Année politique Suisse 1991 : Chronique générale / Défense nationale / Armement
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Nouvel avion de combat
L'an passé, face aux critiques sur le prix élevé du F/A-18, (appareil pour lequel le gouvernement avait tout d'abord opté en 1988), le DMF avait décidé de procéder à une évaluation complémentaire du Mirage 2000 dans sa nouvelle version 2000-5. Le rapport du Groupement de l'armement sur cet avion est cependant arrivé à des conclusions négatives. Selon lui, il ne saurait rivaliser avec le F/A-18 car les améliorations demandées par l'armée de l'air helvétique (nouveau radar notamment) n'existent que sous forme de modèles ou de montages vidéo et qu'elles ne sont donc pas testables. Surtout, il apparaît que le prix de ces appareils est loin d'être avantageux, ce qui ne permettrait pas les substantielles économies escomptées. L'argument de poids en faveur du Mirage restait le fait que l'achat d'un appareil français, et non américain, pouvait considérablement conforter la situation de la Suisse dans les négociations qu'elle mène pour son intégration européenne. Le DMF a cependant déclaré ne pas prendre en considération ce type d'arguments [50].
À la fin du mois de décembre, après avoir déjà fait part de ses intentions au début de l'été, le Conseil fédéral a présenté son message sur l'acquisition d'un nouvel avion de combat. Il s'est finalement prononcé, comme prévu, en faveur de l'achat de 34 F/A-18 pour un montant global de 3,495 milliards de francs. C'est donc, selon le gouvernement, le produit présentant le meilleur rapport prix/performance (comparé au F-16 ou au Mirage qui étaient également en lice) qui a été choisi. Pour le Conseil fédéral, cet appareil est celui qui correspond le mieux au cahier des charges de l'armée; il a déjà fait ses preuves, il peut opérer de manière indépendante des systèmes de conduite au sol, ses performances sont remarquables par rapport à son coût et il s'intégrerait facilement au dispositif de défense aérienne suisse. En outre, cet achat est estimé nécessaire car, bien que des évolutions positives se soient produites dans le monde et en Europe du point de vue de la paix et de la sécurité, des armées encore importantes existent sur le Vieux continent, et nul ne peut préjuger de ce qui adviendra dans un avenir plus ou moins proche. La Suisse doit ainsi avoir les moyens adéquats à sa défense. Dans ce contexte, une protection aérienne du territoire est indispensable et exige des appareils de qualité. De surcroît, une flotte aérienne de moindre taille (réduction de nuisances; bruit, pollution) mais de capacité renforcée est susceptible de parfaitement s'adapter au concept d"`Armée 95". Le gouvernement signale que cette acquisition n'exigera pas de crédits supplémentaires, car le financement sera effectué sur la base des futurs programmes d'armement (1992 et 1993) [51]. Par ailleurs, la participation au montage des appareils rapportera 300 millions de francs à l'industrie helvétique et l'économie nationale devrait bénéficier d'environ 2 milliards de francs de marchés compensatoires [52].
Les réactions à ce message furent très diverses. Les partis bourgeois se sont prononcés favorablement sur le principe du renouvellement de la flotte militaire helvétique, mais des nuances apparaissent, notamment de la part du PDC; certains désirent ainsi examiner la pertinence de cet appareil dans le cadre d'“Armée 95" et en fonction de l'état des finances fédérales. Les indépendants, mais surtout les socialistes et les écologistes sont totalement opposés à l'achat de cet avion qui ne se justifierait ni du point de vue militaire, ni du point de vue financier [53].
 
[50] SZ, 20.2.91; CdT, 8.7.91; Suisse, 2.3. et 10.6.91; JdG, 4.3.91; presse du 1.5.91; BüZ, 17.5.91; SN, 21.5.91; NZZ, 24.5. et 20.6.91. Voir aussi APS 1988, p. 86, 1989, p. 89 et 1990, p. 92 s. Les fabriquants du Mirage 2000-5 ont lancé au printemps une offensive publicitaire de grande envergure dans la presse helvétique et ont souligné explicitement le lien entre l'acquisition de cet avion et l'aide diplomatique dont pourrait bénéficier la Suisse de la part de la France dans ses négociations avec la CE (presse du 7.5.91; TA, 11.5.91; Ww, 16.5.91). Par ailleurs, le gouvernement n'a pas donné suite à la proposition soviétique de soumettre à son appréciation le MIG-29.
[51] Ce qui suppose le report du crédit pour l'acquisition d'un nouvel uniforme de sortie, de la deuxième tranche de celui concernant les nouvelles armes antichar, de celui pour de nouveaux simulateurs, etc. (NZZ, 3.8.91).
[52] FF, 1992, I, p. 673 ss. Marchés compensatoires: presse du 8.5.91; TA, 15.6.91; Suisse, 21.11.91.
[53] Presse du 27.6. et 17.-19.12.91; NQ, 11.12.91.