Année politique Suisse 1992 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemins de fer
Dans son message accompagnant les comptes 1991 de la régie, le Conseil fédéral a demandé aux CFF de prendre
d'importantes mesures d'économie par une gestion plus rationnelle et une diminution des prestations. Par exemple, il a proposé que les lignes dont le taux d'utilisation est inférieur à 10% soient remplacées par des services d'autobus. Il a suggéré également une privatisation du trafic régional. Au parlement, des voix bourgeoises se sont également élevées pour aller dans le sens de privatisations, de suppressions de lignes ou d'une nouvelle politique du personnel. Pour la gauche, au contraire, il s'agit de ne surtout pas réduire les prestations, mais plutôt d'assainir la dette de l'entreprise. Chacun a toutefois reconnu l'échec du mandat de prestations de 1987
[71].
Pour sa part, le Conseil national a transmis un postulat du groupe radical démocratique qui entend ouvrir le débat sur la réforme des CFF. Selon ce texte, la situation économique de la régie nécessite une remise en question de son rôle et de ses structures. Le gouvernement doit ainsi élaborer un rapport sur le sujet ayant pour objectif notamment d'étudier des scénarios tels que la privatisation des CFF, l'abolition du statut de fonctionnaire pour les agents des CFF ainsi que la séparation des activités des CFF en un domaine géré par eux-mêmes et soumis aux lois du marché et en un domaine où ils rempliraient, aux frais des collectivités publiques, des prestations particulières
[72].
Le débat sur l'avenir des CFF s'est poursuivi et le mot «
privatisation» fut plus d'une fois prononcé. Si, pour H. Eisenring, président de la direction générale des CFF, cela devrait principalement se limiter aux activités de nettoyage et d'entretien, d'autres voix se sont faites entendre en faveur d'un rôle plus large du secteur privé dans le transport ferroviaire. Ce fut notamment le cas de l'économiste bâlois S. Borner qui a prôné de confier à des privés l'exploitation des grandes lignes rentables et de demander aux régions d'assumer elles-mêmes le trafic les concernant. Ces idées ont trouvé face à elles de sérieux adversaires, tel le député M. Béguelin (ps, VD), pour qui la gestion des CFF est quasi optimale et la privatisation un non-sens, même s'ils ne rejettent pas la possibilité d'injecter des capitaux privés dans un tel service public. Fin octobre les syndicats de cheminots de la CE, de l'Autriche et de la Suisse ont d'ailleurs organisé une journée d'action commune pour protester contre la privatisation et la dérégulation des entreprises ferroviaires. Alors que certains pays étaient touchés par des grèves d'une certaine ampleur, les cheminots helvétiques se sont limités à organiser des conférences de presse et à informer le public
[73].
Pour A. Ogi, si une privatisation doit avoir des limites et ne pourrait être que partielle, il ne serait pas exclu de céder certains trafics régionaux à des chemins de fer privés, d'ouvrir certains réseaux à d'autres prestataires que les CFF (notamment à des sociétés européennes) et de remplacer certaines lignes ferroviaires par des autobus. Un groupe de réflexion a d'ailleurs été mis en place par le Conseil fédéral pour étudier d'éventuelles formules de privatisation partielle, reconsidérer le statut des fonctionnaires, formuler un nouveau mandat de prestations et proposer des solutions pour une meilleure rentabilité du trafic régional
[74].
Première étape de leur réforme, les CFF ont décidé de transférer vingt centres régionaux «
Cargo Domicile» vers des centres plus importants, ceci dans le cadre d'un programme de restructuration visant à sortir ce 'service des chiffres rouges. En outre, celui-ci a été engagé sur la voie d'une privatisation partielle, une société regroupant diverses entreprises suisses de transport ayant été créée afin d'en négocier le principe et les modalités
[75].
Toujours dans le but de réaliser des économies, les CFF ont annoncé la
disparition dans les cinq ans de près de 600 contrôleurs. Cela devrait toucher principalement les lignes régionales qui se verront progressivement privées d'agents de trains, ceux-ci étant maintenus sur les lignes directes
[76]. De plus, les CFF ont demandé à la Confédération de réduire les dettes de la régie, le paiement des intérêts lui coûtant plus de 700 millions de francs par an
[77]. Par ailleurs, ils ont diminué les heures d'ouverture des guichets dans les dix plus grandes gares de Suisse, ce qui a occasionné la suppression de 40 emplois
[78]. En outre, le nouvel horaire des CFF pour 1993-1995 prévoit une diminution de l'offre de transports en matière de trafic régional; sept lignes seront ainsi supprimées et remplacées par des services de bus. Parallèlement, les grandes liaisons seront améliorées, entre Bâle et Zurich, par exemple, et avec l'étranger
[79].
Les représentants de six cantons (BS, BL, SO, AG, BE, ZH) se sont élevés contre la volonté des CFF et de la Confédération de transférer sur les cantons et le trafic régional leurs problèmes financiers. Ils ont particulièrement souligné que leurs budgets ne permettaient pas de prendre en charge les lignes régionales pour lesquelles, de surcroît, la Confédération s'est engagée (Rail 2000). Une telle politique irait à l'encontre du développement des transports publics et donc des objectifs fixés en matière de protection de l'environnement
[80].
[71] FF, 1992, III, p. 670 ss. et 980; BO CE, 1992, p. 393 ss.; BO CN, 1992, p. 1116 ss.; presse du 28.2, 30.4 et 19.6.92. Voir APS 1991, p. 170. Pour la première fois, les CFF ont publié le compte des résultats par ligne. Ce bilan fait apparaître que seules huit des 61 lignes régionales des CFF sont rentables et que pour une vingtaine d'entre elles, la couverture des coins est de moins de 50%. Au contraire, 25 lignes intercity et directes sur 35 sont rentables, la première d'entre elles étant le tronçon Berne-Zurich: presse du 23.4.92.
[72] BO CN, 1992, p. 345 s.; presse du 4.2.92. Par ailleurs, une expertise menée par le professeur zurichois E. Rühli sur le partage des compétences au niveau de la direction des CFF a conclu qu'une répartition plus stricte devait être effectuée. Ainsi, le domaine politique devrait être de la compétence exclusive des Chambres et du CF, tandis que la direction générale des CFF devrait se consacrer uniquement à la gestion de l'entreprise: presse du 22.1.92.
[73] NQ, 10.1, 15.1 et 28.10.92; JdG, 11.1.92; TA, 25.1.92; SHZ, 30.1.92; Ww, 6.2.92; presse du 16.5 et 21.11.92; SHZ, 1.10.92; BaZ, 17.12.92.
[74] Presse du 24.1 et 19.6.92. Concernant le trafic régional, la position de B. Weibel est proche de celle d'A. Ogi: TA, 5.1 2.92. Sur ses idées en général: Bund, 21.12.92.
[75] Presse du 7.2 et 8.2.92.
[76] Presse du 11.2.92. Une diminution du nombre de postes dans l'administration des CFF est également à l'étude: BZ. 24.11.92.
[77] Presse du 18.2.92; NZZ, 24.2.92.
[78] LM et LZ, 25.5.92; NZZ, 26.5.92.
[79] Presse du 15.10.92. Les lignes dont la suppression est prévue sont: Laufon-Delémont (JU), Fleurier-Les Verrières (NE)-Pontarlier, Monthey (VS)-Saint-Gingolph, Flüelen-Göschenen (UR), Laufenburg-Koblenz (AG), Airolo-Bellinzone (Tl) et Frick-Brugg (AG). Les propositions des CFF n'ont guère plu aux cantons: JdG, 9.12.92.
[80] Presse du 10.7.92. Le DFTCE a entamé une consultation en vue de modifier la loi sur les chemins de fer au sujet du financement du trafic régional: NZZ, 27.11.92.
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