Année politique Suisse 1994 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
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Casques bleus
Suite à un référendum déposé en 1993, le peuple s'est prononcé le 12 juin sur la mise sur pied d'un contingent de Casques bleus suisses. Malgré une campagne d'information importante menée par le Conseil fédéral - durant laquelle Flavio Cotti et Kaspar Villiger ont notamment affirmé qu'un tel contingent n'impliquait ni une adhésion obligatoire à l'ONU, ni un risque pour la neutralité du pays - le projet de loi relative aux troupes suisses chargées d'opération en faveur du maintien de la paix a été refusé par 57,2% des votants. Quant aux cantons, ils ont tous refusé le projet du gouvernement à l'exception de Genève, Vaud, Neuchâtel et du Jura qui l'ont accepté à de faibles majorités.
L'image d'une Suisse repliée sur elle-même après le rejet de l'EEE, la situation difficile des Casques bleus en Bosnie-Herzegovine ainsi que les hypothèses d'un nouvel échec du Conseil fédéral sur un projet de politique extérieure et d'une nouvelle divergence entre Alémaniques et Romands ont contribué à charger l'enjeu du scrutin d'une dimension émotionnelle non-négligeable. Arguant notamment que la constitution d'un contingent de Casques bleus helvétiques constituerait indéniablement un pas décisif vers une adhésion à l'ONU et affecterait par là-même la crédibilité de la neutralité suisse, l'UDC, les démocrates suisses, la Lega, le parti de la liberté (ex-PA), rejoints par l'ASIN, la Ligue vaudoise et l'entreprise Denner se sont prononcés contre le projet du Conseil fédéral. Parmi les opposants figuraient également le POP/PdT, pour qui la participation de Casques bleus suisses aux interventions décidées par l'ONU ne pouvait être le fondement d'une politique de paix. De leur côté, le PRD, le PDC, le PS, le PL, l'AdI, les Verts, le PEP, de même que la Société suisse des officiers (SSO), les associations caritatives et les évêques suisses se sont prononcés en faveur des Casques bleus dans le but de renforcer la solidarité internationale de la Suisse. Les pacifistes du GSsA, tiraillés par l'enjeu du scrutin, ont, quant à eux, appelé à voter blanc. Il est intéressant de relever que - faute de soutien financier des organisations faîtières de l'économie - les moyens mis à la disposition des partisans étaient nettement inférieurs à ceux des opposants qui ont, pour leur part, bénéficié de l'appui financier substantiel de Karl Schweri, patron de la firme Denner [45].
Constitution d'un corps suisse de Casques bleus
Votation du 12 juin 1994

Participation: 45,8%

Non: 1 203 870 (57,2%)
Oui: 898 925 (42,8%)

Mots d'ordre:
- Oui: PRD, PDC, PS, PL, PES, AdI, PEP; Vorort, USS, Société suisse des officiers, Associations caritatives.
- Non: UDC (5*), DS, Lega, PdL (ex-PA), PdT; ASIN.
- Bulletin blanc: GSsA.

* Recommandations différentes des partis cantonaux.
L'analyse Vox révèle que les personnes disposant d'un revenu élevé et d'une formation supérieure, les citadins et, dans une moindre mesure, les Suisses romands se sont montrés les plus favorables à la constitution d'un contingent de Casques bleus, alors que les personnes de plus de 70 ans, les paysans (surtout), les ouvriers et les commerçants/artisans se sont révélés les plus réticents. L'analyse a par ailleurs établi une étroite corrélation entre la confiance accordée au Conseil fédéral et la décision du vote. Si les plus ardents défenseurs des Casques bleus ont été les partisans du PS, l'électorat du PDC et du PRD est apparu très partagé sur cette question, quand bien même les partis nationaux avaient donné un mot d'ordre clair pour le oui. Les sympathisants de l'UDC ont, pour leur part, fidèlement suivi le mot d'ordre négatif de leur parti, tout comme les démocrates suisses et le parti de la liberté. L'électorat de l'AdI et du PES a, quant à lui, voté en majorité pour les Casques bleus. Plus de la moitié des opposants ont invoqué des raisons financières pour motiver leur refus. Du côté des partisans, la volonté de voir la Suisse s'engager sur le plan international et apporter sa contribution à la solidarité entre Etats a été l'argument le plus fréquemment avancé [46].
Au lendemain de la votation, le directeur général de l'ONU à Genève, Vladimir Petrovsky, a déclaré que l'issue du scrutin n'aurait pas d'influence sur la coopération entre la Confédération et l'ONU [47].
Le Conseil national a transmis un postulat Fritschi (prd, ZH) invitant le Conseil fédéral à présenter aux Chambres un rapport exposant comment, au lendemain du non aux Casques bleus, l'armée pourrait participer plus activement à la promotion de la paix. Le gouvernement est également prié d'envisager la possibilité de développer le Corps suisse d'aide en cas de catastrophe et de présenter un rapport à ce sujet [48].
Le Conseil des Etats a, en outre, transmis comme postulat la motion Roth (pdc, JU) invitant le Conseil fédéral à transférer les moyens financiers prévus pour la création d'un contingent de Casques bleus sur un compte auprès du DFAE destiné à des mesures suisses en faveur du maintien et de la construction de la paix.
 
[45] Presse des 25.2, 4.3 (évêques suisses), 21.3 (GSsA), 9.5 (ASIN), 16.5 (SSO), 8.6 (Denner) et 13.6.94; NZZ, 19.3.94 (associations caritatives); VO, 14.4.94 (POP/PdT); NQ, 18.4.94 (UDC); 24 Heures, 4.5.94 (Ligue vaudoise); JdG, 13.6.94 (PRD; PDC; PS; PLS; AdI; Verts); NQ et JdG, 6.6.94 (budgets de la campagne).45
[46] B. Wernli / P. Sciarini / J. Borranco, Analyse des votations fédérales du 12 juin 1994, Vox no 53, Berne/Adliswil 1994.46
[47] Presse du 13.6.94.47
[48] BO CN, 1994, p. 1905 s.48