Année politique Suisse 1991 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Europe
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Conseil de l'Europe
Lors de la session d'hiver du Conseil de l'Europe, la délégation suisse emmenée par P. Sager (udc, BE) s'est montrée particulièrement active. Elle a notamment proposé un plan "Energie Europe 2000" qui vise à coordonner à l'échelle européenne une politique des transports et de l'énergie. Cette proposition comprend entre autres la création d'un comité intergouvernemental de l'énergie et des transports [17].
A partir de la fin du mois de novembre, le chef du DFAE a assumé pendant six mois la présidence du comité des ministres. Au début de son mandat, R. Felber a annoncé son intention de donner de nouvelles impulsions à l'organisation; il a fixé comme objectifs de renforcer le rôle du Conseil de l'Europe dans le processus d'intégration européenne, notamment en vue d'un rapprochement avec les pays d'Europe de l'Est, de rétablir les liens avec les Etats-Unis (une visite à Washington a déjà été prévue pour le début de l'année 92), et de réformer les statuts de l'organisation ainsi que les mécanismes de contrôle de la convention européenne des droits de l'homme. R. Felber a aussi exprimé son espoir que l'institutionnalisation de la CSCE ne se fasse pas au détriment du Conseil de l'Europe de telle sorte que le nombre déjà réduit de ses secteurs d'activités (droits de l'homme, culture, coopération politique et questions de société) ne soit pas encore concurrencé par les compétences de la CSCE [18].
En raison du processus d'intégration européenne, le groupe écologiste, estimant que la Suisse ne pouvait plus se permettre de participer à tous les efforts d'harmonisation dans le domaine économique et faire bande à part sur le plan social, avait déposé en 1990 une motion chargeant le Conseil fédéral de soumettre le plus rapidement possible au parlement un arrêté fédéral relatif à la ratification de la Charte sociale européenne. La Suisse, qui a signé cette charte en mai 1976, figure parmi les derniers Etats membres à ne pas l'avoir encore ratifiée. Dans sa réponse, le Conseil fédéral, tout en reconnaissant l'importance de la Charte sociale comme l'une des principales réalisations du Conseil de l'Europe, a déclaré qu'il préférait actuellement concentrer ses efforts sur la négociation du traité de l'EEE et se réserver la possibilité de revenir ultérieurement sur la question; il a, par conséquent, proposé de transformer la motion en postulat, ce que la majorité du Conseil national a accepté [19].
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Espace économique européen (EEE)
Après des périodes d'incertitudes, de tensions et de menaces d'échec, les négociations entre la Communauté européenne (CE) et les pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) concernant le traité de l'EEE, formellement lancées le 20 juin 1990, ont été conclues le 22 octobre 1991 à Luxembourg. A cette occasion, l'accord sur le transit alpin entre la Suisse et la CE, dont le lien avec la concrétisation de l'espace économique européen a été établi par la CE, a également été signé [20]. Le traité de l'EEE assure la participation des pays de l’AELE au marché unique européen de 1993 en établissant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes entre les 19 pays signataires.
Au fur et à mesure de l'évolution des négociations et de l'affirmation de la fermeté de la CE, les représentants suisses ont dû renoncer à certaines de leurs propositions initiales, tout particulièrement sur le plan institutionnel. Plusieurs points, tels la co-décision au sein de l'EEE ou l’"opting out" individuel (possibilité pour un membre de l'AELE de se soustraire à certaines dispositions du traité), n'ont pas été retenus dans le texte final. Malgré cela, l'intransigeance de la délégation suisse a été soulignée et a même suscité une certaine réprobation de la part des représentants des autres pays. Au mois d'avril, différents négociateurs parlaient ouvertement de crise; dans plusieurs domaines (la pêche, les transports, la Cour de justice de l'EEE, l’"opting out" et le fonds de cohésion en faveur des pays du Sud de la CE notamment) les positions de la CE et des pays de l'AELE paraissaient difficilement conciliables. Prévue à l'origine pour la fin du mois de juin, la signature du traité a été repoussée au mois d'octobre en raison principalement de l'absence d'accord sur les dossiers du transit alpin et de la pêche. Lors de l'annonce de la conclusion du traité, les conseillers fédéraux, J.P. Delamuraz, R. Felber et A. Ogi ont indiqué que le résultat des négociations constituait une plate-forme idéale pour une future adhésion à la CE et que celle-ci était devenue le but de la politique du Conseil fédéral. Déjà au début du mois de mai, le Conseil fédéral avait annoncé que la perspective d'une adhésion à la CE avait nettement gagné en signification et qu'elle constituait l'option à étudier en priorité [21].
En cas de ratification, le traité de I'EEE, un document de plus de 1000 pages, aurait des implications profondes dans les domaines politique et économique de la société helvétique. La Suisse devrait ainsi reprendre environ deux tiers du droit communautaire, ce qui l'obligerait à adapter plus de 60 lois fédérales. Signalons cependant que les pays de l’AELE ne sont pas inclus dans l'Union douanière communautaire; les contrôles douaniers seront maintenus, mais rendus moins lourds. La Suisse pourrait donc continuer à mener sa propre politique commerciale. L'EEE ne prévoit pas non plus une harmonisation de la fiscalité.
Dans le domaine des quatre libertés et des politiques d'accompagnement, le bureau de l'intégration DFAE/DFEP a indiqué que la Confédération a atteint l'essentiel de ses objectifs. En ce qui concerne la libre circulation des marchandises, toutes les barrières non-tarifaires seront éliminées; le libre-accès des produits helvétiques au marché communautaire sera ainsi assuré. La Suisse est toutefois autorisée à maintenir pour une très large part son niveau actuel de protection de l'environnement et de la santé dans les domaines importants, à condition qu'il ne s'agisse pas de mesures manifestement protectionnistes. En ce qui concerne les véhicules à moteur, la Suisse a obtenu une période transitoire de deux ans, pendant laquelle l'importation de toutes les catégories d'automobiles ne sera autorisée que si les prescriptions suisses en matière de gaz d'échappement et de protection contre le bruit sont respectées. Passé ce délais, les prescriptions communautaires seront presque au même niveau que celles de la Suisse. En revanche, dans les domaines de la législation sur les toxiques ainsi que pour les prescriptions contre le bruit pour les motocycles, le niveau de protection helvétique devra s'abaisser.
Même si le secteur agricole n'est pas inclus dans le traité de l'EEE, la Suisse et la CE ont néanmoins conclu un accord bilatéral qui prévoit que les deux parties s'accordent mutuellement des concessions tarifaires sur certains produits. Vingt-trois d'entre eux, provenant essentiellement des pays les moins développés de la CE, connaîtront des réductions tarifaires conséquentes. De plus, le traité contient une clause évolutive qui prévoit un examen des échanges agricoles tous les deux ans en vue d'étendre la libéralisation de ce domaine.
Dans le cadre de la libre circulation des services et des capitaux qui comprend les secteurs financier et des transports, la libre prestation transfrontalière, le libre établissement des entreprises et la liberté de mouvement des capitaux seront garantis. La Suisse pourra toutefois conserver pendant cinq ans, jusqu'au ler janvier 1998, les dispositions de la Lex Friedrich qui limitent les placements en biens immobiliers et les investissements dans la branche du commerce professionnel d'immeubles. A l'origine, la Suisse avait demandé une exception permanente à la reprise de l'acquis communautaire en ce qui concerne la Lex Friedrich. Finalement, la seule exception permanente contenue dans le traité de l'EEE touche la limitation à 28 tonnes des camions empruntant le réseau routier helvétique.
La libre circulation et le libre établissement des travailleurs et des indépendants seront assurés après une période transitoire de cinq ans. Le traitement discriminatoire vis-à-vis des citoyens de I'EEE sera progressivement démantelé et le système de contingentement devra être aboli en ce qui concerne les ressortissants des pays de l'EEE à partir de 1998. La reconnaissance mutuelle des diplômes entre Suisses et Européens deviendra effective à partir de 1995; les frontaliers auront un accès direct au marché du travail suisse à partir de cette même date et les saisonniers pourront faire venir leur famille en Suisse à partir de 1997.
Le traité de l'EEE contient des règles de concurrence qui s'appliqueront aux acteurs économiques. Le respect de ces règles sera assuré par les organes de surveillance de la CE et de l'AELE. Le pouvoir d'examen de ceux-ci et leur coopération est réglementée par le traité. Les fusions et acquisitions d'entreprises qui risquent d'entraver la concurrence sur un marché seront soumises à des autorisations préalables; de même, les aides d'Etat aux entreprises seront contrôlées. Dans le domaine des marchés publics, la plupart des commandes devront faire l'objet d'appel d'offres au niveau européen. Les collectivités publiques pourront être sommées de prouver qu'elles ont choisi l'entreprise européenne qui offrait le meilleur rapport qualité-prix. Des moyens de recours juridiques seront mis en place afin d'assurer que les autorités publiques respectent les dispositions instaurant la libéralisation des marchés publics. Le traité de l'EEE prévoit également l'harmonisation des dispositions fondamentales en matière de droit de la propriété intellectuelle. Ces mesures d'harmonisation touchent les secteurs des marques, des produits semi-conducteurs et des programmes d'ordinateur.
Les politiques horizontales et d'accompagnement doivent permettre la reprise de l'acquis communautaire. Dans le domaine de la politique sociale, plusieurs directives relatives à la santé et la sécurité au travail, à l'égalité de traitement hommes/femmes, ainsi qu'au droit du travail seront introduites dans la législation fédérale. La CE n'ayant que peu de compétences dans le domaine social, les modifications pour la Suisse seront relativement peu importantes. Plusieurs dispositions touchant à la protection de l'environnement seront également intégrées dans les différents droits nationaux. En ce qui concerne le droit des sociétés, il s'agira de créer un cadre juridique homogène. Les adaptations relatives à la présentation des comptes (bilan, compte des pertes et profits) et à la qualification des vérificateurs des comptes devraient permettre une plus grande transparence des entreprises suisses. Celles-ci disposeront d'une période d'adaptation de trois ans. Outre la baisse des prix que devrait entraîner l'ouverture du grand marché européen, la protection des consommateurs sera consolidée par certaines mesures du traité de l'EEE, le droit communautaire étant plus exigeant que le droit suisse dans ce domaine.
La coopération entre les pays membres de I'EEE sera intensifiée par leur participation à des programmes communs. Ces derniers touchent principalement le secteur de la recherche et du développement et sont destinés à améliorer la compétitivité de l'industrie européenne. La pleine participation de la Suisse à ces programmes ne débutera qu'à partir de 1995. La Confédération contribuera au fonds de cohésion de l'EEE au bénéfice des pays les moins riches de l'Europe; celui-ci est destiné à financer des projets ciblés dans le domaine des infrastructures, de l'environnement et de l'éducation notamment. Jusqu'en 1995, sa contribution globale devrait être de l'ordre de 300 millions de francs [22].
Les principaux organes institutionnels de I'EEE seront les suivants:
— Le Conseil de l'EEE: composé d'un membre du gouvernement de chaque pays de l'AELE, des membres du Conseil de la CE et des représentants de la commission européenne, il sera chargé de donner les impulsions politiques et de définir les orientations générales pour le fonctionnement de l'EEE. Il prendra ses décisions d'un commun accord, les sept pays de l'AELE s'exprimant d'une seule voix comme les douze de la CE. Il se réunira deux fois par an.
— Le Comité mixte: composé de représentants de chaque pays signataire, il veillera à la mise en oeuvre et au bon fonctionnement de l'EEE. II se réunira une fois par mois.
— L'organe de surveillance de l'AELE: il aura pour mission de faire respecter les règles de l'EEE relatives à la concurrence et aux aides d'Etat dans les pays de l'AELE.
— La Cour de justice de l'EEE: composée de cinq magistrats de la CE et de trois des sept pays de l'AELE, elle règle les différends entre les parties à la demande de ceux-ci ou du comité mixte.
— L'Organe parlementaire mixte: composé d'un nombre égal de députés du parlement européen et de membres des parlements des pays de l'AELE, il devra contribuer par le dialogue à une meilleure compréhension entre la CE et les Etats de l'AELE.
— L'Organe consultatif: formé d'un nombre égal de représentants des milieux économiques et sociaux, il devra contribuer à renforcer leurs contacts et leur coopération [23].
Sur le plan institutionnel, les objectifs initiaux de la Suisse n'ont pas été entièrement satisfaits. La CE préserve pleinement son autonomie de décision, les membres de l'AELE n'auront donc pas de droit de codécision pour le développement futur de l'EEE; ils seront toutefois consultés et informés de l'évolution du droit de l'EEE en participant aux commissions d'experts dans les domaines importants. Chaque pays de l'AELE dispose bien d'un droit de veto pour la reprise de toute nouvelle règle communautaire adoptée par la CE. Mais au cas où les pays de l'AELE refuseraient une nouvelle loi communautaire et que cela leur procurerait un avantage concurrentiel, la CE aura la possibilité de suspendre le domaine concerné du traité de l'EEE; les entreprises de l'AELE spécialisées dans ce domaine seraient ainsi exclues du grand marché européen. Etant donné les limites d'application du droit de veto des pays de l'AELE dans le processus décisionnel de l’EEE, de nombreux observateurs ont souligné le caractère déséquilibré du traité, voire même la satellisation programmée des pays de l'AELE. Ce déséquilibre institutionnel en faveur de la CE représente une des principales raisons qui a incité la Suède et l'Autriche à poser une demande d'adhésion [24].
Afin d'adapter le droit suisse à l'acquis communautaire contenu dans le traité sur l'EEE, le département de justice et police a élaboré un programme intitulé Eurolex, destiné à évaluer les effets du droit de l'EEE sur le droit fédéral. Ceux-ci seront présentés dans le message relatif au traité de l’EEE que le Conseil fédéral adressera aux Chambres. D'autre part, un groupe de travail parlementaire, présidé par le conseiller aux Etats U. Zimmerli (udc, BE) a été mis sur pied au printemps afin de clarifier les modalités de l'adaptation du droit suisse; le groupe de travail a déposé son rapport au mois de juin.
Selon la procédure de ratification prévue, la Cour européenne de justice, puis le parlement européen devront, dans un premier temps, donner leur avis sur le traité; il sera ensuite signé par le Conseil fédéral et devra être ratifié par les Chambres fédérales et le peuple. Pour l'ensemble des lois entrant en vigueur dès le ler janvier 1993, deux à trois sessions spéciales des Chambres sont prévues et le peuple votera normalement à la fin de l'année 1992 [25].
A la surprise générale, la Cour de justice européenne, consultée par la Commission européenne, a déclaré les dispositions juridictionnelles du traité de l'EEE incompatibles avec le Traité de Rome, texte fondateur de la Communauté. Dans leur "avis", les magistrats européens s'en sont pris en particulier à la Cour de justice de l'EEE dans laquelle doivent siéger cinq juges de la Cour de justice européenne et trois magistrats des pays de l'AELE. Selon le traité de l'EEE, la Cour de justice européenne serait subordonnée à la Cour de l'EEE, alors que le Traité de Rome établit clairement que seule la Cour de justice européenne est habilité à interpréter le droit communautaire. A la déception des négociateurs des pays de l'AELE, certaines dispositions juridictionnelles du traité de l'EEE devront donc être renégociées. Pour les représentants suisses, la Cour de justice de l'EEE représentait un des principaux aspects positifs du volet institutionnel, dans la mesure où il permettait la présence de juges non-membres de la CE [26] .
De façon générale, le traité de l'EEE a été accueilli plutôt favorablement par la classe politique et les milieux économiques. Au mois de mars, le Vorort avait annoncé qu'il jugeait, au vu de l'état des négociations, que le projet d'accord lui paraissait trop déséquilibré et qu'il était assimilable à une adhésion à la CE sans la. participation aux décisions. A l'occasion de la signature du traité, l'association patronale a cependant exprimé sa satisfaction concernant la partie économique de l'accord. Par contre, sur le volet institutionnel, le traité ne peut être pour elle qu'une solution transitoire; c'est pourquoi elle le considère comme "une étape utile et acceptable vers une adhésion totale" [27]. Pour l'Association suisse des banquiers (ASB), l'absence d'une véritable participation à l'élaboration et à l'application de la législation européenne pose plus rapidement que prévu la question d'une éventuelle adhésion de la Suisse à la CE. La Société suisse des industries chimiques a critiqué le traité "de l'EEE en raison du droit de codécision insuffisant pour les pays de l'AELE. Une adhésion pure et simple à la Communauté lui paraît préférable. L'Union suisse des arts et métiers (USAM), qui avait émis plusieurs réserves à l'égard de l'EEE, a réagi avec scepticisme en critiquant notamment l'absence d'un véritable droit de coopération dans le domaine institutionnel. Soulignant la bonne protection des consommateurs en vigueur dans la CE, le Forum suisse des consommatrices (KF) approuve pleinement le traité de l'EEE. Pour l'Union syndicale suisse (USS), la demande d'adhésion devrait se faire au début de l'année 1992, en collaboration avec l'Autriche, la Suède et probablement la Finlande. Tout en s'opposant radicalement à l'adhésion à la CE, l'Union suisse des paysans (USP) a approuvé prudemment le traité en se réjouissant que l'agriculture soit restée en dehors des négociations, mais craint que le choix d'adhérer à la CE ne prenne rapidement le dessus [28].
Les principales organisations écologistes ont exprimé leur scepticisme face au déroulement des négociations sur l'EEE et mis en garde le Conseil fédéral contre les conséquences écologiques de l'instauration du marché unique de 1993. Elles lui ont aussi reproché de faire trop de concessions à la CE sur les questions de protection de l’environnement [29].
L'Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), sous la présidence du conseiller national Blocher (udc, ZH), a annoncé qu'elle s'opposerait avec vigueur à la ratification du traité de l'EEE lors de la votation populaire. Selon cette association, le traité conduirait à une atteinte aux droits populaires et au fédéralisme, ainsi qu'à un nivellement par le bas de l'économie suisse [30].
Hormis les écologistes et une large frange de l’UDC suivie par le Parti des automobilistes et les Démocrates suisses, les partis politiques se sont montrés favorables au traité de l'EEE. Cependant, aussi bien le PDC, le PS, le PL que l'AdI ont estimé qu'il ne pouvait avoir qu'un caractère transitoire à cause de l'absence de droit de codécision pour les pays non-membres de la CE. Tous les quatre ont souhaité à terme unie adhésion de la Suisse. Le PS et le PL se sont montrés les plus favorables à une demande d'adhésion dans un proche avenir. Satisfait du traité, le PRD a toutefois regretté que les négociateurs helvétiques l'aient déjà lié à un rattachement à la CE, ce qui risquerait de créer une confusion parmi les citoyens. L'UDC, même s'il a félicité son conseiller fédéral A. Ogi pour l'accord sur le transit alpin, s'est opposé à l'EEE. Il a demandé au Conseil fédéral d'engager des négociations ponctuelles avec Bruxelles dans les domaines économiques où le besoin d'intégration est le plus grand. Quant aux verts, ils ont jugé le traité sur l'EEE inégal dans ses aspects institutionnels et ne sont pas satisfaits de l'accord sur le transit [31].
Lancée en 1990, par les organes de presse "Le Matin", "Politik und Wirtschaft" et "Bilanz-Bilan" et soutenue par de nombreuses personnalités politiques d'horizons politiques différents, l'initiative en faveur de l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, dite Euro-initiative a été transformée en pétition une année après son lancement. Avec 62 000 signatures, alors qu'ils ne leur restaient plus que six mois pour atteindre les 100 000 nécessaires, les initiants ont préféré renoncer, la récolte s'étant avérée plus difficile que prévu. Etant donné la prise de position du Conseil fédéral, l'initiative avait perdu une partie de son sens selon les membres du comité d'initiative [32].
A plusieurs occasions, lors des sessions de mars et du mois de juin, les parlementaires ont questionné le Conseil fédéral sur l'état d'avancement des négociations sur le traité de l'EEE et ont réclamé une plus grande transparence de sa part [33]. Le débat sur la politique européenne de la Suisse s'est poursuivi lors de la session d'octobre par le biais de différentes initiatives parlementaires. Ainsi, au Conseil national, malgré la motion d'ordre Portmann (pdc, GR) demandant de reporter le débat sur la Suisse et l'Europe après la conclusion du traité de l'EEE (rejetée de justesse par 65 voix contre 61), la triple initiative parlementaire Sager (udc, BE) / Caccia (pdc, TI) / Petitpierre (prd, GE) et celle du conseiller national Jaeger (adi, SG) suscitèrent d'importantes discussions. La première propose une modification de la Constitution fédérale en spécifiant que "la Confédération participe à la construction de l'Europe" et qu"`elle négocie avec la Communauté européenne les termes de sa participation". Pour ses auteurs, elle devrait permettre une approche européenne la plus large possible, pas uniquement limitée à la CE, et d'ouvrir un débat public afin de sensibiliser l'opinion sur la question de l'intégration européenne. La seconde initiative allait encore plus loin puisque elle proposait que le Conseil fédéral ouvre des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à la CE. Les socialistes ont demandé que l'initiative Jaeger soit renvoyée à la commission pour que la demande d'adhésion soit assortie de conditions pour garantir l'acquis environnemental de la Suisse et les droits démocratiques. Cette proposition a été largement rejetée. Les socialistes et les indépendants se sont montrés les plus favorables à une demande d'adhésion à la CE alors que les écologistes, l'UDC et le PA étaient les plus réticents; quant aux partis radical et démocrate-chrétien, ils ont déclaré qu'ils préféraient attendre la signature du traité de I'EEE avant d'envisager une autre forme de rapprochement avec la CE. Après un long débat et faute de solution faisant l'unanimité parmi les députés, les deux initiatives ont été renvoyées à la commission des affaires étrangères pour un nouvel examen et seront traitées après la conclusion du traité de l'EEE [34].
Au Conseil des Etats, l'initiative Roth (pdc, JU) qui demandait l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à la CE a été rejetée par une large majorité. Les arguments du député jurassien n'ont pas suffi à convaincre la majorité de la chambre haute qui jugeait une demande d'adhésion prématurée [35].
Le Conseil national a transmis comme postulats les motions Zbinden (ps, AG) et Portmann (pdc, GR) qui demandaient toutes deux la création d'une structure parlementaire capable de traiter les problèmes relatifs à l'Europe et de servir d'interlocuteur valable au gouvernement. Il a également transmis le postulat Allenspach (prd, ZH), invitant le Conseil fédéral à préparer un rapport relatif aux conséquences politiques et constitutionnelles d'une adhésion à la CE [36].
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Communauté Européenne
Après avoir été définitivement entériné par les instances de la CE, l'accord entre la Suisse et la CE concernant l'assurance directe, autre que l'assurance vie, a été approuvé par le Conseil des Etats. Cet accord vise, sur une base de réciprocité, à garantir aux agences et aux succursales des conditions d'accès et d'exercice identiques sur le territoire de l'autre partie contractante [37].
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AELE
Le Liechtenstein, dont les intérêts étaient jusqu'en 1991 représentés par la Suisse au sein de I'AELE en vertu de l'union douanière qui les liaient, a été formellement admis au sein de l'Association. Cette adhésion formelle a nécessité la modification de l'union douanière qui permettra à la Principauté d'agir plus indépendamment dans le cadre du processus d'intégration européenne [38].
Dans la perspective du futur espace économique européen, une réflexion a été entamée parmi les hauts fonctionnaires de l'Association en vue de redéfinir ses structures. Il s'agit notamment de revoir les compétences du secrétariat en fonction de la création de l'organe de surveillance de l'AELE dans le cadre de l'EEE [39].
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CSCE
Une proposition suisse mettant l'accent sur le rôle des Etats "arbitres" en cas de conflits inter-européens n'a pas été retenue par les experts de la CSCE, réunis pendant trois semaines à Malte durant le mois de février. Alors que la solution suisse devait permettre à un Etat-tiers de jouer un rôle de médiateur lors d'un différend inter-étatique, la procédure adoptée est moins contraignante. Celle-ci permet de s'adresser à un organisme, composé d'un ou plusieurs membres de la CSCE, chargé de conseiller les deux parties en conflit; de plus, plusieurs champs d'application ont été exclus du processus [40].
Les 34 pays membres de la CSCE réunis à Madrid au cours du mois d'avril ont décidé de créer un organisme parlementaire de 250 membres. Ce dernier devra siéger une fois par année et sera chargé de contrôler si les Etats suivent effectivement les dispositions du traité d'Helsinki. La Suisse comptera six représentants dans cette nouvelle assemblée. A l'origine, il avait été question de faire du Conseil de l'Europe l'organe parlementaire de la CSCE; mais, en raison de l'opposition du Canada et des Etats-Unis, ce projet a échoué. Ces derniers étaient favorables à la création d'un parlement complètement indépendant du Conseil de l'Europe, cela contre l'avis des membres des délégations européennes qui craignaient une concurrence et un chevauchement des compétences entre les deux institutions. Grâce aux efforts des délégués européens, helvétiques notamment, ces risques ont toutefois pu être atténués. Il a été admis que les deux instances travailleraient en étroite collaboration et que le nouveau parlement serait basé sur les principes du Conseil de l'Europe, ce qui évitera les confusions. D'autre part, la présence des mêmes députés dans les deux Chambres devrait permettre une bonne coordination [41].
En juin à Berlin, les membres de la CSCE sont parvenus à se mettre d'accord pour la création d'un mécanisme de consultation et de coopération d'urgence pour désamorcer les crises et prévenir les conflits armés. Un quorum de treize Etats sera suffisant pour organiser une réunion d'urgence consacrée à un conflit ethnique ou politique grave [42].
Durant le mois de septembre s'est tenue à Moscou la conférence de la CSCE sur la "dimension humaine"; à cette occasion, l'adhésion des trois républiques baltes a été approuvée à l'unanimité. Le document final, adopté à l'unanimité, contient avant tout un renforcement du mécanisme de contrôle du respect des droits de l'homme [43].
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Pays de l'Est
En 1990, les Chambres avaient octroyé à l'unanimité un crédit de programme de 250 millions de francs en faveur des pays d'Europe de l'Est. Ce dernier devait être réparti sur une période minimale de trois ans mais, une année plus tard, le montant était déjà épuisé. Près de 70 projets dans différents domaines de'coopération ont pu être mis en oeuvre. C'est pourquoi le Conseil fédéral, dans un message adressé au parlement, a demandé un nouveau crédit de programme de 800 millions de francs pour une période de trois ans afin de poursuivre le financement de la coopération entamée en 1990. Ce nouveau crédit a été approuvé à une très large majorité du Conseil national. 600 millions seront consacrés à l'aide financière (crédits d'achat, garantie de crédits, désendettement) et 200 millions à l'aide technique (gestion d'entreprise, protection de l'environnement, énergie). Ce geste se veut non seulement un acte de solidarité, mais aussi une contribution à la sécurité en Europe. Jusqu'alors, le premier crédit était destiné tout particulièrement à la Pologne (80% du budget), la Tchécoslovaquie et la Hongrie; à ces pays s'ajouteront cette fois les pays baltes, la Bulgarie, la Roumanie ainsi que l'URSS et la Yougoslavie. Les conditions politiques (respect des droits de l'homme entre autres) de ces deux derniers pays feront toutefois l'objet d'une évaluation, avant l'octroi de toute aide. La contribution de la Suisse en faveur de l'Europe de l'Est se situe dans la moyenne des engagements des autres pays européens. R. Felber a tenu à souligner qu'aider les pays d'Europe de l'Est ne signifiait pas réduire l'aide au développement destinée au tiers monde [44].
A ce sujet, le Conseil national a transmis les postulats Scheidegger (prd, SO), Leuba (pl, VD) et Meyer (ps, BL): le premier demande au Conseil fédéral de contribuer à la promotion de la formation professionnelle des ressortissants des pays d'Europe de l'Est, le second l'invite à faire un effort particulier, dans le cadre de l'aide de la Suisse, pour la formation des cadres à l'économie de marché et pour le développement des moyens de transports performants et le troisième le prie de conclure avec les pays d'Europe de l'Est, notamment avec la Russie, des accords portant sur l'échange de stagiaires et de 'personnel qualifié. Le Conseil des Etats a, quant à lui, transmis le postulat Simmen (pdc, SO), dont le contenu est très proche du texte de Scheidegger [45].
 
[17] FF, 1991, I, p. 1225 ss.; BO CE, 1991, p. 508 ss.; BO CN, 1991, p. 1813 ss.; Presse du 7.2.91 (rapport du CF et de la délégation parlementaire auprès du Conseil de l'Europe).
[18] JdG, 25.11.91; NZZ, 28.1 1.91.
[19] BO CN, 1991, p. 1834 ss.; cf. APS 1987, p. 68 s.
[20] JdG, 23.2.91; cf. infra, part. I, 6b (Politique des transports).
[21] Presse du 24.1., 20.2., 2.3., 23.3., 12.4., 26.4., 11.5., 14.5., 25.5., 20.6., 10.9., 25.9. et 22.-25.10.91. Voir aussi APS 1990, p. 63 ss. et FF, 1992, I, p. 1039 ss.
[22] FF, 1992, I, p. 1041 ss.; presse du 23.10.91; L'Hebdo, 24.10.91.
[23] Bureau de l'intégration DFAE/DFEP, Documentation EEE, Berne Septembre 1991; FF, 1992, I, p. 1041 ss.; Presse du 23.10.91.
[24] Presse du 23.10. et 13.12.91; NZZ, 26.10. et 24.12.91.
[25] NZZ, 25.3. et 17.4.91; presse du 30.10.91.
[26] Presse du 18.11., 27.11. et 16.12.91.
[27] JdG, 27.3. et 1.5.91; presse du 23.10. et 7.12.91.
[28] Presse du 23.10.91; NZZ, 28.8.91 (USS).
[29] Presse du 4.7.91.
[30] Presse du 7.10.91.
[31] Presse du 1 1.5. et 23.10.91; cf. infra, part. Illa.
[32] Presse du 22.11.91; voir aussi P. Tschopp, "Manifeste pour l'euro-initiative", in Revue économique et sociale, 1991, no 2, p. 69 ss. et APS 1990, p. 66.
[33] BO CN, 1991, p. 245 ss.; BO CE, 1991, p. 170 ss. (débat au sujet du rapport sur la politique économique extérieure); BO CN, 1991, p. 1251 ss. et BO CE, 1991, p. 573 ss. (plusieurs interpellations urgentes).
[34] BO CN, 1991, p. 1785 ss., 1844 ss. et 1900 ss.; presse du 2.-4.10.91.
[35] BO CE, 1991, p. 835 ss.
[36] BO CN, 1991, p. 1301 s. et 2503 s. A ce sujet voir aussi supra, part. I, 1c (Parlament).
[37] FF, 1991, IV, p. 1 ss.; BO CE, 1991, p. 1094 ss.; cf. APS 1990, p. 111.
[38] FF, 1991, I, p. 573 ss.; BO CN, 1991, p. 1289 s.; BO CE, 1991, p. 508; NZZ, 23.5.91.
[39] JdG, 9.11.91; voir aussi BO CN, 1991, p. 243 ss. ; BO CE, 1991, p. 168 ss. (Rapport de la délégation parlementaire auprès de I'AELE).
[40] Presse du 12.2.91.
[41] BaZ, 4.4. et 13.4.91; NZZ, 11.6.91.
[42] JdG, 21.6.91.
[43] Presse du 11.9. et 12.9.91; NZZ, 5.10.91; TW, 8.10.91.
[44] FF, 1991, IV, p. 537 ss.; BO CN, 1991, p. 2384 ss.; presse du 19.2. (utilisation du premier crédit de 250 millions) et 28.9.91; cf. APS 1990, p. 67 s.
[45] BO CN, 1991, p. 1979 (Scheidegger), 2495 (Leuba) et 2503 (Meyer); BO CE, 1991, p. 978 s.