Année politique Suisse 1990 : Chronique générale / Résumé / Jahresthemen — Faits marquants
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Trois prémices d'une métamorphose
Confrontée aux errements du passé et aux défis de l'avenir, la Suisse est entrée dans une phase de restructuration. La métamorphose que vit ce pays repose sur trois axes: la réforme d'éléments fondamentaux telle l'agriculture, un accroissement du poids de certaines politiques publiques, notamment en faveur de celle étrangère et la redéfinition du système politique lui-même, esquissée depuis longtemps, mais dynamisée par divers scandales et par l'augmentation des tâches étatiques.
L'agriculture a toujours joué un rôle central en Suisse, tant dans la conscience collective que dans le budget national. La vision quasi mythique de la paysannerie, jusqu'à présent jamais véritablement remise en cause, a conduit l'Etat à lui assurer une protection presque totale par un soutien des prix à la production. Cette situation, outre le fait qu'elle a mené à des excès du point de vue écologique, a toujours fait peu de cas des règles de l'économie de marché. Cet âge d'or arrive, cependant, à son terme; en effet, sous la pression internationale, le monde paysan est contraint à envisager une profonde réorganisation. Les négociations de l'Uruguay round, menées dans le cadre du GATT, ont révélé la tendance mondiale, prônée par les Etats-Unis et les principaux pays exportateurs, à une libéralisation des échanges agricoles ainsi qu'à une diminution drastique des soutiens internes et des subventions à l'exportation.
Ce mouvement est, de surcroît, renforcé par des pressions venant de l'intérieur des frontières même. La population, que ce soit par les rejets des arrêtés sucrier (1986) et viticole (1990) ou par la quasi acceptation de l'initiative en faveur des petits paysans (1989) et le lancement de l'initiative «paysans et consommateurs – pour une agriculture en accord avec la nature», manifeste de plus en plus son désaccord face à la politique officielle. Ce dissentiment est, par ailleurs, partagé par les milieux économiques, qui ne veulent pas voir les mesures restrictives prises à l'encontre des importations agricoles porter ombrage à leurs intérêts en matière d'exportations. Prise entre ces deux feux, la paysannerie exprime son inquiétude face à un avenir incertain, qui verra probablement la disparition d'un bon nombre d'entreprises, et face à toutes les conséquences sociales, culturelles, régionales, économiques, écologiques et politiques qui en résulteraient. Toutefois, elle ne reste pas passive vis-à-vis de cette évolution; ainsi, l'USP va même jusqu'à accepter un usage plus large des paiements directs. Par ailleurs, son initiative «pour une agriculture paysanne compétitive et respectueuse de l'environnement» a abouti, permettant ainsi aux agriculteurs d'exprimer leur volonté de maîtriser des mécanismes qui, pourtant, tendent à leur échapper.
Les bouleversements dans les pays de l'Est, l'accélération du processus d'intégration européenne ainsi que l'interdépendance croissante entre les nations ont conduit la Suisse à une plus grande implication planétaire. Par ce biais, la politique étrangère helvétique, de quasi confidentielle, est devenue, ces dernières années, beaucoup plus publique. Elle a, en cela, profité du débat suscité par l'avenir de la Suisse au sein du. Vieux Continent, illustré par les négociations formelles entamées en 1990 sur l'Espace économique européen. Une telle évolution ne saurait être que positive puisque, in fine, une éventuelle adhésion à un organe européen supranational devra être sanctionnée par le souverain. Or, il serait regrettable de tomber dans les travers (ignorance et pusillanimité) ayant abouti, en 1986, au rejet massif de l'adhésion de la Suisse à l'ONU.
Dans le contexte de la crise du Golfe persique, la participation de la Suisse aux sanctions économiques décrétées par le Conseil de sécurité des Nations Unies à l'encontre de l'Irak, montre l'audace nouvelle de la politique étrangère suisse. Ce comportement, s'il constitue une première pour la Confédération, contribue également à revitaliser quelque peu la politique helvétique de neutralité, à l'insérer plus activement et plus profondément dans les mouvances internationales.
Cette réorientation devrait se concrétiser par une plus grande participation au sein d'organismes internationaux; la demande formelle d'adhésion aux organisations de Bretton Woods, déposée en 1990, en constitue un premier pas. Elle passe également par un accroissement de l'action politique et financière helvétique à l'échelle mondiale ainsi que par un programme d'augmentation de l'aide aux pays en développement.
Les exemples précédents révèlent à quel point deux éléments de base du système – agriculture et neutralité – doivent être modifiés afin de s'adapter aux nouvelles données de l'ère moderne. L'ébranlement de deux piliers aussi essentiels de l'identité helvétique ne peut que conduire à s'interroger sur l'avenir de la Suisse, son sens et sa place dans le monde. A cette réflexion, viennent cependant se greffer le doute, la crainte et la méfiance. En effet, au moment même où la Suisse doit faire face à ces importants défis, se produisent, coup sur coup, plusieurs scandales secouant les structures étatiques. Citons tout d'abord l'affaire Kopp, où un membre de l'exécutif, après avoir pris certaines libertés avec ses obligations, dut démissionner. Mentionnons ensuite celle des fiches, démontrant d'une part, le manque de contrôle de l'administration et, d'autre part, la paranoïa régnant dans certains milieux. Signalons enfin, en 1990, celle concernant, au sein du DMF, l'organisation secrète de résistance (P-26) et le service de renseignement extraordinaire (P-27), qui furent créés sans base légale et en-dehors de tout contrôle politique. Ces dossiers ont engendré un hiatus entre les autorités et la population et enrobé les institutions d'un voile de suspicion. Pour répondre à ce problème ainsi qu'aux nouveaux devoirs internationaux et à leurs conséquences intérieures, l'une des répliques possibles, et probablement la plus saine, consiste en une réforme des modes de fonctionnement respectifs du parlement et du gouvernement, projet que certains députés ont déjà amorcé.