Année politique Suisse 1991 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
Après la suspension des négociations commerciales multilatérales (dites de
l'Uruguay Round) en décembre 1990, les
menaces d'un échec définitif étaient bien réelles, tant les positions des principaux protagonistes (USA et CE) étaient divergentes sur le dossier agricole. Les Etats-Unis exigeaient de la CE une réduction de 75% en dix ans des subventions internes à l'agriculture et de 90% des subventions à l'exportation à partir de 1991, tandis que Bruxelles ne proposait qu'une réduction de 30% des aides en dix ans à partir de 1986. Cependant, grâce aux concessions de la CE qui s'est déclarée prête à entrer en matière pour réorienter sa politique agricole commune, les négociations ont pu reprendre au milieu du mois de février. A cette occasion, il a été décidé de prolonger l'Uruguay Round, mais d'une durée qui ne devra pas excéder deux ans. Il a aussi été procédé à une rationalisation des structures de négociation, en diminuant le nombre de groupes de négociation de 15 à 7 avec pour sujet de travail: accès au marché, textiles, agriculture, règles de base de la politique commerciale multilatérale, propriété intellectuelle, services et questions institutionnelles
[51].
A la surprise générale, le chef de la délégation suisse au GATT, D. de Pury a démissionné de son poste au mois de mars; il s'est vu proposé le poste de président du conseil d'administration d'ABB. Il a été remplacé par l'ambassadeur P. L. Girard
[52].
A la fin de l'année, après que le congrès américain eut autorisé la prolongation du mandat de négociation de l'administration du président Bush, A. Dunkel, directeur général du GATT, a présenté aux différentes délégations un
projet d'accord qui devrait servir de base de discussion pour un compromis final. La CE, la France tout particulièrement, a annoncé immédiatement qu'elle s'opposerait à ce texte, car elle considère qu'il est trop favorable aux thèses américaines. Le chef du DFEP, J.P. Delamuraz, a estimé que l'état des négociations dans l'agriculture n'était pas encore acceptable pour la Suisse. Le projet de compromis a aussi suscité de nombreuses protestations de la part des organisations paysannes suisses
[53].
Une coalition hétéroclite, "forum GATT", comprenant des associations paysannes, écologistes, de consommateurs, tiers-mondistes et syndicales s'est formée en Suisse pour dénoncer la tournure prise par les négociations du GATT. Elle a proposé de modifier fondamentalement les principes directeurs à la base de l'Uruguay Round. Selon cette association, la libéralisation du commerce mondial ne pourra pas réussir aussi longtemps que l'on ne prendra pas en compte les impératifs sociaux et environnementaux
[54].
Pour la première fois,
le GATT a examiné en détail la politique commerciale de la Suisse. Son rapport relève que, si le marché des biens et services est assez libre, celui de l'agriculture reste trop réglementé. Les droits de douane sur l'importation des produits manufacturés sont relativement bas et l'industrie est peu subventionnée comparativement à d'autres pays, mais la Suisse restreint parfois ses importations sur la base de normes techniques. Le rapport précise également que l'autorisation légale des cartels et l'impôt sur le chiffre d'affaires déforment les conditions de la concurrence internationale. A l'inverse de la politique industrielle, la politique agricole constitue un des régimes les plus coûteux des pays membres de l'OCDE. Les mesures protectionnistes dans ce domaine font que les prix sont jusqu'à trois fois plus élevés que dans la CE; les quatre cinquièmes de l'aide à l'agriculture sont financés par les consommateurs, souligne encore le rapport
[55].
[51] JdG, 17.1.91; presse du 22.2. et 27.2.91; NZZ, 1.6.91; cf aussi infra, part. I, 4c (Politique agricole) et APS 1990, p. 69.
[52] Presse du 21.3. et 31.7.91 (démission et succession).
[53] Presse du 18.12., 19.12. et 24.12.91; FF, 1992, I, p. 1074 ss.
[55] Suisse et BZ, 27.9.91.
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