Année politique Suisse 1993 : Economie / Agriculture / Production animale
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Arrêté sur l'économie laitière
Le Conseil fédéral a publié son message concernant la modification de l'arrêté sur l'économie laitière de 1988 (AEL) et de l'arrêté sur le statut du lait. Ces modifications avaient déjà été annoncées dans le 7e rapport sur l'agriculture et vont dans le sens d'une libéralisation du marché. Dans le premier cas, il s'agit principalement d'assouplir le régime de contingentement du lait; cette révision introduit la possibilité de transférer des contingents laitiers par la vente ou la location, de réduire les fluctuations saisonnières des livraisons de lait par l'instauration de taxes ou de suppléments de prix et de donner au Conseil fédéral la compétence de prendre en considération la composition du lait dans le cadre du contingentement laitier. Lors de transferts (vente ou location), une partie des contingents pourra être prélevée par le Conseil fédéral, afin de réduire le volume global du lait produit. La révision de ces deux arrêtés constitue la deuxième étape des réformes du marché du lait après la baisse du prix décidée en avril. La troisième, agendée pour les années 1997/98, conduira à un assouplissement de la garantie du prix du lait par l'introduction d'un prix indicatif et non plus administré [32].
Le Conseil national s'est montré dans une large majorité favorable à l'orientation générale du projet du Conseil fédéral; toutefois, plusieurs divergences sont apparues parmi les députés sur le rythme à suivre pour concrétiser le processus de libéralisation du marché. La chambre basse a tout d'abord rejeté une proposition de la minorité socialiste et écologiste de sa commission qui demandait de renvoyer le texte au Conseil fédéral afin qu'il présente un projet de révision de l'AEL moins détaillé, qui tienne compte des intérêts des zones de montagne, qui favorise la production écologique et qui permette de libéraliser les cartels de la commercialisation des produits agricoles. Par la suite, la totalité des amendements écologistes et socialistes ont été rejetés. Seule la proposition, soutenue par une majorité de la commission, de limiter, après 5 ans d'adaptation, la possibilité de transferts de contingents aux seules entreprises qui pratiquent la culture biologique et intégrée a été acceptée par la chambre basse. Par ailleurs, cette dernière a approuvé, contre la volonté du chef du DFEP, une proposition d'une minorité radicale de sa commission qui prévoit d'introduire la possibilité de transfert direct de contingents entre producteurs sans le contrôle d'un organe central.
Avec la modification de l'arrêté sur le statut du lait, il est prévu de faciliter la vente directe à la ferme du lait et des produits laitiers ainsi que d'adapter différentes dispositions en prenant en compte l'évolution en matière de livraison. La commission du Conseil national a proposé d'inscrire un article supplémentaire prévoyant que les fédérations laitières, qui n'arrivent pas à couvrir elles-mêmes la totalité de leurs besoins, puissent recevoir le lait complémentaire nécessaire d'une autre fédération, l'UCPL se chargeant de l'application de cette disposition. Cette dernière qui vise tout particulièrement certaines régions comme Genève, le Valais et le Tessin, dont la base de production est relativement étroite, faisait suite au contentieux entre les laiteries réunies de Genève et le holding Tonilait, ce dernier refusant de fournir du lait à la laiterie genevoise. Mis à part cette modification, le projet du Conseil fédéral a été approuvé par les députés [33].
Le Conseil des Etats a apporté plusieurs modifications au texte adopté par la chambre basse. Par 22 voix contre 15, le Conseil des Etats a ainsi rejeté la proposition Reymond (pl, VD) d'adhérer à la version du Conseil national concernant l'autorisation pour les producteurs de convenir directement entre eux des transferts de contingents; la majorité des sénateurs a préféré s'en tenir au projet du Conseil fédéral qui prévoit une période de transition, avec réglementation des transferts de contingents par un organe central. La chambre haute a également rejeté par 28 voix contre 7 la modification, adoptée par le Conseil national, qui prévoyait de limiter, après 5 ans d'adaptation, la possibilité de transferts de contingents aux seules entreprises qui pratiquent la culture biologique et intégrée. Par ailleurs, les sénateurs ont adopté une proposition d'une minorité de sa commission qui précise que le Conseil fédéral peut décider que des contingents acquis par l'achat ne peuvent être à nouveau vendus qu'à l'expiration d'un délai déterminé, ceci afin d'éviter la spéculation. Concernant l'arrêté sur le statut du lait, les sénateurs, suivant l'avis du chef du DFEP, ont rejeté l'article, introduit par la chambre basse, qui prévoyait que les fédérations laitières, incapables couvrir leur besoin de lait, puissent se procurer du lait complémentaire auprès d'une fédération d'une autre région; la majorité des sénateurs ont estimé que c'était par les règles du marché, et non par des réglementations, que devait s'organiser la fourniture du lait [34].
 
[32] FF, 1993, II, p. 588 ss.; voir APS 1992, p. 129 s.
[33] BO CN, 1993, p. 1636 ss. L'OFAG a infligé une amende à Tonilait car ce dernier persistait à refuser de livrer du lait aux laiteries réunies de Genève: 24 Heures, 8.10.93; presse du 23.10.93; Bund, 26.11.93.
[34] BO CE, 1993, p. 913 ss.