Année politique Suisse 1992 : Chronique générale / Défense nationale / Objection de conscience
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Introduction d'un service civil
La votation sur l'article constitutionnel prévoyant l'introduction d'un service civil est à replacer dans la longue marche vers la création d'une telle institution, émaillée de nombreux scrutins, dont le dernier en date, le projet Barras adopté en 1991 et prévoyant une décriminalisation partielle de l'objection de conscience, a permis d'entrouvrir la porte. Les conditions internationales (fin de la guerre froide, disparition de menaces directes en Europe) ont certainement permis de faire avancer de façon décisive ce dossier. Ainsi, après un siècle d'affrontements sur ce sujet, la création d'un service civil a reçu un soutien quasi général. Reflétant d'ailleurs ce récent et remarquable consensus, le souverain a adopté cette nouvelle norme à plus de 80%, aucun canton ne faisant défaut [61].
Les partisans de l'article constitutionnel ont recouvert la quasi totalité de l'échiquier politique. D'ailleurs, cette unanimité s'est traduite par la mise sur pied d'un comité de soutien composé de 100 parlementaires représentant pratiquement tous les partis (à l'exception des libéraux et de l'extrême droite). Tous ont souligné l'importance d'ancrer dans la constitution la possibilité de créer un service civil. Selon eux, cette nécessité provenait de ce que la loi Barras, si elle constituait un premier pas, ne résolvait pas le problème. En outre, avec un véritable service civil, la Suisse pourra enfin se mettre au diapason des autres pays européens en réglant le problème des objecteurs de conscience. Des divergences sont cependant apparues quant à la suite à donner à cet article. Les bourgeois ont vu dans la nouvelle norme constitutionnelle une garantie ne remettant pas en cause l'armée de milice et l'obligation de servir, la loi devant se limiter à régler le cas des objecteurs. Pour sa part, la gauche a considéré qu'un service civil devait concerner une partie beaucoup plus importante de la population et que, en tous les cas, la question du libre choix entre service civil et service militaire devra être posée. Au vu de ce débat naissant, chacun s'est ainsi accordé à dire que la bataille législative sera rude, le véritable enjeu étant constitué par l'élaboration de la future loi [62].
Les opposants furent très minoritaires et provinrent de certains milieux de la droite conservatrice. Ceux-ci fustigèrent ce projet d'article; ils ont estimé qu'il mettait en danger un des fondements de l'armée, à savoir l'obligation de servir, qui, à leurs yeux, ne saurait souffrir de solution de rechange. Pour eux, en effet, le texte constitutionnel contenait en puissance le libre choix entre service militaire et service civil. En outre ils considérèrent un service civil comme superflu en temps de paix et inutile en temps de guerre [63].
Participation: 39,2%
Oui: 1 442 263 (82,5%) / tous les cantons
Non: 305 441 (17,5%)
Mots d'ordre:
- Oui: PRD (3*), PDC (4*), PSS, UDC (2*), PES, AdI, PEP, PdT; USS, CSCS, les églises suisses, Amnesty International
- Non: PLS (3*), PA, DS, UDF.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
L'article constitutionnel ayant bénéficié d'un tel soutien, la campagne pour la votation ne suscita pratiquement aucun débat et fut quasiment inexistante. Les rares voix qui s'opposaient au projet ne se firent guère entendre. D'ailleurs, l'analyse VOX de ce scrutin montre que les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années au sujet de l'objection de conscience et du service civil; l'acceptation de l'article constitutionnel fut large dans toutes les catégories de la population et chez les personnes de toutes tendances politiques. Cependant, reflétant les prises de position de la droite conservatrice, le nombre d'opposants fut plus élevé chez les sympathisants des partis bourgeois. Les partisans de l'article ont été sensibles au fait que celui-ci décriminalise l'objection de conscience et qu'un service civil vaut mieux qu'une peine d'emprisonnement. Les opposants y voyaient par contre un affaiblissement de l'armée et une atteinte à l'obligation de servir. Par ailleurs, selon l'analyse, il a semblé se dégager une majorité de la population pour se prononcer en faveur d'un libre choix entre service civil et militaire [64].
Tout comme Genève et le Tessin, le canton de Neuchâtel, suivi de ceux de Lucerne, Zoug, Nidwald et Zurich, avait décidé de suspendre l'exécution des peines de prison pour les réfractaires qui en avaient fait la demande jusqu'à la votation fédérale sur l'article constitutionnel. La question s'est cependant posée de savoir dans quelle mesure il était possible de prolonger cette suspension jusqu'à la mise en vigueur d'une nouvelle loi. En l'occurrence, les avis furent très partagés [65].
 
[61] FF, 1992, II, p. 704 s.; SGT, 7.4.92; SN, 11.4. et 16.4.92; NZZ, 13.4. et 12.5.92; TA, 15.4., 22.4. et 28.4.92; Bund, 23.4.92; NQ, 24.4.92; JdG, 27.4. et 13.5.92; BZ, 28.4.92; SGT et Suisse, 9.5.92; CdT et Lib., 11.5.92; LM et Express, 12.5.92; VO, 20, 14.5.92; presse du 18.5.92. Cf. APS 1991, p. 106 ss. Rappelons que ce projet avait pour origine une initiative parlementaire de H. Hubacher (ps, BS).
[62] NZZ, 26.3., 29.4., 8.5. et 14.5.92; Bund, 31.3.92; presse du 28.4.92; LZ, 30.4.92; BaZ, 2.5.92; SN, 8.5.92; TA, 8.5.92.
[63] 24 Heures et JdG, 5.5.92; SZ, 7.5.92.
[64] VOX, Analyse des votations fédérales du 17 mai 1992, Zurich 1992; BaZ, 21.8.92.
[65] Presse du 29.1.92; LNN, 13.6.92; TA, 6.6. et 28.7.92.