Année politique Suisse 1993 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes directeurs
Au début de l'année, le chef du DFAE a annoncé son retrait du Conseil fédéral pour le 31 mars 1993. Après une convalescence faisant suite à son opération d'un cancer de la prostate durant l'été 1992, R. Felber s'était engagé avec énergie en faveur du traité de l’EEE. Estimant que son état de santé ne lui permettait pas d'assumer la tâche de conseiller fédéral, il a finalement décidé en janvier 1993 de démissionner. Durant les cinq ans sous la responsabilité de R. Felber, la politique étrangère de la Confédération a connu de profondes réorientations dans le domaine de la politique européenne et concernant la redéfinition de la neutralité suisse.
La succession de R. Felber à la tête du DFAE suscita diverses prises de position; de nombreuses voix s'exprimèrent notamment pour qu'un alémanique reprenne ce département afin de mieux transmettre le message de la politique étrangère auprès des citoyens d'outre-Sarine; deux conseillers fédéraux semblaient intéressés par le poste: A. Ogi et F. Cotti. Finalement, le Conseil fédéral désigna F. Cotti comme nouveau chef du DFAE [1].
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Rapport sur la politique extérieure
Suite au rejet du traité de l'EEE et au retrait de R. Felber, le Conseil fédéral a retardé de quelques mois la publication de son rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90. Résultat de différentes interventions parlementaires, ce rapport a pour objet de définir la conception de la future politique étrangère de la Suisse.
Sur la base d'une analyse de l'environnement international et en fonction des intérêts de la Suisse, le Conseil fédéral a défini les objectifs prioritaires, les moyens de les réaliser ainsi que les principes et les priorités sur lesquelles doit se fonder la future politique extérieure. Cinq objectifs prioritaires sont traités de manière approfondie dans le rapport: maintien et promotion de la sécurité et de la paix, défense des droits de l'homme, accroissement de la prospérité commune, promotion de la cohésion sociale et préservation du milieu naturel.
Avec l'accélération du processus d'intégration européenne et la globalisation croissante des problèmes économiques et politiques, le rôle des formes d'organisation et de coopération supranationales est devenu de plus en plus important. Un nombre croissant de problèmes internes à la Suisse (réfugiés, environnement, transports, énergie, drogue, terrorisme) ne peut être résolu que par des mesures adoptées au niveau international; ces changements rendent caduque la dissociation traditionnelle entre la politique extérieure et intérieure. Dans un tel contexte, la souveraineté d'un petit pays comme la Suisse est progressivement vidée de sa substance. Le Conseil fédéral souligne dans son rapport que l'absence de la Suisse dans les principales instances de décision internationales ne pourra que nuire à moyen et long terme à la défense de ses intérêts. En cette fin de siècle, la sauvegarde de l'indépendance du pays exige donc une plus large coopération avec les autres Etats ainsi qu'une participation aux principales organisations internationales. La volonté d'ouverture et de participer pleinement aux décisions prises sur le plan international constitue le fil-conducteur du rapport.
Dans cette perspective, l'adhésion à des organisations internationales, les politiques d'aide aux pays en voie de développement et à l'Europe centrale et orientale, les normes juridiques nationales dont l'effet se déploie au-delà des frontières (sanctions économiques, contrôle de l'exportation des biens à double usage civil et militaire) et les traités internationaux représentent autant d'instruments qui doivent servir à la réalisation des objectifs prioritaires de la politique extérieure.
Alors que, selon certaines révélations de la presse, de nombreuses tractations au sein de l'administration et du gouvernement eurent lieu sur le calendrier de l'intégration européenne, le Conseil fédéral précise, dans son rapport, que durant la législature 1991-95, ce sont les négociations bilatérales avec l'Union européenne qui seront prioritaires alors que, lors de la prochaine législature, il conviendra, en fonction des conditions de politique intérieure et extérieure, d'entrer en négociation en vue d'adhérer soit à l'Espace économique européen soit à l'Union européenne. Le rapport mentionne que, compte tenu de l'importance d'une participation pleine et entière de la Suisse au processus d'intégration européenne, l'adhésion à l'Union européenne constitue l'objectif stratégique de la politique d'intégration.
Sur le plan mondial, l'adhésion aux Nations Unies est mentionnée comme une tâche que la Confédération devra concrétiser au cours des années 90. Une telle décision doit témoigner de la résolution de la Suisse de participer et d'offrir les moyens nécessaires à l'édification d'un système de sécurité collective et à la poursuite d'une politique active en faveur de la paix. Au niveau économique, le rapport souligne l'importance que représente pour l'économie suisse une conclusion positive des négociations du cycle de l'Uruguay dans le cadre du GATT.
Bien que tenant compte des profonds changements de l'environnement international, le Conseil fédéral réaffirme sa fidélité aux principes fondamentaux de la politique extérieure de la Suisse, à savoir la neutralité, l'universalité, la solidarité et la disponibilité en les adaptant aux nouvelles réalités mondiales. Dans un rapport annexe sur la neutralité, qui reprend les principales conclusions du rapport d'un groupe d'étude publié en 1992, le Conseil fédéral indique néanmoins qu'une réorientation de la politique de neutralité est nécessaire au vu du nouveau contexte international [2].
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Opinion publique
Selon un sondage sur la politique étrangère de la Suisse, effectué une année après la votation sur le traité de l'EEE auprès de 800 personnes, une majorité de Suisses (58% dont 81% des Romands et 51% des Alémaniques) se prononcerait en faveur d'une participation à l'EEE, contre 36% qui s'y opposeraient ; en revanche, l'adhésion à l'Union européenne n'est approuvée que par 44% des personnes consultées alors que 46% y sont opposés. En ce qui concerne l'adhésion à l'ONU, 44% des personnes y sont favorables et 33% émettent un avis négatif; la création d'un contingent suisse de casques bleus obtient un taux d'approbation encore plus élevé (57% dont 71% des Romands et 52% des Alémaniques); seuls 32% des personnes consultées ont un avis contraire. Comme l'avait déjà révélé la votation sur l'EEE, un net clivage entre les communautés linguistiques persiste sur les questions de politique étrangère [3].
 
[1] Presse du 14.1.93; NZZ, 25.2.93; TA, 1.3.93; BZ, 1.4.93 (interview de F. Cotti); Hebdo, 25.3 et 6.5.93; voir aussi supra, part. I, 1c (Regierung).
[2] FF, 1994, I, p. 150 ss. ; presse des 26.3, 22.10, 29.10 et 3.12.93; TA, 12.6 et 2.11.93; Bund, 19.6 et 12.11.93; NZZ, 15.7, 30.7, 17.8 et 28.12.93; Hebdo, 14.10 et 16.12.93; NQ, 8.11 et 25.11.93; SoZ, 5.12.93; LNN, 18.12.93; voir également APS 1991, p. 70 ss. et 1992, p. 60 ss.
[3] 24 Heures, 30.11.93.