Année politique Suisse 1990 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemins de fer
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Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes (NLFA ou Alptransit)
Exposant dans les détails sa décision de 1989, le message sur la NLFA a été présenté par le Conseil fédéral. Le gouvernement motive son choix par la nécessité pour la Suisse de faire face au développement des transports européens en s'y intégrant judicieusement et en offrant une solution de rechange crédible à son refus d'ouvrir un corridor routier pour les camions de 40 tonnes. Alptransit pourrait donc permettre de transférer une partie du trafic de marchandises et de voyageurs, dont l'augmentation future est prévisible sur l'axe nord-sud, de la route au rail. Cela protègerait la zone alpine et, plus généralement, participerait d'une politique des transports respectueuse de l'environnement. Le Conseil fédéral prévoit ainsi l'établissement de deux voies comprenant la construction des tunnels de base du Gothard, entre Amsteg et Bodio, long de 49,2 km et de son complément, au Lötschberg, d'une longueur de 28,4 km entre Frutigen et Gampel/Rarogne (voir carte). Pour intégrer les diverses parties du pays à ces deux lignes, des raccordements spécifiques devraient être établis avec la Suisse orientale et la Suisse romande.
Contrairement au chiffre de 7,6 milliards de francs annoncé l'an passé, le prix total pour la réalisation de ces deux tronçons ainsi que leurs votes d'acces et de raccordements se monte, dans le message, à 10,1 milliards. La Confédération devrait réunir ces fonds et les mettre à disposition des chemins de fer sous forme de prêts remboursables. Elle s'en procurerait l'essentiel sur le marché des capitaux mais aurait également recours au produit des droits d'entrée sur les carburants à raison de 25% [49].
Les réactions à ce message furent de divers ordres. Si l'UDC, le PDC et le PRD se sont montrés satisfaits, les écologistes ont rejeté catégoriquement toute construction de NLFA, estimant que cela n'est ni nécessaire, ni supportable pour l'environnement et que toute nouvelle offre de transport ne ferait qu'accroître le trafic. Les socialistes ont exigé un prélèvement plus élevé sur le produit des droits d'entrée sur les carburants qui soit octroyé, de surcroît, à fonds perdus. Au contraire, l'ACS (Automobile Club de Suisse) et la FRS (Fédération routière suisse) ont demandé de revoir à la baisse cette forme de contribution [50].
La commission du Conseil national a entamé ses délibérations durant l'été. A son avis, le montant total pour Alptransit se situera probablement aux alentours de 18 milliards de francs plutôt que de 10,1 [51]. Elle a, d'autre part, pris connaissance des demandes de divers cantons concernant la NLFA. Celui d'Uri exige le prolongement du tunnel du Gothard sur 8 km, d'Amsteg à Erstfeld, ainsi que des mesures d'accompagnement pour réduire l'impact d'Alptransit sur l'environnement [52]. Le Tessin, pour sa part, désirerait, entre autres, le contournement de Bellinzone à l'aide d'un tunnel [53]. Le Valais, quant à lui, refuse que le tunnel du Lötschberg débouche à Garnpel et demande sa prolongation jusqu'à Brigue ainsi que la construction d'un embranchement vers Loèche pour desservir le Valais central [54].
Les cantons de Suisse orientale ont été particulièrement soucieux de raccorder leur région à la NLFA. Le Conseil national a, à ce sujet, transmis le postulat Ruckstuhl (pdc, SG) [55]. D'autre part, proposition fut faite, à cette fin, de percer un tunnel entre Arth-Goldau et Pfäffikon (SZ) [56]. Dans le même but, mais concernant plus spécifiquement les Grisons, le conseiller aux Etats L.M. Cavelty (pdc, GR) a lancé l'idée d'une variante 'mini Y' Coire-Trun-Gothard, en tunnel par Trun et Sedrun [57].
La Suisse occidentale s'est, elle aussi, montrée attentive à son lien avec Alptransit, demandant, par la voix de la Conférence ferroviaire romande, une revalorisation du Simplon par le biais d'un raccordement au réseau TGV français, ce qui nécessiterait la construction du tronçon Genève-Mâcon [58]. Par ailleurs, une solide opposition au projet du Conseil fédéral s'est créée dans le Kandertal (BE), emmenée par l'organisation "Pro Frutigen"; celle-ci désire un rallongement du tunnel du Lötschberg afin de protéger l'environnement de la vallée [59].
 
[49] FF, 1990, II, p. 1015 ss. ; NF et SGT, 25.5.90; presse du 29.5.90; SHZ, 31.5.90 (Ogi) ainsi que VO, 23, 7.6.90; DP, 997, 31.5.90 et 998, 7.6.90 et L'Hebdo, 31.5.90. Voir APS 1989, p. 147 s.
[50] Presse du 29.5.90; SGT, 30.5. et 11.6.90; LNN, 2.6.90.
[51] Presse des 14.7., 23.10. et 23.11.90; NZZ, 15.11. et 24.11.90. Au sujet du financement, la commission s'est particulièrement intéressée à un rapport de la Haute école des études économiques de Saint-Gall qui recommande une solution mixte (création d'une société anonyme concessionnaire) plutôt qu'un recours exclusif aux fonds publics: presse du 14.1 1.90.
[52] LNN, 12.7. et 16.10.90; NZZ, 16.10.90.
[53] NZZ, 16.11. et 24.11.90.
[54] Presse du 21.11.90; Bund, 22.11.90; BZ, 23.11. et 28.12.90; NF, 23.11. et 26.11.90. Le gouvernement bernois, partie prenante du groupe de soutien au Lötschberg-Simplon, a nettement pris ses distances avec ce projet, auquel le DFTCE est d'ailleurs tout à fait opposé.
[55] BO CN, 1990, p. 1087.
[56] NZZ, 24.11.90.
[57] Presse du 25.4.90; BüZ, 29.8., 5.9. et 9.10.90.
[58] Suisse 7.7.90; NZZ, 24.11.90. Cf. infra, TGV.
[59] Bund, 30.3, 6.4., 20.4., 11.5. et 22.6.90; TW, 1.6., 5.6. et 13.8.90. Concernant tous ces projets de construction de tunnels, la commission a précisé que chaque km supplémentaire de tunnel coûterait entre 60 et 80 milions de francs.