécondation in vitro mais interdisant toute manipulation génétique. Avec l'élaboration de lois et règlements cantonaux relatifs à la fécondation artificielle se pose la question de savoir qui des cantons ou de la Confédération est habilité à légiférer et, partant, à édicter des normes pénales dans ce domaine [15].
Le Conseil fédéral a chargé le DFJP d'élaborer un contreprojet direct à l'initiative populaire lancée par le périodique Beobachter "Contre l'application abusive des techniques de reproduction et de manipulation génétique à l'espèce humaine". Celle-ci vise d'une part à empêcher certaines méthodes de procréation artificielle telles la fécondation in vitro ou les mères porteuses et, d'autre part, à interdire les manipulations sur le matériel génétique humain et exige de la Confédération qu'elle édicte des prescriptions dans ces deux domaines afin d'éviter des législations cantonales disparates. En opposant un contreprojet, le Conseil fédéral a manifesté sa volonté de régler en détail ce domaine. En effet, il a reproché aux initiants d'avoir présenté un texte trop général et trop restrictif dans ses interdictions. Le gouvernement souhaite également étendre la loi aux manipulations génétiques sur les animaux et les plantes [16]. Pour élaborer le futur message, le gouvernement s'inspirera des conclusions d'une commission d'experts (Commission Amstad) qu'il avait mandatée pour étudier les aspects sociaux, juridiques et éthiques des nouvelles méthodes de la médecine de la reproduction. Même si aucun langage commun n'a pu être trouvé, une majorité est toutefois tombée d'accord pour admettre, sous certaines réserves, la fécondation in vitro, les transferts d'embryons et le don de sperme destiné à l'insémination artificielle hétérologue. Par contre, elle a rejeté le recours aux mères porteuses et s'est prononcée pour l'interdiction de tous les procédés visant à sélectionner des embryons en fonction de leur sexe ou d'autres caractéristiques, contre les interventions sur le processus de formation des ovules ou des spermatozoïdes et l'expérimentation sur embryon. Elle a estime indispensable l'introduction d'une disposition constitutionnelle pour soumettre les techniques de procréation artificielle à des prescriptions légales afin d'éviter les abus. A peine rendues publiques, ces conclusions ont soulevé un vent de critiques, tant dans les milieux féministes qu'au sein des partisans du droit à la vie qui, tous deux, les jugent trop libérales [17].
Après le Conseil des Etats, le Conseil national a à son tour décidé de donner suite à l'initiative du canton de Saint-Gall sur la fécondation artificielle chez l'être humain invitant la Confédération à traiter la question au plus vite [18]. Toujours en vue d'élaborer une législation fédérale dans ce domaine, la chambre du peuple a adopté une motion Zwygart (pep, BE) sous la forme d'un postulat invitant le Conseil fédéral à créer les bases légales permettant de prendre des mesures relatives aux manipulations génétiques [19]. Même si tous les partis politiques sont unanimes à réclamer une législation fédérale, le débat qui va s'engager entre partisans d'une restriction et défenseurs d'une attitude plus libérale sera animé tant les positions sont tranchées. Les organisations féminines, qui sont très attentives à l'évolution de la procréation assistée et de la technologie génétique, ont déjà entrepris un travail d'information et de réflexion sur ces pratiques. Une nouvelle association de femmes, Nogerete (Nationale Organisation gegen Gen- und Reproduktionstechnologien) se propose de surveiller de près le développement des nouvelles techniques de reproduction et de traitement génétique ainsi que de concevoir une position féministe face aux abus éventuels. Si elle ne rejette pas en bloc la recherche, elle souhaite cependant l'interdiction de tout procédé permettant de donner la vie en dehors du corps de la mère. L'un des arguments des opposants aux méthodes d'aide à la fécondation est l'existence d'embryons qui pourraient servir pour des expériences génétiques. A l'instar des partis politiques, les avis sont très partagés. Si certaines dénoncent avecvigueur les nouvelles techniques de reproduction qu'elles assimilent à une nouvelle exploitation de la femme, d'autres y sont au contraire favorables car elles permettent de combattre la frustration de la stérilité [20].
 
[12] SGT, 15.1., 9.2. et 22.2.88; presse du 24.2.88; Recours au TF: presse du 1.6. et 24.6.88.
[13] BaZ, 29.1., 7.3., 24.3., 2.4., 28.5., 28.6. et 7.10.88; NZZ, 28.6.88.
[14] BZ, 25.1.88.
[15] AG: AT, 15.2., 16.2., 19.2. et 23.2.88; presse du 7.3.88. Partage des compétences: NZZ, 20.1.88; Bund, 8.2.88; BaZ, 28.3.88.
[16] Presse du 27.10.88. Cf. aussi APS 1987, p. 192.
[17] Presse du 9.11.88. Généralités sur la procréation artificielle: SGT, 20.2.88; SZ, 7.3.88; vat., 6.4.88; Ww, 5.5., 12.5., 26.5. et 2.6.88.
[18] BO CN, 1988, p. 1374 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 192.
[19] BO CN, 1988, p. 425 ss.
[20] Femmes Suisses, Juin-juillet/octobre 1988, p. 16 et 14; BaZ et LNN, 5.9.88; Emanzipation, 14/1988, Nr. 8. Cf. aussi L'Hebdo, 8.12.88.