Année politique Suisse 1993 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Politique des transports
Le rejet par le souverain du traité EEE en 1992 a placé les transporteurs routiers et Swissair dans une position de faiblesse vis-à-vis de leurs concurrents européens. L'objectif du Conseil fédéral fut donc d'obtenir de la CE l'ouverture de négociations sur le libre-accès des transporteurs aériens et routiers au marché unique. Répondant à ce viceux, la CE a décidé d'entreprendre des discussions à ce sujet après que le gouvernement eut mis en vigueur le traité sur le transit, ce qui fut fait en début d'année [1].
Les entretiens exploratoires ont commencé par se dérouler à un rythme très lent, la CE tardant à définir un mandat de négociation précis pour sa commission. Sans remettre explicitement en cause l'accord sur le transit, la CE a évoqué l'idée d'un assouplissement de la limite de 28 tonnes pour les poids lourds circulant en Suisse si cette dernière entendait bénéficier de mesures de réciprocité [2].
C'est en juin que la Commission européenne a demandé au Conseil des ministres de la CE l'ouverture de négociations avec la Suisse. Le projet de mandat de négociations soumis au Conseil des ministres par la Commission prévoyait dans une première étape d'ouvrir des négociations bilatérales dans le domaine des transports routiers et aériens et sur la libre circulation des personnes. Le lien établi entre ces deux thèmes a provoqué des protestations de la part des négociateurs suisses. Un peu plus tard, le Conseil des ministres a modifié le cadre des négociations en l'assouplissant et en l'élargissant quelque peu. C'est ainsi que trois autres dossiers y furent intégrés et qu'il fut renoncé à établir un lien juridique entre eux. Le Conseil fédéral fut satisfait de ces propositions. Les négociations entre la Suisse et la CE devraient débuter en 1994 [3].
L'Italie a fait part de son intention de renoncer à la construction de plusieurs terminaux de ferroutage décentralisés pour les remplacer par un grand central à Milan. Cela supposerait une modification du traité sur le transit. La Suisse s'est tout d'abord opposée à un tel projet, mais des discussions entre les CFF et les chemins de fer italiens ont été engagées [4].
En 1992, un nouveau record a été battu dans le domaine de la quantité de marchandises transportées entre le nord et le sud de l'Europe. Concernant le transit en Suisse, le transport par rail a subi un léger recul par rapport à 1991 (— 4,7%, soit 14 millions de tonnes) tandis que le transport par route a significativement augmenté de 16% (2,3 millions de tonnes). Cela s'explique en particulier par le prix plus bas de ce dernier [5].
La Fédération suisse des cheminots et le Syndicat suisse des services publics ont, dans une résolution commune, exigé que les collectivités publiques dégagent plus de moyens pour soutenir les transports publics. Ils ont annoncé qu'ils étaient prêts à recourir à des mesures de lutte afin de garantir les prestations à la population, la promotion des transports publics, le maintien de la sécurité et les emplois existants dans le domaine [6].
Face à l'évolution des chemins de fer helvétiques, s'est en outre formée l'association «Pro rail Suisse», destinée à devenir le lobby des usagers des trains et à faire contrepoids aux associations d'automobilistes. Son objectif est de lutter contre le démantèlement des prestations, notamment dans le secteur du trafic régional [7].
Par ailleurs, les projets d'économies des PTT, ainsi que des CFF, ont conduit diverses organisations regroupant des usagers ainsi que des représentants de divers partis ou syndicats à envisager le lancement d'une initiative populaire. Intitulée «train et poste pour tous», cette dernière vise à sauvegarder les intérêts des régions périphériques en s'attaquant notamment à la fermeture de bureaux de poste ou de lignes de chemins de fer [8].
Suivant la décision de la grande chambre en 1992, le Conseil des Etats a largement rejeté l'initiative pour la protection des Alpes. Deux propositions modérées de contre-projet de la part de H. Danioth (pdc, UR) et K. Schüle (prd, SH) ont également été repoussées. Aux côtés des arguments habituellement avancés, celui de la politique européenne prit une dimension particulière. Plusieurs sénateurs ont relevé qu'une acceptation de ce texte constituerait, après le refus populaire du traité EEE, une provocation supplémentaire à l'égard de la CE. La petite chambre a également suivi le Conseil national en rejetant une initiative du canton d'Uri dont la teneur était sensiblement identique à celle de l'initiative populaire [9].
Tout comme le Conseil des Etats en 1992, le Conseil national a transformé en motion l'initiative du canton du Valais, dont le but était de favoriser la coordination et l'accélération des procédures d'autorisation de projet [10].
 
[1] Presse du 14.1.93; JdG, 15.1 et 12.2.93; Bund et NZZ, 23.1.93. Voir aussi APS 1991, p. 159 ss. et 1992, p. 156 ss. Affaibli par le rejet du traité EEE, le CF n'a pas posé de conditions à la mise en vigueur du traité. Pourtant, A. Ogi avait précédemment fait un lien direct avec l'ouverture de négociations avec la CE sur le problème des transports routiers et aériens.
[2] BO CN, 1993, p. 2038 ss.; 24 Heures, 3.3 et 29.3.93; presse des 6.3, 30.3, 27.5 et 1.12.93; NZZ, 26.3 et 24.4.93; Bund, 23.4, 26.5 et 5.6.93; JdG, 24.4 et 7.6.93. Un mois après l'entrée en vigueur du traité sur le transit, seul un 40 tonnes communautaire a eu besoin de demander une autorisation d'emprunter le réseau routier helvétique en raison de la saturation du système de ferroutage (nombre maximal possible selon le traité: 50 par jour): Bund, 25.2.93.
[3] Presse des 8.6, 9.6, 15.9, 16.9, 22.9, 30.9, 9.11 et 19.11.93; JdG, 16.7.93; NZZ, 28.9.93. Voir aussi supra, part. I, 2 (Europe).
[4] Presse des 3.3 et 6.3.93.
[5] Presse des 4.8 et 10.8.93.
[6] Suisse, 17.1 1.93.
[7] NZZ, 30.8.93.
[8] Presse du 19.1.93. Sur les projets de réforme des régies fédérales, cf. infra, Chemins de fer et PTT.
[9] BO CE, 1993, p. 508 ss. et 581; FF, 1993, II, p. 861 s.; NZZ, 6.2 et 12.6.93; presse du 17.6.93. Voir aussi APS 1992, p. 158 s.
[10] BO CN, 1993, p. 54 ss. Voir aussi APS 1992, p. 159.