Année politique Suisse 1993 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche / Hautes écoles
Avec l'accentuation des difficultés financières de la Confédération et des cantons ainsi que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'aide aux universités, qui prévoit un renforcement de la collaboration entre les cantons et la Confédération, les débats sur la coordination et la planification universitaires se sont poursuivis avec intensité en 1993.
Les propositions du directeur du Groupement de la science et la recherche (GSR), H. Ursprung, allant, dans le sens d'une meilleure coordination et de mesures de rationalisation, ont donné lieu à de
vives résistances de la part des responsables universitaires romands attachés à préserver leur autonomie. Inspiré par le modèle du Conseil des écoles polytechniques, le directeur du GSR a précisé ses conceptions sur l'organisation des universités; il s'est ainsi déclaré favorable à la constitution de deux sous-systèmes universitaires, un pour chaque région linguistique, avec à leur tête un organe central (Conseil régional) indépendant du pouvoir politique. Ce dernier serait responsable de gérer les subventions de la Confédération et d'allouer des enveloppes budgétaires aux hautes écoles membres du Conseil. Par ailleurs, ce Conseil, composé des recteurs des universités et de personnalités du monde académique et de l'économie, déciderait des options stratégiques de recherche en tenant compte d'une certaine cohérence régionale
[18]. Le Conseil suisse de la science (CSS) a rédigé un document à l'intention du Conseil fédéral sur les grandes orientations du développement des universités suisses. Ce texte a été mis en consultation auprès des instances universitaires
[19].
Les tentatives de
collaboration entre les hautes écoles de Genève et de Lausanne concernant l'architecture et la pharmacie ont connu des fortunes diverses. Alors que les autorités genevoises et fédérales semblaient avoir abouti à un accord sur l'avenir de l'Ecole d'architecture de l'université de Genève, les représentants genevois ont rompu les négociations estimant que les concessions faites vis-à-vis de l'EPF de Lausanne étaient trop importantes. Déjà en discussion depuis le début des années 70, le rapprochement des études de pharmacie dispensées dans les universités de Genève et Lausanne a été marqué par la signature d'une convention consacrant la fondation de l'Ecole romande de pharmacie («Eropharm»). Tirant les leçons de l'échec de la tentative de fusion des deux écoles de pharmacie en 1979, les responsables politiques et universitaires ont opté pour la solution la plus légère possible. Il est ainsi prévu que les deux universités conservent leur unité de pharmacie et que la plupart des enseignements continuent à être dispensés dans les deux hautes écoles; seules deux branches spécifiques du 2e cycle seront mises en commun dans le programme d'études grâce à la suppression de 4,25 postes et à la spécialisation de chaque haute école dans des domaines particuliers. Plutôt que d'imposer aux étudiants de se déplacer dans l'autre ville, il est prévu que les professeurs enseignent dans les deux universités. Cette collaboration, qui entrera en vigueur à partir de l'année académique 1994/95, permettra un gain annuel total de 670 000 francs
[20].
Pour sa part, la Conférence universitaire romande (CUR), soucieuse de ne pas se voir imposer des mesures de rationalisation par les autorités fédérales, a présenté les grandes lignes d'un
projet de planification pour l'ensemble des hautes écoles romandes et l'université de Berne. Sous le concept de «mise en réseau» des universités, ce plan, élaboré en collaboration avec les différents chefs des départements cantonaux de l'instruction publique, prévoit d'intensifier les échanges d'enseignants entre établissements, de renforcer la coordination entre les disciplines enseignées dans plusieurs hautes écoles (notamment en médecine, pharmacie, physique, sciences de la terre et en théologie), de nommer de façon concertée les nouveaux professeurs, de réaliser des achats groupés pour les équipements lourds et d'harmoniser la reconnaissance des diplômes, les conditions d'admission et les calendriers académiques
[21].
Allant dans le sens de ces propositions, les recteurs et les chefs des départements de l'instruction publique de
Berne, Fribourg et Neuchâtel ont signé une convention-cadre, dénommée
BENEFRI, qui a pour but de favoriser une utilisation rationnelle des ressources disponibles, d'harmoniser les programmes d'études, de mieux répartir les enseignements entre les universités et de décider en commun des orientations de recherche et des acquisitions d'équipements importants. Par la suite, les directeurs de l'instruction publique des trois cantons ont signé cinq conventions concernant différentes disciplines. Celles-ci portent sur l'échange de professeurs, la concentration géographique de certains enseignements et l'harmonisation des programmes d'études
[22].
Quinze ans après le refus par les citoyens lucernois de la création d'une université complète comprenant cinq facultés, le Grand Conseil a approuvé la révision de la loi sur l'instruction publique qui prévoit de transformer la faculté de théologie, qui compte déjà des enseignements de philosophie et d'histoire, en une
haute école de Lucerne avec deux facultés distinctes: la théologie catholique romaine et les sciences philosophiques. Le Conseil d'Etat a également annoncé son intention de présenter en 1994 un projet de développement ultérieur pour la haute école afin de faire de Lucerne la place universitaire de la Suisse centrale. Un référendum contre cette révision n'a pas abouti
[23].
Au
Tessin également, le thème de la création d'une université dans le canton a connu un net regain d'intérêt. Plusieurs projets ont été discutés dans le courant de l'année; le principal est celui de l'architecte Mario Botta qui a été chargé par le Conseil d'Etat d'élaborer un projet pour la création d'une faculté d'architecture à Lugano. Celle-ci devrait offrir une formation de six ans et comporter trois sections: histoire, dessin et technique. Pour l'exécutif cantonal, une telle école d'architecture devrait constituer une première étape pour la réalisation d'une véritable université tessinoise. De son côté, la municipalité de Lugano, sans s'opposer aux propositions du Conseil d'Etat, soutient un autre projet d'université comportant deux facultés, une en science économiques et l'autre en sciences de la communication, qui, selon elle, repondrait mieux aux besoins du canton. En fin d'année, le Conseil d'Etat a présenté dans son message au Grand Conseil le contenu détaillé du projet Botta; les coûts annuels de cette nouvelle école devraient se monter à 16,5 millions de francs
[24].
Les universités de
Fribourg, Lausanne, Neuchâtel, Dijon et Besançon (Fr) ont conclu un accord de coopération transfrontalière qui vise à encourager les échanges d'étudiants et d'enseignants ainsi qu'à développer la collaboration dans la recherche
[25]. La Conférence universitaire romande (CUR) et la Conférence universitaire Rhône-Alpes (CURA), qui réunit 12 universités, ont fondé
l'Association transfrontalière universitaire (ATU). Celle-ci aura pour compétence de gérer certains projets de recherche de troisième cycle décidés en commun
[26].
[18] JdG, 10.3, 12.5 et 28.5.93; NZZ, 17.3.93; NQ, 4.4, 27.5 et 28.5.93; Bund, 7.4 et 16.6.93; 24 Heures, 21.5.93; BaZ, 10.6.93; DP, 10.6. au 8.7.93. Le CN Tschopp (prd, GE) a déposé une motion invitant le CF à charger la CUS, en collaboration avec le GSR, d'établir et de mettre en ouvre rapidement des solutions pour améliorer la coordination universitaire: Délib. Ass. féd., 1993, I, p. 126. Voir également APS 1992, p. 264 s.
[19] Futura, 1993, no 2, p. 29 ss.
[20] Architecture: JdG, 20.1.93; NQ, 23.1, 5.2, 11.2 et 12.3.93; presse du 7.4.93 (revirement des autorités genevoises); NZZ, 14.4.93; Suisse et JdG, 6.5.93; JdG, 1.6.93; voir également APS 1992, p. 264 s. Pharmacie: presse du 29.9.93.
[21] JdG, 4.6 et 25.6.93.
[22] Express et Lib., 12.2.93;JdG, 18.2.93; NQ, 17.4.93; BZ, 4.5.93; presse du 24.8.93.
[23] Presse du 12.3.93; LNN, 8.5 et 22.5.93; NQ, 9.5.93; LNN et LZ, 22.6, 23.6, 14.9, 19.10 et 20.11.93.
[24] JdG, 20.1.93; NQ, 18.5 et 28.9.93; CdT, 17.7, 15.9, 29.9, 1.10, 2.10, 15.10, 30.10, 13.11, 24.11 et 18.12.93; BaZ, 2.10.93; 24 Heures, 11.10.93; TA, 13.10.93; NZZ, 25.11.93.
[26] NQ, 21.5.93; JdG, 22.5.93.
Copyright 2014 by Année politique suisse
Ce texte a été scanné à partir de la version papier et peut par conséquent contenir des erreurs.