Année politique Suisse 1991 : Economie / Agriculture
 
Sylviculture
Après le Conseil des Etats, qui l'adopta facilement en 1989, la nouvelle loi sur les forêts a été traitée par la grande chambre. Ce texte devrait permettre de gérer la forêt de manière tant économique qu'écologique en conciliant ses trois fonctions principales: protectrice, économique et sociale. Malgré quelques modifications apportées, le Conseil national l'a bien accueillie. Lors des débats, un point fut particulièrement contesté: il s'agissait de l'article 12 prévoyant l'insertion de forêts dans les zones d'affectation et les plans directeurs cantonaux, la procédure étant divisée en deux étapes: aménagement du territoire et autorisation de défricher. Une minorité de la commission, soutenue par la gauche et les verts et relayée par les organisations de protection de l'environnement, a proposé de biffer cette disposition car, selon elle, elle aurait permis de tourner la loi et de rendre possible le défrichement de zones protégées. Cette proposition fut rejetée de justesse au vote nominal (85 voix contre 77), la Chambre préférant suivre l'avis du gouvernement qui entendait coordonner au mieux aménagement du territoire et gestion de la forêt.
Dans la procédure d'élimination des divergences, la petite chambre a notamment maintenu sa décision de biffer la disposition ordonnant au canton de prélever la plus-value du terrain qui résulte d'un déboisement autorisé, prétendant que la loi sur l'aménagement du territoire était suffisante en ce domaine. Le Conseil national a cependant décidé de maintenir cet article afin de donner plus de poids à ce principe. Il est encore revenu sur l'article 12 et a décidé de le modifier en soumettant l'insertion de la forêt dans un plan d'affectation à un "intérêt public prépondérant" et en prévoyant des zones de compensation dans les plans directeurs, ceci afin de renforcer la protection de la forêt dans le cadre de l'aménagement du territoire [65]. En fin de compte, le Conseil des Etats s'est rallié au Conseil national en ce qui concerne la plus value des terrains déboisés, mais a entendu supprimer une bonne part de l'article 12, pour ne laisser subsister que l'assujettissement de l'introduction de la forêt dans une zone 'd'affectation à une autorisation de défricher. Cela ne fait plus référence aux plans directeurs, mais conserve l'essentiel du principe, la loi sur l'aménagement du territoire réglant le reste. Le Conseil national s'est rallié finalement à cette version et accepta la loi à l'unanimité, tout comme le Conseil des Etats. L'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 1993 [66].
En décembre, le gouvernement a mis en consultation l'ordonnance d'application de la nouvelle loi sur les forêts. Celle-ci définit notamment la forêt (surface boisée d'au moins 500 m2), suppose une mise à l'enquête pour toute autorisation de déboisement, améliore la formation de garde forestier, etc. [67].
Le rapport Sanasilva 1991 a montré que la santé de la forêt. suisse se trouvait dans un état grave, le pire qu'elle ait connu depuis que l'observation existe. La proportion d'arbres malades (défoliation de plus de 10%) est passée de 61% en 1990 à 68% en 1991, tandis que le nombre d'arbre ayant un taux de défoliation de plus de 25% a atteint 19%, contre 17 en 1990. Cette augmentation des dégâts a surtout touché les pins, les sapins et les chênes et se localise principalement sur le plateau, le Jura et le sud des Alpes. La cause de cette dégradation n'a pas été identifiée; les spécialistes supposent que ce phénomène provient de la conjonction de plusieurs facteurs, la pollution de l'air ne devant en constituer qu'un parmi ceux-ci [68]. Pour remédier à ces problèmes de diagnostic, le Conseil fédéral a doublé les crédits accordés à l'observation de la forêt suisse afin d'améliorer l'étude de son écosystème et l'évaluation de son état de santé. Ce financement se montera à 13,5 millions de francs jusqu'en 1995 [69].
 
[65] Le but de cette nouvelle mouture était également d'éviter toute menace de référendum qu'auraient pu brandir les organisations de protection de l'environnement.
[66] BO CN, 1991, p. 283 ss., 1517 ss., 1790 s. et 2036; BO CE, 1991, p. 546 ss., 804 s. et 920; FF, 1991, III, p. 1364 ss.; AT, 6.3.91; presse du 7.3., 20.6., 19.9. et 27.9.91; NZZ, 11.5. et 16.8.91; SGT, 4.10.91; LID-Pressedienst, 1719, 20.9.91. Cf. aussi APS 1989, p. 115 et 1990, p. 124 s.
[67] Presse du 7.12.91; LID-Pressedienst, 1731, 13.12.91.
[68] Presse du 22.11.91. Voir aussi 24 Heures, 16.3.91. Par ailleurs, une étude de l'Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage a révélé que l'ozone estival avait des effets néfastes; il y a moins de feuilles sur les arbres, les troncs restent minces et croissent plus lentement (Bund, 23.8.91).
[69] NZZ et TW, 23.5.91.