Année politique Suisse 1990 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
 
Politique énergétique
Pour beaucoup d'observateurs, l'année 1990 fut celle de la politique énergétique. L'environnement étant endommagé quelles que soient les formes d'utilisation de l'énergie, les réserves d'agents fossiles étant limitées mais la consommation pouvant être réduite par une efficience plus grande, la détermination d'une véritable politique suisse en matière d'énergie semble inéluctable. Cependant, l'ensemble de ces hypothèses préexistait à 1990. Dès lors se pose la question d'un tel délai et de telles difficultés à trouver un consensus politique. La réponse à cette interrogation pourrait se trouver dans les dysfonctionnements du système de concordance, qui s'harmoniserait mal de problèmes ne pouvant être solutionnés par des compromis. Cette dernière observation est plus spécifiquement pertinente lorsqu'elle a trait au nucléaire [1].
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Article énergétique
Le 23 septembre, le peuple et les cantons suisses ont accepté, par 71 % des suffrages, de réglementer la politique énergétique par le biais d'un article constitutionnel. Il permettra à la Confédération d'agir à trois niveaux: par des principes sur l'utilisation rationnelle des énergies indigènes et renouvelables, par des prescriptions sur la consommation des installations, véhicules et appareils ainsi que par un encouragement des techniques ayant trait aux économies et aux énergies alternatives. Formulé de façon assez générale et déclamatoire, il ne comporte ni taxe sur l'énergie – retirée après la procédure de consultation mais que le gouvernement souhaite reprendre dans le cadre de la réforme des finances fédérales – ni principes tarifaires, éliminés lors des délibérations parlementaires [2] .
Les citoyens étaient appelés à se prononcer, dans ce domaine, pour la troisième fois en sept ans. Le processus débuta en 1974 lorsque le Conseil fédéral institua, après le premier choc pétrolier, une commission d'experts chargée de définir une conception globale de l'énergie [3] . En 1978, elle remit un rapport contenant trois principes: la diversification de l'approvisionnement, le frein à la consommation par le truchement des économies et la promotion des énergies renouvelables. Elle proposa également, outre une taxe sur l'énergie, la création d'un article constitutionnel. En 1983, la première version de ce dernier fut rejetée par le souverain, n'ayant pu obtenir la double majorité [4]. En 1984, l'initiative populaire "pour un approvisionnement en énergie sûr, économique et respectueux de l'environnement" connut aussi l'échec en votation [5].
La catastrophe de Tchernobyl en 1986 relança l'ensemble du processus. Lors de leur session spéciale, les Chambres repoussèrent l'idée d'une loi sur l'électricité, arguant notamment de la nécessité ex ante d'une base légale. Les débats sur ces deux thèmes débouchèrent sur l'élaboration d'un second article ainsi que sur la création du Groupe d'experts sur les scénarios énergétiques (GESE). En 1987, le gouvernement présenta la nouvelle norme. En février 1988, le GESE soumit, après bien des vicissitudes, son compte rendu qui présentait notamment les prémices, les possibilités et les conséquences du non-développement de l'énergie nucléaire, voire de son abandon [6]. En 1989, le parlement adopta la version soumise au vote populaire de l'article constitutionnel. Celle-ci diffère peu de la version de 1983 mais renforce le rôle des cantons, octroie à la Confédération des compétences dans le domaine des énergies renouvelables et abandonne la formulation potestative du premier alinéa.
La campagne précédant la votation fut animée, notamment par les nombreux comités fédéraux et cantonaux de soutien ou d'opposition. Au niveau national, le groupe d'action en faveur de l'article, composé de quelques 130 parlementaires des partis bourgeois, argua du respect, par la norme, des principes de subsidiarité et de fédéralisme. Son hétéronyme, rassemblant 30 députés ainsi que des représentants du commerce, de l'industrie, des organisations patronales et artisanales, invoqua, à l'encontre de l'article, l'interventionnisme étatique, la bureaucratie et l'entorse au devoir fédéraliste [7]. Plus généralement, les affirmations en faveur de la norme fédérale se basèrent sur la volonté d'une véritable politique énergétique, sur le maintien des prérogatives de l'économie en matière d'approvisionnement et de distribution, sur la nécessité de promouvoir les énergies alternatives et les économies ainsi que sur l'indispensable amélioration de la protection de l'air. Les raisonnements en sa défaveur se fondirent sur l'inutilité de l'article qui, bien que n'ayant qu'une portée politique, conduirait à une étatisation partielle de l'approvisionnement et compromettrait la capacité concurrentielle de l'économie ainsi que son insertion européenne [8].
Article constitutionnel sur l'énergie. Votation du 23 septembre 1990
Participation: 40,3%
Oui: 1 214 925 voix (71%)/ tous les cantons.
Non: 493 841 voix (29%)

Mots d'ordre:
Oui: PRD (11*), PDC, PS, PES, AdI (1*), PEP, Alliance verte, PdT, DS; USP, USS, CSCS, Ligue suisse pour la protection de la nature, WWF, Fédération suisse pour l'énergie, Forum suisse de l'énergie, Association suisse pour l'énergie atomique, Association pour l'aménagement des eaux.
— Non: PLS, PA; Vorort, USAM, ACS, UCAP, Société suisse des propriétaires fonciers, Redressement national.
Liberté de vote: UDC (12*).
* Recommandations différentes des partis cantonaux.
Cette votation a cependant suscité beaucoup d'interrogations dans l'arène politique quant à la future politique énergétique suisse. Ainsi les motions des groupes écologiste, socialiste, indépendant-évangélique et de la conseillère nationale Segmüller (pdc, SG) désirent-elles, pêle-mêle, une taxe énergétique, des principes tarifaires (basés sur les coûts marginaux), des mesures de protection de l'environnement, une diminution des importations d'électricité, un plafonnement des participations helvétiques dans les centrales atomiques étrangères ainsi que des objectifs quant à la consommation globale [9].
Prenant en considération les résultats du 23 septembre, le projet "Energie 2000", issu des premières délibérations d'un groupe de travail réunissant des représentants des quatre partis gouvernementaux et du DFTCE, a été présenté en novembre par A. Ogi. Basé sur le scénario du moratoire élaboré par le GESE, il a trois objectifs: la stabilisation de la consommation et des rejets de CO2 (à terme, leur réduction) ainsi que l'accroissement de l'apport des énergies renouvelables. La, Confédération sera responsable des principes du programme, de sa planification et, par le biais d'une taxe sur l'énergie, de son financement [10]. Ce projet est d'ores et déjà soutenu par les partis gouvernementaux, l'Union des centrales suisses d'électricité et la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie [11].
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Economies d'énergie
Les Chambres ont accepté, en 1990, l'arrêté fédéral pour une utilisation économe et rationnelle de l'énergie, visant à contribuer à un approvisionnement suffisant, sûr, diversifié et compatible avec l'environnement. Parmi les prescriptions qu'il contient, figurent les décomptes individuels des frais de chauffage et d'eau chaude, l'indication de la consommation énergétique des appareils, des installations et des véhicules, certaines mesures d'économie d'énergie (régime d'autorisation pour l'installation d'un chauffage électrique fixe par exemple), les conditions de raccordement des autoproducteurs et l'encouragement de l'Utilisation et de la recherche dans le domaine des énergies alternatives [12]..
Cependant, cette acceptation ne s'est pas faite sans mal. Lors de son traitement par le Conseil national, en tant que première chambre, deux camps s'affrontèrent. D'un côté, les "minimalistes" qui ne voulaient pas de cet arrêté et s'opposèrent, sans succès, à l'entrée en matière et, de l'autre côté, les "maximalistes" qui souhaitaient un texte plus sévère et qui, de ce fait, déposèrent un grand nombre de propositions de minorité ayant avorté. Lors du débat d'entrée en matière, le groupe libéral, une majorité de la fraction UDC et une minorité des radicaux contestèrent l'arrêté, arguant qu'il était inutile, contre-productif, unilatéral (électricité seule visée), anti-fédéraliste, difficile à mettre en oeuvre et problématique au niveau de l'intégration européenne [13]. Lors de la discussion de détail, les groupes socialiste, écologiste et indépendant-évangélique cherchèrent en vain à réintroduire des prescriptions tarifaires, des prix calculés selon les coûts marginaux, une taxe énergétique ainsi qu'une interdiction du chauffage électrique. La seule proposition de minorité ayant trouvé grâce aux yeux de la majorité de la chambre basse fut celle de la députée Hafner (ps, ZH) encourageant spécifiquement la chaleur solaire. La prolongation, souhaitée par la droite, du délai de 7 à 15 ans pour introduire les décomptes individuels fut aussi refusée, tout comme l'exclusion de l'eau chaude de ce calcul pour les nouveaux bâtiments [14]. Entre ces positions extrêmes se retrouvèrent le groupe démocrate-chrétien et A. Ogi, favorables à ce droit fédéral anticipé, le second mentionné en raison de l'entrée en vigueur tardive (1994/95) de la future loi sur l'énergie. Lors de la votation à l'appel nominal, l'arrêté fut accepté par 123 voix contre 32 – ces dernières étant principalement radicales, démocrates du centre et libérales – avec 25 abstentions, dues pour l'essentiel aux radicaux [15]..
Le Conseil des Etats, suivant dans les articles-clefs du projet les décisions du gouvernement et de la chambre basse, adopta l'arrêté, créant néanmoins de petites divergences avec son coreligionnaire dans plusieurs domaines dont les conditions de raccordement des autoproducteurs, le respect des compétences cantonales dans le domaine des bâtiments, le soutien aux installations pilotes et de démonstration, le chauffage électrique, les escaliers roulants et en intégrant les consommateurs dans les dispositions de principe de l'arrêté. Les dissensions entre les deux hémicycles ne durèrent cependant pas puisque le Conseil national, lors de sa session d'hiver, se rallia à la version de la chambre des cantons [16].
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Consommation d'énergie
Si l'on compare la part à la consommation finale totale d'énergie des ménages, de l'industrie et des transports au cours des dix dernières années, l'on constate que celle des premiers cités a décru, passant de 53,7% en 1979 à 49,8% en 1989. Celle des entreprises a également diminué, mais dans une moindre mesure (de 20,3% à 19,3%). Par contre, celle des transports s'est accrue, passant de 26% à 30,9% [17].
 
[1] Vat., 3.2.90; 24 Heures et Suisse, 27.6.90; NZZ, 14.9. et 20.9.90.
[2] FF, 1991;1, p. 275 ss. et presse du 24.9.90 (résultats). Cf. APS 1988, p. 127 s. et 1989, p. 128 s.; BüZ, 23.8.90; LM, 17.9.90.
[3] Cf. APS 1974, p. 86 et C. Mironesco / T. Boysan / 1. Papadopoulos, Débats sur l'énergie en Suisse, Lausanne 1986.
[4] 50,9% de oui mais 12 cantons opposés. Cf. APS 1983, p. 101.
[5] Cf. APS 1984, p. 98 ss.
[6] Cf. APS 1986, p. 107 ss. (GESE), 1987, p. 132 s. (nouvel article) et 1988, p. 130 s. (scénarii).
[7] NZZ, 16.6. et 7.7.90; BZ, 23.6.90; BüZ, 13.9.90; JdG, 14.9.90.
[8] Presse du 14.9.90; LM, 17.9.90.
[9] Délib. Ass. féd., 1990, 1V, p. 57 s. (motion écologiste), p. 58 (motión adi/pep), p. 62 s. (motion socialiste), p. 130 (motion Segmüller). A noter aussi les interpellations des députés Steinegger (prd, UR) et Wanner (prd, SO) ainsi que le postulat du CE Huber (pdc, AG): Délib. Ass. féd., 1990, IV, p. 134 s., 137 et 149.
[10] Presse du 8.11.90; NZZ, 10.11.90.
[11] JdG, 8.11.90; NZZ, 16.11. et 8.12.90.
[12] FF, 1990, III, p. 1713 ss. Cf. APS 1988, p. 128 (message du CF) et 1989, p. 129.
[13] Entrée en matière votée par 126 voix contre 36.
[14] Cette disposition a par contre été adoptée pour les anciens bâtiments.
[15] BO CN, 1990, p. 123 ss.; NZZ, 3.2.90; BaZ et TA, 6.2.90; presse des 8.2. et 9.2.90; Bund, 29.3.90; DP, 983, 15.2.90.
[16] BO CE, 1990, p. 950 ss. et 1101; BO CN, 1990, p. 2386 ss. et 2496; JdG, 13.11. et 14.12.90; presse du 5.12.90.
[17] Selon une étude de la société pour le développement de l'économie suisse: JdG, 23.7.90; Suisse, 24.7.90.