Année politique Suisse 1989 : Economie / Agriculture
Expérimentation animale
Après le refus massif qu'il signifia à l'encontre de l'initiative de Franz Weber contre la vivisection en 1985, le souverain se verra à nòuveau appelé à se prononcer sur le même sujet en 1991
[35]. Cette nouvelle initi
ative populaire «pour une réduction stricte et progressive des expériences sur les animaux» patronnée par la Fédération suisse protectrice des animaux (FSPA) fut déposée en octobre 1986 et avait récolté 130 175 signatures. Elle se distingue de la précédente par un refus moins absolu de l'expérimentation animale. En effet, son texte prévoit que les manipulations indispensables pourraient se poursuivre dans le cadre d'exceptions à inscrire dans la loi; le législateur aurait 5 ans pour décider des dérogations possibles. Afin de créer les moyens d'un contrôle approfondi, l'initiative se propose d'instaurer un droit de plainte et un droit de recours en faveur de certaines organisations de protection des animaux.
Dans son message, le Conseil fédéral a mis en évidence le fait que le but de cette initiative recoupe en grande partie celui de la législation actuelle sur la protection des animaux qui limiterait déjà le nombre des expériences au strict nécessaire et de préciser, pour preuve, que le nombre d'animaux utilisés a diminué de plus d'un tiers (40,7%) depuis 1983
[36]. De plus, le gouvernement pense qu'une limitation trop stricte provoquerait une entrave inacceptable à la recherche en Suisse et ne ferait que favoriser son transfert à l'étranger; on ne pourrait, selon lui, envisager, dans l'état actuel des besoins scientifiques, l'application d'un texte aussi drastique. Le Conseil fédéral a donc proposé le rejet sans contre-projet de cette initiative. Il renonçe même à introduire le droit de recours et de plainte d'associations par le moyen d'un contre-projet indirect arguant que l'on n'avait pas eu, jusqu'à aujourd'hui, connaissance de cas concrets de lacunes graves dans l'organisation et la procédure d'octroi des autorisations qui justifieraient une telle mesure
[37].
Pourtant, six mois plus tard, le Conseil fédéral entama une
procédure de consultation en vue d'une éventuelle révision de la loi sur la protection des animaux pouvant tenir lieu de contre-projet indirect. Ce changement d'attitude est le fait de la commission ad hoc du Conseil national qui, bien qu'elle ait dit non à l'initiative de la FSPA, a néanmoins rejoint la position de deux de ses membres, Luder (udc, BE) et Seiler (pdc, ZH), qui désirent renforcer substantiellement les dispositions légales en reprenant l'idée des initiants d'un droit de recours et de plainte
[38].
Mais le Conseil fédéral est revenu, en fin d'année, à son opinion première au terme de la procédure de consultation. Cette dernière l'a conforté dans sa volonté de ne pas opposer un contre-projet indirect à l'initiative; bien que les cantons et la majorité des partis soient favorables à un contre-projet – contrairement aux milieux de l'industrie et de la recherche – ils ne désirent pas y voir figurer un droit de plainte et de recours mais se prononcent en faveur d'un renforcement des droits des commissions cantonales et une extension du champ d'application de la loi sur la protection des animaux
[39].
Dans le même mouvement, le Conseil fédéral a signé et demandé au parlement de ratifier la convention européenne de 1986 sur la protection des animaux vertébrés employés dans des essais scientifiques, texte qui est moins restrictif que le droit suisse en la matière
[40].
Une
nouvelle initiative contre la vivisection, «pour l'abolition de l'expérimentation animale», a été lancée en octobre. Beaucoup plus radicale que celle de la FSPA, elle émane de la «Ligue internationale des médecins pour l'abolition de la vivisection» (LIMAV). Composée de 300 scientifiques répartis dans une vingtaine de pays, cette organisation demande la cessation immédiate et absolue de toute espèce d'expérimentation animale sur le territoire de la Confédération. Contrairement à sa concurrente, cette initiative ne prévoit aucune dérogation possible et se rapproche ainsi, par son intransigeance, de celle proposée par Franz Weber quatre ans auparavant. En plus des arguments traditionnels d'ordre éthique ou moral, les membres de la LIMAV axent également le débat autour de problèmes purement médicaux en affirmant que les expérimentations animales n'ont aucune valeur scientifique dans le sens où il ne serait pas possible d'extrapoler à partir de l'animal pour soigner l'homme et ce d'autant plus que le cobaye est soumis en laboratoire à des conditions de stress extrêmes, et de citer, en exemple, les effets néfastes de la thalidomide, de la cortisone, de certains antibiotiques, de certains antirhumatismaux et de certains vaccins
[41].
[35] Cf. APS 1985, p. 92 et 1987, p. 116.
[36] Ce qui représente 1 180 789 animaux vertébrés utilisés en laboratoire au cours de l'année 1988. 93,3% d'entre eux sont de petite taille (souris, rats, hamsters etc.), le solde étant composé de grands mamifères tels les singes (dont le nombre est en augmentation), les chats, le bétail etc. (Schweizer Tierschutz, Positionspapier Tierversuche; NZZ, 10.6.89; 24 Heures, 25.10.89).
[37] FF, 1989, I, p. 961 ss.; presse du 31.1.89 et RFS, 6, 7.2.89.
[38] NZZ, 28.6.89; presse du 31.8.89.
[39] BaZ, 16.10.89; Vat., 2.12.89; Bund, 5.12.89; NZZ, 11.12. et 18.12 89; presse du 22.12.89.
[40] NZZ, 5.5. et 6.5.89.
[41] FF, 1989, III, p. 933 ss.; presse du 18.10.89.
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