Année politique Suisse 1988 : Politique sociale / Groupes sociaux
 
Jeunesse
Malgré une opposition des milieux économiques et d'une partie de la droite, le Conseil national a, non sans l'avoir auparavant quelque peu édulcorée, approuvé la loi fédérale sur l'encouragement des activités extra-scolaires en faveur de la jeunesse. Le projet de loi prévoit pour l'essentiel l'intégration dans le droit fédéral du soutien des activités de jeunesse extra-scolaires et l'introduction dans le Code des obligations du droit à un congé non rétribué d'une semaine par année pour les jeunes âgés de 25 ans ou moins qui exercent une fonction dans des organisations oeuvrant en faveur de la jeunesse. La majorité des conseillers nationaux a refusé d'appliquer à ce congé le système des allocations pour perte de gain. Elle a également rejeté l'idée de la nomination d'un délégué fédéral aux affaires de la jeunesse. Pour les partisans du projet, les partis de gauche et les démocrates-chrétiens, il s'agissait avant tout d'appliquer une loi qui a pour objet d'encourager la prise de responsabilité des jeunes et de concrétiser certaines promesses faites lors de la flambée des mouvements de jeunesse au début des années quatre-vingt.
Certains détracteurs, libéraux et radicaux, ont avancé des arguments qui relevaient de principes juridiques et tenaient à la constitutionnalité du projet. Ceux-ci ont fait valoir que pour élaborer une loi, il fallait d'abord que la Confédération dispose d'une base légale constitutionnelle lui conférant cette compétence. Or, l'article constitutionnel sur la culture ayant été rejeté en votation populaire, le gouvernement n'a, à leurs yeux, pas le droit moral et politique de s'octroyer des compétences non écrites. Avis d'ailleurs partagé par 43 conseillers d'Etat, regroupés pour l'occasion au sein d'un comité suisse pour le respect de la Constitution fédérale, qui estiment que ce domaine relève exclusivement de l'initiative privée ainsi que de la compétence des communes et des cantons. A ces griefs d'ordre fédéraliste se sont ajouté des considérations d'ordre économique, certains députés n'hésitant pas à parler d'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie lorsqu'ils évoquent l'obligation qui est faite à l'employeur d'accorder une semaine de congé par an. Plus généralement, les représentants des milieux de l'économie ont condamné ce qui constitue à leurs yeux une intervention inadmissible de l'Etat dans les relations entre employeurs et salariés [42].
Même si l'Etat encourage les jeunes à se prendre en charge, à imaginer des projets et à être actifs, il n'en demeure pas moins vrai qu'un nombre croissant d'entre eux prend ses distances à l'égard des autorités. A l'heure de l'abstentionnisme, de la méfiance vis-à-vis des autorités et des élus, cette constatation ne peut que soulever des inquiétudes. L'absence de dialogue, des interventions policières pour le moins musclées tant à Berne qu'à Bâle et unè attitude de méfiance à l'égard des jeunes marginaux ont, selon la Commission fédérale pour la jeunesse, conduit de nombreux jeunes à ne voir dans l'Etat plus qu'une autorité qui s'arroge le pouvoir [43]. Qui plus est, a-t-elle poursuivi, la jeunesse manifeste un désintérêt grandissant pour les questions politiques. Et d'aucuns de rappeler qu'il faut construire une politique de la jeunesse avec les jeunes plutôt que pour les jeunes [44].
 
[42] BO CN, 1988, p. 1704 ss., 1791 ss. et 1843 ss. Patronat: SAZ, 22.12.88. Cf. aussi APS 1987, p. 214 s.
[43] NZZ, SGT et Vat., 29.6.88.
[44] Dossier sur la politique de la jeunesse dans les différents cantons: BZ, 30.1., 6.2., 13.2., 27.2., 5.3., 19.3. et 26.3.88. Mouvements de jeunesse: Ww, 1.9.88; NZZ, 29.10.88. Cf. aussi supra, part. I, 1b (Öffentliche Ordnung) et APS 1987, p. 21 s.