Année politique Suisse 1990 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Pays en développement
La situation des pays en développement ne s'est guère améliorée ces dernières années, bien qu'en 1984, soit deux ans après le début de la crise de l'endettement, certains signes aient pu faire croire à une progression de leur position. Le contexte est cependant très inégal suivant les Etats.
Ainsi, les pays africains au Sud du Sahara vécurent l'évolution la plus défavorable des années quatre-vingts. La situation de l'Amérique latine ne fut pas, durant la même période, plus enviable puisqu'elle connut, à partir de 1982, un net recul de sa croissance économique. Par contre, les pays asiatiques virent leur croissance s'accélérer durant ces mêmes années.
Le Conseil fédéral désire tendre vers une politique plus globale en matière d'aide au développement puisqu'il a conjointement présenté, en 1990, différents crédits de programmes y afférents. Ceux-ci étaient relatifs à la continuation de la coopération technique et financière (3,3 milliards), à des mesures de politique économique (840 millions), à celles d'allégement de la GRE ainsi qu'aux accords de consolidation de dettes. L'ensemble de ces initiatives devrait permettre à l'aide publique suisse de passer de 0,31% du PNB (en 1990) à 0,34% (en 1994), se rapprochant ainsi de la moyenne des pays de l'OCDE qui, en 1988, se situait à 0,35%
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Les Chambres fédérales ont octroyé, pour les années 1991 à 1994, un crédit de programme de 3,3 milliards de francs pour la continuation de la coopération et de l'aide financière aux pays en développement. Le message du gouvernement fut cependant fort éloigné de tout triomphalisme car il souligna le relatif échec du soutien apporté par les pays industrialisés, les instruments à disposition ne suffisant pas à améliorer la situation des nations les plus défavorisées.
De ce montant total, 2,28 milliards de francs (69%) sont destinés à la principale forme d'aide helvétique, à savoir celle
bilatérale. Cette dernière se fixe sectoriellement cinq priorités. Premièrement, la lutte contre la pauvreté, où l'on cherchera à renforcer la position sociale et politique des populations défavorisées (par exemple, en intensifiant la participation des femmes). Deuxièmement, le développement des ressources humaines, qui implique celui de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle et de la capacité de gestion. Troisièmement, l'émigration et les réfugiés, où l'on veut accroître la participation de la Suisse en faveur des régions d'exode économique ainsi que dans l'aide au retour des réfugiés politiques lorsque les conditions nationales le permettent. Quatrièmement, la recherche et la production agricole, où l'accent sera mis sur les techniques de culture vivrière locales. Cinquièmement, l'environnement et les ressources naturelles. Ces soutiens seront répartis
géographiquement entre les pays de concentration de l'aide suisse et les autres
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De la somme globale, 1,02 milliards de francs sont affectés à l'aide
multilatérale (31%). Dans ce domaine, la Confédération désire également procéder à une convergence de ses actions. C'est pourquoi elle entend axer ses activités sur les pays et populations les plus pauvres, notamment dans la répartition des
flux financiers. Elle souhaite aussi veiller à la qualité des prestations offertes par les organisations internationales ainsi qu'au soutien des capacités propres des nations du Tiers monde susceptibles d'engendrer un développement autonome
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Les débats parlementaires sur ce crédit furent marqués par une divergence entre les deux Chambres quant à l'inclusion, proposée par le député Spälti (prd, ZH) et acceptée par tous les groupes au Conseil national, d'une mention explicite concernant l'appui aux productions se substituant aux cultures de stupéfiants. Bien que sa commission eût souligné la difficulté d'introduire une norme concernant un objet concret dans un texte général – analyse partagée par le Conseil fédéral – la petite chambre se rallia, sans difficulté majeure, à la proposition du Conseil national.
Par ailleurs, le Conseil des Etats se montra préoccupé par la nécessité d'une
coordination entre les départements fédéraux s'occupant de programmes de différentes natures. Dans sa réponse, R. Felber souligna le rôle joué en la matière par certaines organisations internationales comme le CAD (Comité de l'aide au développement
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), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), le HCR (Haut Commissariat pour les réfugiés) ou le CICR. A l'observation du sénateur Cavadini (prd, TI) s'inquiétant des éventuelles répercussions négatives sur l'aide au développement du fait de l'adhésion de la Suisse aux organisations de Bretton Woods, le chef du DFAE signala qu'une telle intégration permettrait au contraire de participer plus activement aux actions de désendettement. Il mit enfin en exergue l'importance accordée aux droits de l'homme dans l'étude d'un projet de soutien. Le Conseil national, où le message du gouvernement reçut une approbation unanime, se préoccupa de l'aide apportée aux pays dont proviennent les réfugiés ainsi que de la pertinence de l'appui à l'Inde
[90].
La somme totale des crédits mixtes accordés par la Suisse entre 1977 et 1989 s'élève à 1390 millions de francs, soit 523 millions de francs en provenance de la Confédération et 867 millions de francs émanant du secteur privé
[91].
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Les Chambres fédérales ont accepté, en 1990, l'ouverture d'un quatrième crédit de programme de 840 millions de francs pour
la continuation du financement de mesures de politique économique et commerciale au titre de la
coopération internationale au développement, soit une augmentation annuelle de 46% par rapport au précédent montant de 1986. Toutefois, plusieurs propositions tendant à majorer de 100 millions de francs cette somme ou à la diminuer de 100 millions mais en l'assortissant d'un supplément distinct de 700 millions – en vertu du 700ème anniversaire de la Confédération – ou à octroyer un tel complément sans entamer le crédit de programme furent rejetées par le Conseil national. Les groupes parlementaires bourgeois soutinrent la proposition du gouvernement alors que les fractions socialiste, écologiste et des indépendants furent en faveur de celles tendant à augmenter ce capital
[92].
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Ce nouveau crédit de programme déroulera ses effets sur quatre ans (de 1991 à 1994). Parmi les différentes mesures qu'il propose, certaines sont traditionnelles (financements mixtes, aide à la balance des paiements, compensation des pertes de recettes à l'exportation) mais d'autres sont totalement nouvelles. Ainsi en va-t-il du montant prévu pour des actions de désendettement, partagé entre la renonciation à une partie des créances garanties par la GRE, la participation à des actions multilatérales de rachats de dettes et un soutien à des engagements internationaux. Cette liaison entre désendettement, investissements et garantie contre les risques à l'exportation (GRE) constitue une première pour la législation suisse.
Les financements mixtes ont pour but de participer au développement de l'infrastructure économique et de faciliter les investissements dans des domaines où les entreprises helvétiques sont en mesure de fournir des contributions concurrentielles dans les pays en développement. Au cours des dix dernières années, de tels accords furent conclus avec 19 nations. Afin de tenir plus particulièrement compte de la situation très défavorable de certains Etats du Tiers monde, la part de la Confédération dans les crédits mixtes a été, dans le présent engagement, augmentée et le gouvernement a proposé de transformer en dons celles relatives à d'anciens financements de cette nature.
En 1990, des accords de ce type furent conclus avec le Chili (60 millions de francs, dont 21 à la charge de la Confédération), la Colombie (40 millions/ 14 millions), le Zimbabwe (50 millions/25 millions) et l'Inde (100 millions/40 millions)
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Les
aides à la balance des paiements visent à soutenir les réformes macro-économiques en facilitant l'approvisionnement de la population et en permettant une meilleure exploitation des capacités inutilisées. Madagascar bénéficia, en 1990, d'une telle forme d'appui (15 millions de francs), afin de financer des importations de médicaments de première nécessité. Il en fut de même pour la Tanzanie (9 millions), dont la subvention doit aider les secteurs de l'énergie, de la production pharmaceutique locale ainsi que l'achat de remèdes
[94].
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Par rapport au troisième crédit en la matière, les moyens mis à disposition de la
compensation des pertes de recettes d'exportation des pays producteurs de matières premières les plus pauvres ont été augmentés de près de 70%, afin de tenir compte de l'importance particulière de l'économie liée aux produits de base pour ces Etats. Cet accroissement permettra aux autorités fédérales d'élargir l'éventail des nations bénéficiaires et celui des marchandises retenues. En 1990, six pays africains jouirent de ce type de soutien
[95].
Les initiatives prises dans le cadre de la
promotion du commerce et de l'industrialisation épaulent les efforts faits par les pays en développement afin de diversifier leur économie et atteindre une certaine croissance. Elles contribuent à renforcer leur fondement en la matière ainsi qu'à assainir leur balance commerciale et se rapportent à quatre secteurs: la production et la transformation de produits de base, l'industrialisation et le transfert de technologies, la promotion des exportations et la rationalisation des politiques d'importation. Ces prestations se concentrent sur les petites et moyennes entreprises, la plupart du temps par le biais d'organismes multilatéraux et spécialisés
[96].
Dans ce contexte d'ensemble, les Chambres acceptèrent deux postulats de leurs commissions économiques extérieures respectives. Basés sur la pétition "Le
désendettement: une question de survie" des six organisations caritatives suisses — signée par près de 250 000 personnes — ils demandaient que, dans le cadre du 700ème
anniversaire de la Confédération, un fonds spécial soit créé et affecté au désendettement des pays les plus pauvres. Au contraire de la pétition, les textes finalement adoptés accompagnent cette aide extraordinaire de mesures de coopération au développement. Alors que celui entériné par la petite chambre n'indique aucun montant spécifique, celui admis par la grande chambre fixe un chiffre de 700 millions de francs. Dans cette dernière enceinte, tous les groupes soutinrent cette proposition, à l'exception, à une courte majorité, des démocrates du centre
[97]..
Le parlement agréa également le projet d'accord — inclus dans les mesures de politique économique susmentionnées — entre la Suisse et la
Société financière internationale (SFI) . Ainsi, cette dernière, principale institution de mobilisation de fonds privés pour des investissements dans les pays en développement, accédera plus facilement au marché helvétique des capitaux
[98]. Dans ce contexte, un accord de protection des investissements fut signé avec le Vietnam
[99].
Par la consolidation des dettes, on cherche à protéger les créanciers publics et privés contre les pertes et à leur assurer un traitement égal dans le cadre des prestations du service de la dette. La consolidation a également pour but d'aider les pays bénéficiaires à adapter leur économie à de nouvelles conditions. Plus ponctuellement, elle leur permet de surmonter des crises de liquidité.
Dans ce contexte, les Chambres ont autorisé le gouvernement à conclure des
accords relatifs à des consolidations de dettes garanties par la GRE ou par la Confédération au titre de la coopération au développement. L'arrêté fédéral, unanimement accepté par les différents groupes parlementaires, mentionne expressément la possibilité de conclure des traités de consolidation comportant une réduction partielle de la valeur nominale des créances et ce, en faveur des pays en développement les plus défavorisés. Cette aide sera apportée sous forme d'une réduction de la dette ou de son taux d'intérêt, ou par le biais d'un allongement des délais de remboursement. L'ensemble de ces mesures pourrait s'élever à, environ, 2,2 milliards de francs
[100].
En 1990, des accords de rééchelonnement de dettes furent conclus avec l'Argentine (248,6 millions de francs), le Mexique (47) et l'Equateur (10). Des traités de consolidation de dettes le furent avec les Philippines (20), la Côte d'Ivoire (90), le Gabon (2), la Guinée-Bissau (3,5), le Mali (1,1), le Sénégal (7,6), la Tanzanie (2,3) et le Togo (27)
[101].
[86] FF, 1991, 1, p. 293 ss.; presse du 22.10.90, sur le rapport du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE sur la politique suisse en la matière.
[87] Les pays de concentration sont l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh dans la région du sous-continent indien et du Moyen-Orient, le Bhoutan, le Népal et l'Indonésie dans l'Asie du Sud-Est, le Kenya, le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie et Madagascar pour l'Afrique orientale et australe, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Tchad et le Cap-Vert pour l'Afrique occidentale, la Bolivie, le Pérou et le Honduras pour l'Amérique latine.
[88] FF, 1990, I, p. 1153 ss.
[89] Emanation de l'OCDE.
[90] BO CE, 1990, p. 514 ss. et p. 836 s.; BO CN, 1990, p. 1413 ss.; FF, 1990,111, p. 597 s.; presse des 10.3., 22.6. et 20.9.90.
[91] FF, 1990, I, p. 1613 et 1679 ss.
[92] FF, 1990, I, p. 1565 ss. et III, p. 599; BO CE, 1990, p. 809 s.; BO CN, 1990, p. 1179 ss.; presse du 22.6.90. Cf. aussi APS 1986, p. 54. Au CN, la minorité de la commission proposa une augmentation de 100 millions, Zbinden (ps, AG) un crédit supplémentaire de 700 millions et Scheidegger (prd, SO) une action similaire associée à une réduction du crédit-cadre de 100 millions. Pour le fonds supplémentaire de 700 millions, cf. infra.
[93] FF, 1991, I, p. 293 ss.; NZZ, 6.12.90.
[94] FF, 1991, 1, p. 293 ss.
[95] FF, 1991, 1, p. 293 ss.; Rapp.gest. 1990, p. 344. Il s'agit du Bénin, de I'Ethiopie, de la Gambie, du Mozambique, de l'Ouganda et de la Tanzanie.
[96] Par exemple, l'ONUDI ou l'organisation "Technology for the People".
[97] BO CE, 1990, p. 811 ss.; BO CN, 1990, p. 1481 ss.; TW, 26.4. et 11.9.90; BaZ, 13.6.90; NZZ, 14.6.90; SGT, 30.8.90; presse du 21.9.90. La pétition fut lancée par l'Action de Carême, Caritas, I'EPER, Helvetas, Pain pour le prochain et Swissaid.
[98] BO CE, 1990, p. 809 ss.; BO CN, 1990, p. 1179 ss.
[99] FF, 1991, 1, p. 293 ss.; Rapp.gest. 1990, p. 344.
[100] FF, 1990, 1, p. 1497 ss. et III, p. 586; BO CE, 1990, p. 280 s. et 858; BO CN, 1990, p. 1452 ss. et 1966. La durée de validité de l'arrêté fédéral est de dix ans.
[101] FF, 1991, I, p. 293 ss.; Rapp.gest. 1990, p. 345 s.
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