Année politique Suisse 1990 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
C'est sans difficulté que la chambre basse a suivi le Conseil des Etats et accepté de proroger de dix ans l'arrêté concernant la loi
sur l'énergie atomique. Si tel n'avait pas été le cas, la loi de 1959 aurait à nouveau entièrement régi ce domaine dès janvier 1991, ce qui aurait eu notamment pour conséquence la disparition de l'autorisation générale et de l'approbation des activités préparatoires de la CEDRA
[28]
.
Après l'abandon définitif, en 1989, de la construction de l'installation de Kaiseraugst, se pose la question de l'avenir des autres centrales potentielles et, en premier lieu, de celle de
Graben (BE). Dans ce cas, la dissension la plus totale règne entre Graben SA, promoteur du projet, et le Conseil fédéral. Les désaccords entre ces deux entités, portant principalement sur l'indemnisation de la société exploitante, sont tels qu'une procédure est actuellement en cours auprès du Tribunal fédéral. Graben SA estime que l'attentisme gouvernemental quant à l'octroi de son autorisation générale – demandée en 1979 – équivaut à un refus
[29]. C'est pourquoi elle exige un dédommagement de 300 millions de francs. Le Conseil fédéral réfute cette argumentation et se déclare prêt à poursuivre la procédure d'autorisation. De ce fait, il considère les prétentions financières de Graben SA comme injustifiées
[30].
A ce point du débat, plusieurs acteurs ont exprimé leur point de vue. Le canton de Soleure, par le biais d'une initiative, a demandé un abandon du projet alors que le conseiller national Rychen (udc, BE), soutenu par plusieurs autres députés bourgeois bernois et soleurois, a souhaité que la société exploitante soit indemnisée
[31]. Par ailleurs, le Grand Conseil bernois, s'il ne s'est pas prononcé clairement en faveur d'une renonciation, a néanmoins stipulé, dans son décret sur la politique énergétique cantonale, que Graben ne devait en aucun cas constituer un palliatif à Kaiseraugst
[32]. La position des partisans de l'abandon et du dédommagement se fonde sur une analogie avec la situation de Kaiseraugst SA. Or, le contexte juridique n'est pas similaire puisque la société exploitante de Kaiseraugst était au bénéfice d'une autorisation générale
[33].
La centrale de
Mühleberg (BE) a également fait l'objet d'une certaine curiosité puisque sa sécurité a été mise en doute par un rapport de l'Institut d'écologie appliquée de Darmstadt (RFA), présenté par l'Association "Mühleberg sous la loupe". Cette étude décèle des points faibles dans la conception de l'enceinte de confinement (trop petite), dans la cuve pressurisée du réacteur (étanchéité des soudures) et dans le système d'arrêt d'urgence (fiabilité)
[34] Conjuguées à une obsolescence générale de l'installation, ces déficiences augmentent, selon l'Institut, le risque de fusion du coeur. Ces conclusions furent infirmées par plusieurs acteurs, dont les Forces motrices bernoises (FMB) – propriétaires de l'installation – et le DFTCE
[35]. Le Conseil fédéral, en réponse à des questions des députés Brügger (ps, FR) et Paccolat (pdc, VS), affirma n'avoir aucun doute quant à la sécurité de la centrale, celle-ci bénéficiant d'aménagements de sécurité supplémentaires récents. L'association "Mühleberg sous la loupe" demanda, en vertu de ces nombreuses protestations, l'instauration d'un dialogue public sur la sûreté de l'installation. Celui-ci eut lieu entre les autorités fédérales et l'Institut susmentionné sans que, toutefois, leurs experts respectifs ne parviennent à s'accorder. Le 9 novembre 1990, les FMB ont présenté, à l'OFEN, leur requête d'exploitation illimitée de Mühleberg
[36].
[28] BO CN, 1990, p. 1080 et 1317; BO CE, 1990, p. 542; FF, 1990, II, p. 1208. Cf. APS 1989, p. 130 s.
[29] Graben SA est titulaire d'une autorisation de site depuis 1972. L'un de ses principaux actionnaires est les Forces motrices bernoises.
[30] Presse des 15.2. et 16.2.90.; Suisse, 24.8.90 (positions de Graben SA et du CF).
[31] Délib. Ass. féd., 1990, 1/II, p. 21 (initiative canton de Soleure) et p. 118 s. (motion Rychen); presse des 7.3., 9.3. et 12.3.90.
[32] Bund, 12.2., 11.5. et 26.5.90; BZ, 26.5. et 15.8.90; TW, 11.5., 21.8. et 22.8.90.
[36] FF, 1990, III, p. 1154 s.; JdG, 11.8.90; Bund, 14.11.90.
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