Année politique Suisse 1989 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Constructions routières
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Oppositions à la construction de nouvelles routes nationales
Les deux Chambres ont très largement rejeté l'initiative «halte au béton – pour une stabilisation du réseau routier». Ce texte, déposé en 1986, émanait des milieux écologistes et des Organisations progressistes (POCH). Il souhaite que le réseau routier suisse ne dépasse pas la superficie qu'il atteignait le 30 avril 1986. Il vise donc à réorienter la politique des transports vers l'offre plutôt que la demande en prenant des mesures afin de décourager les automobilistes. Les Chambres ont estimé qu'il était plus judicieux d'atteindre ces buts en mettant en oeuvre la stratégie de lutte contre la pollution de l'air et en promouvant les transports publics. Elles se sont surtout attaquées à la disposition stipulant le retour à l'état des routes de 1986 qui serait absurde et impossible à mettre en oeuvre. La dimension économique du problème a également motivé leur choix; geler le réseau routier aggraverait le déséquilibre entre les régions développées et celles qui le sont moins. Le Conseil national repoussa dans les mêmes proportions une proposition de contre-projet de Verena Diener (pe, ZH) qui demandait que l'on renonce à l'effet rétroactif de l'initiative, la date du 30 avril 1986 étant remplacée par celle du jour suivant l'éventuelle adoption du texte en votation populaire [35].
Le Conseil fédéral, le Conseil national et le Conseil des Etats se sont prononcés sur les initiatives «trèfle à quatre» .(devenues "trèfle à trois" dans le courant de l'année). Celles-ci sont composées de quatre textes distincts lancés par I'AST et déposés en 1987. Ils visent à empêcher la construction de quatre tronçons d'autoroute: la N1 entre Yverdon et Morat, la N5 entre Bienne et Soleure/Zuchwil, la N4 entre Knonau et Wettswil et la N16 (Transjurane) qui représentent 7% du réseau total, soit 137 km. Les Chambres et le gouvernement s'y sont opposés car, selon eux, ils mettent en cause la conception globale des routes nationales et créeraient des lacunes dans une structure censée former un tout. De plus, cela n'aurait guère d'influence sur le trafic 'en général et nuirait plutôt à sa fluidité dans les régions concernées. Ainsi, un réseau de routes nationales inachevé engorgerait les villes et les villages des zones non-desservies et, de ce fait, irait à l'encontre d'une politique raisonnable de protection de l'environnement. En outre, selon le Conseil fédéral, l'introduction de l'étude d'impact donne assez de garanties pour limiter au maximum les dégâts causés à la nature [36].
A la fin de l'année 1989, le comité «pour un Jura libre d'autoroute» a retiré son initiative contre la N16. Le Conseil des Etats n'eut donc ainsi que trois objets à traiter. Les raisons invoquées furent que ce projet manquait considérablement de soutien dans le canton du Jura et qu'il était devenu une source de blocage et de conflit entre les milieux de protection de l'environnement, les autorités cantonales et les partis politiques. Le comité a estimé aussi avoir atteint son but qui était, plutôt qu'une suppression de la N16, l'obtention de garanties qu'une action d'envergure en faveur de l'environnement serait entreprise [37].
Le groupe AdI/PEP avait déposé, en 1987, une motion qui demandait que tous les travaux préliminaires entrepris en vue de la construction des tronçons contestés soient suspendus jusqu'à ce que le peuple se soit prononcé sur les initiatives. Le Conseil national a estimé qu'un tel moratoire créerait un précédent et qu'il pourrait suffire de lancer une initiative pour bloquer le fonctionnement de quelque objet què ce soit. Les indépendants, les écologistes et les socialistes se retrouvèrent donc minoritaires à la Chambre et la motion fut rejetée [38].
La grande chambre a rejeté les deux motions Bodenmann (ps, VS) concernant la N9. La première demandait que le Conseil fédéral propose au parlement de renoncer à aménager cette autoroute à 4 pistes sur tout le tronçon situé entre Sierre-Est et Brigue. La seconde envisageait de faire passer la N9, dans la région de Viège, plus au sud que ce qui avait été projeté [39].
 
[35] BO CN, 1989, p. 1493 ss. et 2279; BO CE, 1989, p. 667 ss. (l'initiative a été rejetée au CN par 102 voix contre 29 et au CE à l'unanimité); FF, 1989, Il, p. 1577 ss.; presse des 29.9. et 16.12.89. Voir aussi APS 1988, p. 148.
[36] FF, 1989, I, p. 617 ss.; BO CN, 1989, p. 1505 ss. et 2279; BO CE, 1989, p. 668 ss. et 845 (le CN a rejeté l'initiative contre la N1 par 93 voix contre 45, celle contre la N4 par 91 voix contre 48 et celle contre la N5 par 95 voix contre 49. Le CE a rejeté les initiatives par 38 voix contre 5); FF, 1989, III, p. 1579, 1580 et 1581; presse des 26.1., 12.8., 29.9. et 30.11.89. Voir aussi APS 1988, p. 148.
[37] FF, 1989, III, p. 1418; Dém., 24.6., 27.6., 28.6., 17.8., 20.10., 2.11., 11.11. et 20.11.89; presse du 9.11.89; JdG, 17.8. et 9.10.89.
[38] BO CN, 1989, p. 365 ss.; JdG, 10.3.89.
[39] BO CN, 1989, p. 370 ss.