Année politique Suisse 1993 : Economie / Agriculture
 
Expérimentation animale
Pour la troisième fois en dix ans, les citoyens suisses ont rejeté une initiative populaire préconisant une réduction des expérimentations animales. Par plus de 70% des voix, le souverain s'est clairement prononcé contre l'initiative «pour l'abolition des expériences sur les animaux». Lancée en 1989 par la «Ligue internationale pour l'abolition de la vivisection (LIMAV)», celle-ci était la plus radicale puis-qu'elle proposait l'interdiction totale et immédiate de toute expérimentation animale [47].
Outre les souffrances subies par les animaux, les initiants considéraient que les résultats fournis par les expérimentations animales étaient peu fiables et ne pouvaient être appliqués sur les êtres humains. A partir de méthodes de substitution, il serait possible, selon eux, de développer une recherche moderne et de haut niveau. Les promoteurs de l'initiative ont également critiqué les coûts imposés à la collectivité par les expérimentations animales qui ne feraient que servir les intérêts économiques des multinationales de l'industrie chimique et pharmaceutique, sans bénéficier à la santé du genre humain. Ils ont par ailleurs estimé que la législation en matière de protection des animaux était minimaliste, en particulier en ce qui concerne l'absence de possibilité de recours contre l'autorisation de certaines expérimentations. C'est souvent moins la protection des animaux que le rejet de la médecine scientifique officielle qui était au centre des arguments des partisans de l'initiative.
Les opposants, quant à eux, ont souligné que les expérimentations animales restaient indispensables dans de nombreux domaines de la recherche scientifique, notamment dans le mise au point de vaccins ou pour l'étude de la toxicité de certaines substances, et contribuaient ainsi de façon décisive à la santé de l'homme. Par son intransigeance, l'initiative aurait remis en cause le développement de nouvelles thérapies et aurait eu pour effet de supprimer de nombreux emplois dans le secteur de la recherche ou des industries chimiques et pharmaceutiques. D'autre part, la législation suisse sur la protection des animaux, renforcée ces dernières années, imposerait déjà des réglementations suffisantes pour empêcher les abus [48].
Initiative populaire «pour l'abolition des expériences sur les animaux» Votation du 7 mars 1993
Participation : 51,2%
Non: 1 651 333 (72,2%) / 20 et 6/2 cantons
Oui: 634 758 (27,8%)
Mots d'ordre:
Oui: PES.
Non: PRD, PDC, PSS, UDC, PL, PEP, PA; USS, CSCS, USAM, Vorort, FMH.
— Liberté de vote: AdI, DS, PdT, Lega; Protection suisse des animaux (PSA).
Les résultats de la votation ont mis en évidence un rejet plus net de la part des cantons romands. D'après l'analyse Vox, seules les personnes s'identifiant au PES se sont prononcées dans leur majorité en faveur de l'initiative; en outre, les votants proches de l'extrême droite, de la gauche et de l'extrême gauche ont eu une plus forte tendance à accepter l'initiative. Alors que les personnes ägées ont dans l'ensemble plus fortement rejeté l'initiative, les femmes l'ont acceptée dans une plus grande proportion que la moyenne. Les auteurs de l'analyse constatent également que, depuis 1985, date de la première votation contre la vivisection, l'opinion des citoyens n'a guère évolué sur cette question [49].
La ratification des trois conventions du Conseil de l'Europe sur la protection des animaux, entamée par le Conseil des Etats en 1992, a donné lieu à une divergence entre les deux Chambres. Tandis que la chambre haute avait accepté de ratifier les trois textes, le Conseil national a introduit une réserve au sujet d'un des articles de la convention sur la protection des animaux de compagnie qui interdit aux Etats signataires d'autoriser la pratique de l'écourtage des queues des chiens. Par la suite, le Conseil des Etats a maintenu sa décision initiale de ratifier la convention sans réserve; la chambre basse s'est finalement ralliée à la décision des sénateurs après que le chef du DFEP eut expliqué que l'écourtage des queues pourrait tout de même être autorisé dans certains cas [50]. Dans la perspective de la future révision de l'ordonnance sur la protection des animaux et suite à la ratification des trois conventions européennes, plusieurs parlementaires sont intervenus, par voie de motion ou de postulat, pour demander un renforcement de la législation dans ce domaine [51].
Dans un rapport sur les difficultés de la mise en oeuvre de la loi sur la protection des animaux, la commission de gestion du Conseil des Etats a constaté un certain déficit dans l'exécution des dispositions légales, en raison notamment de la réticence des cantons à faire appliquer les normes fédérales. La commission a entre autres souligné que le contrôle de la Confédération sur l'application de la loi s'est avéré trop faible et que les textes législatifs sont restés trop vagues et lacunaires dans le domaine de l'abattage des porcs et des vaches ou encore dans celui de l'entretien des animaux domestiques. Elle a ainsi proposé plusieurs améliorations de l'ordonnance sur la protection des animaux, comme l'introduction d'un droit d'inspection pour l'Office vétérinaire fédéral et une réglementation du transport des animaux. Lors de la discussion du rapport au Conseil des Etats, un postulat de la commission invitant le Conseil fédéral à examiner la voie à suivre pour rapprocher les conceptions distinctes de la loi et de l'ordonnance ainsi que pour renforcer l'information, la motivation et la formation des détenteurs d'animaux a été approuvé [52].
Contre l'avis de la majorité de sa commission, le Conseil national a décidé de donner suite à une initiative parlementaire Loeb (prd, BE), formulée en termes généraux, qui demande une modification du statut juridique des animaux. Le texte du député bernois exige notamment que le fait de blesser ou de tuer intentionnellement ou par négligence un animal figure dans le code pénal, non plus comme dommage à la propriété, mais à titre d'infraction distincte [53].
 
[47] FF, 1993, I, p. 1482 ss.; presse du 8.3.93; voir égaiement APS 1992, p. 133 s.
[48] Presse du mois de février.
[49] Vox, Analyse des votations fédérales du 7 mars 1993, Zurich 1993.
[50] BO CN, 1993, p. 780 ss. et 1321 s.; BO CE, 1993, p. 382 ss.; voir aussi APS 1992, p. 134.
[51] BO CN, 1993, p. 854 (motion Weder (Adi, BS)), 913 s. (motion Hafner (pe, BE)), 1384 s. (motion Keller (ds, BL)), 1387 s. (motion Baumann (pe, BE)), 1682 s. (motion Weder (Adi, BS)) et 1696 (postulat Meier (pe, ZH)). Les 5 motions ont été transmises comme postulats.
[52] FF, 1994, I, p. 603 ss. et 633 ss. (rapport de la commission de gestion et avis du CF); BO CE, 1993, p. 934 ss.; presse des 19.11 et 8.12.93.
[53] BO CN, 1993, p. 2511 ss.