Année politique Suisse 1993 : Economie / Agriculture / Production animale
print
Lait
Dès le début de l'année, les premières annonces d'une éventuelle diminution du prix du lait ou des contingents laitiers suscitèrent de vives protestations de la part de l'Union centrale suisse des producteurs de lait (UCPL) et de l'USP. Elles se sont opposées à toute baisse du prix du lait ou du contingent laitier et ont exigé des nouveaux paiements directs pour un montant de 300 millions de francs au lieu des 190 millions inscrits au budget 1993 de la Confédération afin de compenser les pertes de salaires des agriculteurs depuis 1989. En cas de baisse de 5 centimes du prix du lait, I'USP exigeait un supplément de 150 millions de francs et le double pour une baisse de 10 centimes.
Après avoir une première fois reporté sa décision lors d'une séance qui souleva certaines divergences en son sein, le Conseil fédéral a finalement décidé de baisser de 10 centimes le prix du lait à la production à partir du ler septembre 1993, renonçant à diminuer les contingents laitiers; le prix du litre de lait à la production est ainsi passé de 107 centimes à 97. Afin de compenser les pertes de revenus des paysans, le gouvernement s'est engagé à verser pour 130 millions de francs de paiements directs en supplément des 190 millions déjà prévus au budget 1993. En outre, le Conseil fédéral s'est engagé à ce que le prix du lait soit maintenu à ce niveau là jusqu'en 1996 [26].
Alors que l'USP a jugé la décision du Conseil fédéral inacceptable, les principaux distributeurs se sont déclarés satisfaits et se sont engagés à répercuter cette baisse sur les prix à la consommation. Malgré les critiques très vives des milieux paysans, l'USP a finalement renoncé à toute forme d'action de protestation [27].
Le Conseil national a accepté un postulat de sa commission invitant le Conseil fédéral à soumettre au Parlement des mesures permettant de réduire d'au moins 50% en 10 ans les coûts de la mise en valeur des excédents de lait. En revanche, il a rejeté une motion d'une minorité de sa commission qui proposait de réduire de 10% le contingent laitier d'ici 1998; le chef du DFEP a estimé qu'une telle mesure aurait des implications trop brutales pour l'agriculture suisse. Contre l'avis du Conseil fédéral, la chambre basse a approuvé un postulat Schwab (udc, BE) qui prie le gouvernement de modifier l'ordonnance sur la mise en valeur du lait commercial de manière à adapter l'offre aux désirs des consommateurs et d'améliorer l'étude des marchés d'exportation et les mesures prises. Par ailleurs, elle a rejeté une motion Meier (pe, ZH) qui invitait le Conseil fédéral à introduire dans l'arrêté sur l'économie laitière la possibilité de suspendre le contingent laitier des exploitations qui ne respectent pas les prescriptions légales sur la protection des animaux. En fin de séance, la chambre basse a accepté par 24 voix contre 22 une motion Bischof (ds, ZH) qui charge le Conseil fédéral d'élaborer les dispositions légales permettant d'interdire l'utilisation du propylèneglycol, un antigel administré aux vaches [28].
D'autre part, le Conseil national a transmis un postulat Gobet (pdc, FR) qui prie le Conseil fédéral de définir, pour les produits laitiers qui n'en bénéficient pas encore, des normes de protection (appellation d'origine contrôlée, indications de provenance d'origine et autres labels), les critères pour y prétendre ainsi que les instances chargées de gérer cette reconnaissance. Cette proposition a pour principal objectif de donner aux produits hauts de gamme de l'agriculture (Gruyère, fromage d'Appenzell, raclette valaisanne entre autres) les moyens de faire face à une concurrence étrangère accrue [29].
L'Office de fédéral de l'agriculture (OFAG) a déclaré irrecevables trois recours de l'Union des producteurs suisses (UPS) et de la Société des laitiers fribourgeois (SLF) contre l'autorisation de I'UCPL accordée à la centrale laitière Cremo de produire du Gruyère en quantités industrielles. Suite à cette décision, l'UPS et la SLF ont déposé un recours auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier a confirmé la décision de l'OFAG estimant que les plaignants n'étaient pas habilités à recourir contre ce projet car il était très improbable qu'ils soient touchés par ses conséquences; en outre, l'UCPL, dans son autorisation de 1992, avait fixé des conditions suffisantes pour garantir la qualité du Gruyère produit par la centrale Cremo [30].
Durant l'année 1992/93, le compte laitier a clôturé avec un total de dépenses de 1322,5 millions de francs, soit un recul de 10 millions par rapport à 1991/92. Comparées à l'exercice précédent, les dépenses ont légèrement diminué dans tous les secteurs. La baisse de 10 centimes du prix du lait n'a pas encore eu d'effet sur le résultat général du compte laitier [31].
 
[26] Presse des 9.1, 15.1, 10.4 (revendications de l'USP), 16.4 (revendications de l'UCPL); Suisse, LM et 24 Heures, 20.4.93 (manifestation à Berne de l'Union des producteurs suisses (UPS)); presse des 22.4 (report de la décision du CF) et 27.4.93; Hebdo, 29.4.93.
[27] Presse du 30.4.93.
[28] BO CN, 1993, p. 852 s. (Schwab), 1679 s. (commission), 1680 s. (minorité), 1684 s. (Meier) et 1685 s. (Bischof).
[29] BO CN, 1993, p. 1396 s.; Lib., 13.5.93; NQ, 14.5.93.
[30] Suisse, 28.4.93; TA et Lib., 22.5.93; presse du 16.9.93 (Tribunal fédéral).
[31] Service de documentation LID, Le compte laitier 1992/93, Berne 1993.