Année politique Suisse 1993 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
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Casques bleus
Première chambre à se prononcer, le Conseil des Etats a approuvé à l'unanimité la loi prévoyant la création d'un contingent de casques bleus suisses, chargé d'opérations en faveur du maintien de la paix; seule une modification mineure par rapport au projet du Conseil fédéral a été introduite. Au Conseil national, les groupes des Démocrates suisses/Lega, du PA et une minorité des députés de l'UDC se sont opposés à l'entrée en matière. Selon eux, le parlement ne saurait aller à l'encontre de la volonté populaire exprimée en 1986 lors de la votation sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU; certains orateurs ont exprimé leur crainte de voir la neutralité suisse remise en cause par l'engagement de ce contingent lors de missions de l'ONU. L'efficacité de l'action des casques bleus dans certaines situations particulièrement conflictuelles (ex-Yougoslavie, Angola) a également été mise en doute. Enfin, il a été reproché les coûts importants que devrait supporter la Confédération pour la création et la formation de ce contingent.
Pour leur part, les partisans du projet ont été nombreux à souligner qu'il fallait distinguer la création d'un contingent de casques bleus et une adhésion à l'ONU. Selon eux, l'envoi de casques bleus helvétiques pour des opérations de maintien de la paix ne représenterait pas un bouleversement de la politique étrangère, mais constituerait plutôt la version moderne de la politique suisse des bons offices. Face à la multiplication des conflits locaux, la Suisse se devrait, selon eux, de contribuer plus activement au rétablissement de la paix et à empêcher l'extension des conflits. En outre, le contingent suisse ne serait engagé que pour des opérations de maintien de la paix et le Conseil fédéral aurait toujours la possibilité de retirer les troupes suisses, s'il l'estimait nécessaire.
Lors de la discussion par article, aucune modification importante n'a été adoptée. La proposition de la majorité de la commission de politique extérieure de mentionner explicitement le respect de la neutralité lors de l'engagement des troupes suisses a été rejetée par 81 voix contre 65. Le chef du DMF s'était opposé à cette modification en soulignant que le respect de la neutralité suisse était garanti par les trois conditions, inscrites dans le projet de loi, au sujet de la mise à disposition d'un contingent de casques bleus (accord des parties impliquées dans un conflit, garantie par l'ONU ou la CSCE d'un comportement neutre des casques bleus qui ne pourront faire usage de leurs armes qu'en cas de légitime défense et droit du Conseil fédéral de retirer en tout temps les troupes suisses). Au vote final, la chambre basse a finalement adopté le projet de loi par 127 voix contre 23 [42].
Après avoir laissé entendre qu'ils envisageaient de lancer un référendum contre la loi sur les casques bleus, les députés minoritaires des groupes radical et de l'UDC, dont L. Fehr (udc, ZH) et Ch. Miesch (prd, BL), ont décidé de renoncer à cette éventualité [43]. Cependant, quelques jours plus tard, la Lega dei Ticinesi décidait de lancer un référendum. Les Démocrates suisses, le PA, la Ligue vaudoise ainsi que plusieurs personnalités du parti radical et de l’UDC ont apporté leur soutien à l'action de la Lega. Par la suite, l'entreprise Denner s'est également associée à la récolte de signatures. Le référendum a abouti avec près de 90 000 signatures valables, émanant essentiellement de Suisse alémanique et du Tessin; seulement 4000 signatures provenaient de Suisse romande [44].
 
[42] BO CE, 1993, p. 51 ss. et 580; BO CN, 1993, p. 1109 ss. et 1452; FF, 1993, II, p. 870 ss.; voir aussi APS 1992, p. 77.
[43] TA, 15.6.93; BZ, 16.6.93; NZZ, 19.6.93.
[44] FF, 1994, I, p. 240 ss.; CdT, 19.7 et 21.7.93; presse des 20.7, 27.7 et 5.10.93; 24 Heures, 25.8.93 (Denner); Suisse, 5.11.93; NQ, 11.11.93; TA, 12.11.93; Bund, 15.12.93.