Année politique Suisse 1991 : Economie / Agriculture / Produits alimentaires
Un important débat a vu le jour, principalement en Suisse alémanique, autour des expériences pratiquées à la Station fédérale de recherches agronomiques de Changins (VD) sur la
modification de facteurs héréditaires de certains types de pommes de terre (bintje). La recherche incriminée consiste à modifier génétiquement des patates afin de les rendre résistantes à certaines maladies. La polémique, engagée par certaines organisations écologiques, a éclaté lorsque des tests en plein air ont été envisagés, au vu des bons résultats obtenus "in vitro". Les opposants ont prétendu qu'il pouvait exister des risques de dissémination du gène dans la nature, que cela pourrait créer un précédent fâcheux et ont dénoncé l'absence de dispositions juridiques en la matière. Les chercheurs de Changins ont contesté cette argumentation et ont affirmé qu'il n'y avait aucun risque de transmission de gène
[54]. La polémique a connu son intensité maximum lorsque des membres de l'organisation Greenpeace occupèrent la serre de Changins dans le but d'empêcher l'expérience et furent délogés ensuite par la gendarmerie.
Le Conseil fédéral
autorisa finalement l'expérience "in vivo" en se basant sur les recommandations de deux commissions consultatives qui l'assurèrent que les risques étaient inexistants. Les organisations de protection de l'environnement protestèrent vivement contre cette décision prise, selon eux, en l'absence de base légale
[55]. En automne, la récolte des pommes de terre contestées a permis de constater que la modification génétique avait protégé les tubercules du virus qui les menaçait, malgré certaines transformations de leur forme. Les scientifiques espèrent que ce type de manipulations pourra être étendu à diverses sortes de cultures (vigne, betteraves, fruits, etc.), ce qui permettrait d'abandonner les traitements par produits chimiques. Les organisations de protection de l'environnement ont malgré tout protesté à nouveau, arguant que les conséquences, à terme, de ces expériences étaient inconnues et trop dangereuses (apparition de nouveaux virus, épidémies, dissémination de gènes modifiés)
[56].
[54] Le CF a repris ce discours en réponse à deux interpellations urgentes au CN. Il a ajouté que de tels essais avaient été pratiqués dans d'autres pays sans conséquences néfastes (BO CN, 1991, p. 637 ss.; NZZ, 21.3.91; Dém., 23.3.91).
[55] Une plainte fut même déposée contre le gouvernement pour cette raison (24 Heures, 24.5.91). D'autre part, la problématique du contröle des organismes vivants génétiquement modifiés devrait notamment être réglée dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de l'environnement (APS 1990, p. 186 s.). Voir aussi infra, part. I, 7b (Gentechnologie).
[56] BaZ, 27.2., 6.11. et 13.12.91; BüZ, 28.2.91; presse du 13.3., 16.4., 17.4., 10.5. et 4.12.91; TA, 15.3. et 18.3.91; NZZ, 19.3., 22.3., 17.7. et 7.11.91; 24 Heures, 20.3., 15.5. et 27.5.91; AT, 14.9.91; Suisse, 15.9.91.
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