Année politique Suisse 1989 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement / Protection des eaux
La révision totale de la loi sur la protection des eaux de 1971 constitue un contre-projet indirect à l'initiative «Pour la sauvegarde de nos eaux». Cette dernière, proposant une protection rigoureuse et intégrale des eaux encore proches de l'état naturel et le maintien de débits minimaux suffisants a été rejetée par les deux Chambres au profit du projet du Conseil fédéral
[31]. Le texte de la révision de la loi sur la protection des eaux fut adopté pratiquement tel quel par le Conseil des Etats à la fin de l'année 1988
[32]. Au Conseil national, il provoqua un important débat qui déboucha, par rapport au projet initial, sur quelques notables modifications. Trois sujets furent au centre des discussions: les fabriques d'animaux et la pollution des eaux par le lisier et le fumier, les débits minimaux et le problème des indemnités pour la sauvegarde des torrents sauvages («centime du paysage»).
En ce qui concerne les
débits minimaux, le Conseil national est resté sur les positions du Conseil fédéral et du Conseil des Etats et a rejeté une proposition visant à imposer des débits résiduels supplémentaires. Cependant, la grande chambre a adopté le projet plus rigoureux du Conseil fédéral en matière de réglementation des exceptions. De plus, elle a ajouté au texte, contre l'avis de sa commission, des prescriptions qui rejoignent les propositions de l'initiative «Pour la sauvegarde de nos eaux» en assurant une protection presque absolue des cours d'eau restés en leur état naturel. Dans le domaine de la pollution des eaux par l'agriculture, elle a approuvé la règle de trois unités de bétail-fumure (UGBF) à l'hectare pour l'épandage mais a ajouté, en particulier, une proposition selon laquelle la moitié au moins de la quantité d'engrais de ferme provenant d'une entreprise agricole doit être répandue sur la surfacé utile exploitée. Cette mesure devrait toucher environ 13 000 exploitations
[33].
Le «
centime du paysage» consiste en une compensation pour la non-réalisation d'ouvrages hydroélectriques, eu égard au fait que les producteurs d'électricité versent de fortes redevances aux cantons et communes pour l'utilisation des eaux dont ces derniers détiennent les droits. Cette idée a émergé il y a une dizaine d'années dans les Grisons au sujet des projets d'Ilanz et de la Greina dans le but de sauvegarder le paysage ainsi que les derniers torrents sauvages des Alpes. Pour effectuer cette compensation, diverses organisations écologistes et la Fondation suisse de la Greina ont proposé une taxe (de 1 centime) prélevée sur chaque kilowattheure provenant de la production hydroélectrique. Le fonds ainsi constitué servirait à l'indemnisation de communes privées de redevances. Le «centime du paysage» fut au centre d'une longue polémique; la question de sa constitutionnalité trouva autant d'adversaires que de défenseurs. Finalement, la commission du Conseil national adopta le principe d'un fonds d'indemnisation mais laissa ouvert le problème de son mode de financement. La grande chambre se prononça, en juin, en faveur du «centime du paysage». Selon elle, celui-ci ne devrait s'appliquer qu'aux paysages d'importance nationale en tenant compte de la capacité financière du canton ou de la commune. Sur le financement du fonds, elle se rangea à une proposition de compromis radicale qui reprenait l'idée initiale d'une taxe sur chaque kilowattheure mais en l'abaissant à 0,2 centime. Cela devrait représenter une somme de 70 millions de francs par an
[34].
En fin d'année, le Conseil des Etats, en deuxième lecture, a maintenu les divergences créées par le Conseil national. Si le Conseil des Etats renonça également au «centime du paysage», il laissa tout de même une porte ouverte en demandant au Conseil fédéral, par le biais d'une motion déposée par sa commission, de proposer un projet prévoyant des montants compensatoires pour les collectivités victimes d'un manque à gagner à cause de la non-réalisation d'un ouvrage hydroélectrique
[35]. Face aux réserves de la petite chambre, diverses organisations de protection de l'environnement ainsi que le l'Association suisse pour la protection des petits et moyens paysans (VKMB) ont décidé d'utiliser la menace du référendum contre la révision de la loi sur la protection des eaux si le Conseil national devait s'aligner sur les positions de la chambre des cantons
[36]. Gallus Cadonau, directeur de la Fondation suisse de la Greina, a averti, pour sa part, qu'il lancerait une initiative populaire sur le thème du «centime du paysage» si son principe ne devait finalement pas être retenu au parlement
[37].
[31] L'initiative a été rejetée par 37 voix contre 6 au CE et par 51 voix contre 45 au CN: BO CN, 1989, p. 1106; BO CE, 1989, p. 622; presse du 24.6.89.
[32] Cf. APS 1988, p. 177 s.
[33] BO CN, 1989, p. 932 ss., 1012 ss. et 1074 ss.; presse du 21.6. et 22.6.89. Pour les débits minimaux, cf. supra, part. I, 6a (Energie hydroélectrique). Pour la pollution due à l'agriculture, cf. supra, part. I, 4c (Production animale).
[34] BO CN, 1989, p. 1089 ss. (proposition acceptée par 77 voix contre 59. L'ensemble de la loi a été accepté par 79 voix contre 12); NZZ, 7.2., 2.3., 20.3., 11.5., 31.5., 7.6., 9.6. et 19.6.89; BaZ. 15.6. et 16.6.89; BZ, 4.3.89; TA, 7.6.89; presse du 23.6.89 ainsi que RFS, 26, 27.6.89. Voir aussi APS 1988, p. 182.
[35] BO CE, 1989, p. 709 ss.; TA et NZZ, 4.12.89; BaZ, 5.12.89; presse du 6.12.89; Ww, 14.12.89. Motion de la commission du CE: BO CE, 1989, p. 739.
Copyright 2014 by Année politique suisse
Ce texte a été scanné à partir de la version papier et peut par conséquent contenir des erreurs.