Année politique Suisse 1989 : Economie / Agriculture
 
Sylviculture
Comme pour l'agriculture, un débat de fond s'est engagé depuis plusieurs années sur les forêts. Après que l'attention ait presque uniquement porté sur les dégâts provoqués par la pollution, c'est le problème de la sous-exploitation des forêts suisses qui arrive sur le devant de la scène et, en conséquence, la question du choix ou de la recherche d'une alternative entre économie et écologie. Un rapport du Groupement suisse pour la population de montagne (SAB) a souligné à quel point la sylviculture helvétique est dépendante du soutien des pouvoirs publics qui devraient accroître leur aide financière afin de promouvoir l'exploitation forestière et rendre le bois helvétique compétitif sur le marché suisse. Le SAB demande également une restriction des importations pour permettre d'écouler une quantité maximale de bois suisse et de rechercher un important degré d'auto-approvisionnement [42].
Les exploitants désireraient donc une politique semblable à celle qui est appliquée dans l'agriculture. Les résultats du programme national de recherche du Fonds national suisse sur le bois (arrivé à terme en 1989) vont dans le même sens que les conclusions du SAB et donnent une sanction écologique aux nécessités économiques de l'exploitation forestière. En effet, selon ces travaux, le bois suisse devrait être mieux utilisé car la forêt, sous-exploitée, vieillit et ce dépérissement exigerait des coupes importantes. Or, on ne prélève à peine que 50% de l'accroissement naturel alors que les arbres âgés sont beaucoup plus sensibles à la pollution atmosphérique, aux pluies acides ou aux insectes nuisibles (bostryches). Ces études proposent également une diminution des importations car la Suisse pourrait être indépendante de ce point de vue et préconisent une enveloppe d'environ 400 millions de francs de subventions (rappelons que de 1984 à 1988, les aides fédérales sont passées de 64 millions à 150 millions de francs). Le programme du Fonds national pose clairement le problème du choix politique à faire: faut-il considérer la forêt comme une intouchable réserve naturelle ou comme un producteur potentiel de matériaux? Il désigne finalement la voie à suivre en montrant l'alliance bénéfique des exigences de la protection de l'environnement et des possibilités de l'exploitation [43].
C'est dans cette problématique que s'inscrivent les débats autour de la nouvelle loi sur les forêts qui doit remplacer celle de 1902. Son idée centrale est d'encourager l'entretien des forêts par des subsides fédéraux. F. Cotti la présenta, en 1988, comme un moyen terme entre les dispositions relatives à la production quantitative inhérente à la loi de 1902 et un complément visant une conservation qualitative dans le but d'harmoniser les besoins de l'économie avec ceux de l'écologie. Ce projet de loi fut fort bien reçu par le Conseil des Etats qui l'adopta à l'unanimité. La petite chambre n'a modifié qu'en un point le projet élaboré par le département de l'intérieur en refusant qu'obligation soit faite aux cantons de prélever la plus-value du terrain qui résulte d'un déboisement autorisé [44].
L'exploitation et l'entretien de la forêt impliquent une infrastructure renforcée en dessertes. La motion Loretan (prd, AG) demandait que, dans ce cadre, le Conseil fédéral aligne l'ensemble des projets relatifs à la forêt sur les exigences de la protection de la nature. Après que le Conseil national eut amputé la motion de ses points concernant des inventaires des écosystèmes forestiers et des plans d'entretien devant être associés aux projets de dessertes, le Conseil des Etats rejeta le reste du texte qui imposait notamment l'obligation d'obtenir une autorisation pour réaliser une desserte. Dans les deux cas, les Chambres arguèrent que les prescriptions de la motion étaient déjà contenues dans la loi pour la protection du paysage et des sites, la loi sur les forêts et la loi sur l'aménagement du territoire [45].
Selon le rapport Sanasilva, à la dégradation observée de 1985 à 1987, avec une progression de 37% à 56% d'arbres malades, a succédé une période de stagnation avec exactement le même chiffre qu'en 1988: 43%. Mais cela ne représente qu'un constat global. Si l'on entre dans le détail, des différences notables apparaissent; tandis que la région des Alpes voit sa situation inchangée avec 53% d'arbres atteints, le plateau souffre d'un accroissement de 6% par rapport à l'année précédente (25% à 31 %) alors que le Jura voit son taux diminuer de 10% (48% à 37%). De même, les diverses espèces d'arbres connaissent des états différents d'une année à l'autre; si le hêtre et l'épicéa vont beaucoup mieux, la situation a nettement empiré pour le chêne et le sapin. Les auteurs du rapport précisent que ces changements sont, pour l'instant, incompréhensibles et qu'il est impossible d'observer des causalités particulières [46]. Dans le domaine des dégâts subis par les forêts, la motion Hess (pdc, ZG) demandait au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour réduire les émissions polluantes et promouvoir des énergies de remplacement renouvelables. Considérant que cette motion, déposée en 1986, était déjà réalisée, le Conseil des Etats l'accepta et la classa [47].
 
[42] 24 Heures, 28.3.89.
[43] Presse du 23. et 24.5.89; NZZ, 9.12.89; L'Hebdo, 25.5.89 (problèmes économiques de l'industrie du bois). Cf. aussi Lit. Werner.
[44] BO CE, 1989, p. 255 ss.; BZ, 12.6.89; BaZ, 13.6.89; presse du 14.6.89; JdG, 16.6.89 et LID-Pressedienst, 1602, 16.6.89. Cf. aussi APS 1988, p. 115.
[45] BO CN, 1989, p. 582 ss.; BO CE, 1989, p. 836 ss.; NZZ, 15.12.89.
[46] Direction fédérale des forêts, Rapport annuel Sanasilva 1989, Berne 1990; presse du 1.9.89; Vat., 16.10.89; NZZ, 9.11. et 12.12.89.
[47] BO CE, 1989, p. 836; NZZ, 15.12.89.