Année politique Suisse 1989 : Economie / Agriculture
 
Production végétale
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Arrêté sucrier
Au début de l'année, la communauté de travail comprenant les organisations d'entraide Swissaid, Action de Carême, Pain pour le Prochain et Helvetas a lancé une proposition au sujet des discussions qui devaient avoir lieu en mars au Conseil national sur le projet d'arrêté fédéral concernant l'économie sucrière [22]. La Suisse important 50% du sucre qu'elle consomme, principalement en provenance de la CEE qui brade ses surplus à des prix subventionnés qui faussent le marché, l'idée était d'importer plutôt du sucre de pays en voie de développement à un prix plus élevé par le biais d'accords bilatéraux de longue durée et favoriser ainsi l'économie de ces régions. Les oeuvres précitées voulaient amender dans ce sens le projet du Conseil fédéral. Il en aurait résulté une masse importée de 40 000 tonnes et une augmentation d'environ 10 centimes par kilo à la consommation. Les organisations de consommateurs ont donné leur feu vert estimant qu'une telle hausse serait parfaitement supportable au vu du but poursuivi. Les organisations paysannes se sont également prononcées de manière positive, satisfaites de voir les prix des produits importés se rapprocher des prix indigènes [23]. C'est sous l'impulsion de Verena Diener (pe, ZH) que le Conseil national, en mars, accepta cette proposition [24].
Il s'agissait là d'une défaite pour J.-P. Delamuraz qui s'était véhémentement opposé à cet amendement; selon lui, ce serait un moyen d'aide inapproprié qui risquerait de favoriser la monoculture et l'exportation de produits bruts de la part des pays du Tiers-monde. De surcroît, cela coûterait cher au consommateur et en investissements de raffinage. Le Conseil fédéral a ajouté qu'une telle pratique serait contraire aux accords du GATT. La décision du Conseil national a provoqué une levée de boucliers de la part du Vorort, de la Migros, de la Coop et, en général, de tous les gros importateurs de sucre. En début de session suivante, le Conseil des Etats resta sur ses positions arrêtées en 1988 et biffa la proposition du Conseil national en faveur des pays en voie de développement et refusa de diminuer à 60% du prix de base la rémunération des dépassements de contingent comme le désirait la grande chambre et maintint le chiffre de 70% [25]. Le Conseil national s'est finalement rallié aux vues de la petite chambre en acceptant le chiffre de 70% et l'abandon de la clause d'aide au développement [26].
C'est de manière spectaculaire que s'est manifestée, au mois d'octobre, la colère des producteurs de betteraves au sujet de deux ordonnances sur l'économie sucrière indigène adoptées par le Conseil fédéral. Le point d'achoppement était le maintien du prix des betteraves à 14 francs 50 les 100 kg pour une teneur en sucre de 16%. Affirmant que leur manque à gagner était de 20% depuis 1987 et qu'il n'y aurait eu aucune augmentation de revenu pour les producteurs depuis une dizaine d'années, ceux-ci ont décidé de protester en envoyant au DFEP un échantillon de leur récolte composé de 4000 paquets adressés à J.-P. Delamuraz [27].
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Arrêté viticole
Le nouvel arrêté fédéral sur la viticulture (limité à 10 ans) vise à promouvoir la qualité des vins, à maintenir les superficies viticoles et à chercher une production adaptée à la capacité d'absorption du marché. Il se préoccupe également de prendre des mesures de protection de l'environnement. Par exemple, il maintient les contributions fédérales aux frais de reconstitution des vignobles et, sur proposition du Conseil national contre l'avis du Conseil fédéral, veut instaurer le versement de contributions aux dépenses consenties par les cantons en faveur de la promotion de méthodes de culture respectueuses de l'environnement. C'est sans opposition que la grande chambre adopta cet arrêté suivie peu après par le Conseil des Etats [28].
Malgré cette unanimité, l'arrêté viticole, dont la date d'entrée en vigueur était prévue pour le 1er janvier 1990, sera soumis à référendum. Le conseiller national Rudolf Engler (pdc, AI) a formé un comité référendaire groupant huit parlementaires de tendances confondues. II reproche à l'arrêté un manque de souplesse au niveau de la réglementation des contingents à l'importation et réclame une libéralisation en la matière, ce qui devrait permettre, selon lui, une économie de 100 millions de francs pour le consommateur [29]. Ce référendum a facilement abouti et sera présenté au peuple le 1er avril 1990. La récolte des signatures fut fructueuse, surtout grâce au soutien financier de Denner et à l'appui de Migros, de Coop, des organisations de consommateurs et des hôteliers. Le débat autour de ce référendum procède de la même structure que celui suscité par l'initiative dite «en faveur des petits paysans»; il voit l'affrontement des producteurs qui, telle la Fédération romande des vignerons (FRV), dénoncent la démarche manoeuvrière des gros distributeurs qui ne rechercheraient que leurs propres intérêts et de certains importateurs qui désirent une libéralisation du marché et une diminution du protectionnisme en mettant en avant les avantages qu'en retireraient les consommateurs [30]. Afin d'éviter tout vide juridique, le Conseil fédéral a demandé aux Chambres de prolonger l'arrêté viticole de 1979 jusqu'au 31 décembre 1992, ce qu'elles ont fait à l'unanimité [31].
 
[22] Cet arrêté est destiné à remplacer celui de 1979 qui devait expirer en septembre. Cf. APS 1988, p. 113.
[23] Presse du 17.2.89; DP, 2.3.89.
[24] BO CN, 1989, p. 258 ss. (proposition acceptée par 96 voix contre 62).
[25] BO CE, 1989, p. 207 ss. et 410 ss. (le CE a refusé la clause d'aide au développement par 26 voix contre 11); USS, 20, 14.6.89.
[26] Ralliement fait par 92 voix contre 85. BO CN, 1989, p. 913 ss., 924 ss. et 1222; FF, 1989, II, p. 858 ss.; JdG, 16.6. et 20.6.89; Bund, 19.6.89; NZZ, 24.6.89.
[27] Presse du 3.10., 7.10. et 24,10.89. Revendications des producteurs: Union, 18.10.89; VO, 43, 26.10.89; 24 Heures, 21.10.89; NZZ, 30.11. et 20.12.89.
[28] BO CN, 1989, p. 216 ss., 932 et 1222; BO CE, 1989, p. 201 ss. et 410; FF, 1989, II, p. 866 ss. ; presse du 3.3. et 17.5.89; BaZ, 6.6.89; NZZ, 20.6. et 24.6.89. Cf. aussi APS 1988, p. 113.
[29] Signalons que l'importation de vin en Suisse est contingentée depuis 1933.
[30] FF, 1989, III, p. 1296 ss. et 1990, I, p. 575 ss. Presse du 24.7., 14.9. et 29.9.89; TA, 22.7.89; BaZ, 26.8.89; NZZ, 19.10. et 21.11.89. Campagne menée par Denner et les distributeurs: presse du 25.7.89; SGT, 3.8.89; JdG, 8.8. et 15.8.89; TA, 19.8.89.
[31] FF, 1989, III, p. 1221 ss.; BO CN, 1989, p. 1942 ss., 21 77 et 2280; BO CE, 1989, p. 633 ss., 831 et 846; FF, 1989, III, p. 1582; NZZ, 19.10. et 28.11.89; presse du 5.12.89.