Année politique Suisse 1994 : Economie / Agriculture
 
Expérimentation animale et protection des animaux
Le Conseil fédéral a pris position sur le rapport de la commission de gestion du Conseil des Etats concernant la mise en oeuvre de la loi sur la protection des animaux. Dans l'ensemble, il approuve l'analyse de la problématique et les conclusions de ce document. Il s'est également rallié à la plupart des recommandations de la commission qui, à ses yeux, méritent examen et approbation. Il a cependant relevé qu'une bonne part d'entre elles nécessitaient plus d'effectifs et de moyens de la part de la Confédération, ce qui était actuellement difficile. En outre, le gouvernement a déclaré que la solution ne résidait pas dans une importante réglementation, mais dans l'information et la sensibilisation des détenteurs d'animaux et l'amélioration des structures cantonales de mise en oeuvre. Certaines réformes nécessitant toutefois de nouvelles dispositions, l'Office vétérinaire fédéral a été chargé de préparer une révision de l'ordonnance d'application de la loi sur la protection des animaux. Celle-ci devrait mieux réglementer les domaines les plus problématiques, soit notamment les conditions de détention, de transport et d'abattage des animaux de rente [53].
Dans le cadre de cette révision, l'organisation Protection suisse des animaux (PSA) et l'Association des organisations de protection des animaux ont demandé diverses améliorations de la législation. Ainsi, un article devrait être introduit dans l'ordonnance afin d'interdire les méthodes d'élevage qui, pour des raisons esthétiques ou économiques, conduisent à des souffrances, des dégâts physiques ou des dégradations du comportement. Par ailleurs, les animaux de rente ou de compagnie devraient être assurés de bénéficier d'une liberté de mouvement suffisante, de contacts avec leurs congénères, de la lumière du jour et de conditions de détention, de transport et d'abattage non douloureuses. Il s'agirait également d'interdire l'importation d'animaux et de denrées alimentaires d'origine animale produits dans des circonstances ne respectant pas la législation helvétique. De plus, l'application de la loi devrait être uniforme et efficace, ce qui signifie notamment une formulation moins vague des dispositions réglementaires et une réorganisation des structures de mise en oeuvre, en particulier au niveau des cantons [54].
Pour sa part, le Conseil national a transmis le postulat Meier (pe, ZH) demandant que le gouvernement recense tous les animaux et les produits d'origine animale importés qui contreviennent aux dispositions de la loi sur la protection des animaux et qu'il prévoie des mesures visant à faire cesser leur entrée en Suisse [55].
Alors qu'elle avait décidé de transmettre au Conseil fédéral une pétition à ce sujet, la grande chambre a rejeté un postulat de la commission de la science, de l'éducation et de la culture recommandant l'interdiction de l'élevage en batterie des cailles en raison des systèmes inadaptés utilisés et l'interdiction de l'importation de produits issus de ces volatils lorsque ceux-ci sont élevés de manière cruelle. La chambre a suivi l'opinion du gouvernement selon laquelle ces mesures seraient disproportionnées par rapport aux inconvénients occasionnés et peu justifiables en terme de commerce international. Il a cependant assuré vouloir se conformer aux recommandations de la commission de gestion du Conseil des Etats en orientant la production de cailles vers une détention respectant les besoins de ces animaux [56].
Le Conseil national a rejeté le postulat d'une minorité de sa commission de la science, de l'éducation et de la culture sur l'importation de fourrures. Ce texte désirait que la Suisse reprenne une réglementation européenne prévoyant l'interdiction de l'importation de fourrures d'animaux appartenant à des espèces menacées ou capturées par des moyens cruels. La Chambre a suivi l'opinion du gouvernement selon laquelle la mesure proposée n'était pas à préconiser, du fait que l'UE avait différé son application; la directive concernait presque exclusivement des animaux se trouvant sur sol américain et canadien, ce qui n'est pas forcément conforme au GATT et ce à quoi s'oppose le Canada [57].
La grande chambre a par contre transmis comme postulat la motion Weder (adi, BS) demandant que soit interdit l'élevage de chiens agressifs et l'importation de tels animaux [58].
Dans le même esprit que l'initiative Loeb (prd, BE) adoptée en 1993, le Conseil national a accepté une initiative parlementaire Sandoz (pl, VD) demandant que le code civil suisse prévoie une place à part pour les animaux vertébrés dont le statut devrait se situer entre celui des êtres humains et celui des choses inanimées. La Chambre s'est rangée à l'avis de l'initiante selon lequel il fallait admettre qu'un animal était vivant et ne pouvait être assimilé à un quelconque objet. Une telle distinction pourrait notamment être utile dans des cas d'animaux trouvés, d'usufruit ou de partage lors de divorces ou de successions [59].
Le parlement a encore pris connaissance de plusieurs pétitions déposées ces dernières années sur la protection des animaux. Leurs préoccupations vont de l'interdiction d'expériences sur les animaux dans le domaine des cosmétiques, de la fabrication d'articles de luxe, de l'enseignement et de la formation, en passant par le renforcement des prescriptions existantes sur les conditions de détention et d'exploitation des animaux de rente ou destinés à l'expérimentation, et jusqu'à l'interdiction de l'élevage et de l'abattage d'animaux domestiques en vue de leur consommation, voire l'interdiction du transit d'animaux de boucherie en raison des conditions de transport cruelles régnant dans certains Etats européens. Les Chambres ont décidé de ne pas donner suite à ces textes. Elles ont en général considéré que les prescriptions légales avaient été renforcées, que le parlement et le souverain s'étaient récemment prononcés clairement sur le sujet de l'expérimentation animale et que la commission de gestion du Conseil des Etats avait proposé un certain nombre de recommandations afin de faire respecter la loi sur la protection des animaux et de combler certains déficits de mise en oeuvre [60].
Le Conseil fédéral a proposé aux Chambres d'approuver un protocole d'amendement à la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, ce qu'elles ont fait à l'unanimité. Ce nouveau texte, qui date de 1992, étend le champ d'application de la Convention à l'élevage, à certains aspects de la détention des animaux et à la mise à mort des animaux à la ferme. Il inclut en outre dans le cercle des animaux protégés ceux qui sont élevés par l'application de méthodes du génie génétique. Ces nouvelles règles étant plus strictes que les normes helvétiques, une adaptation de la législation en vigueur sera nécessaire [61].
La PSA a dénoncé une nouvelle pratique commerciale consistant en la vente par correspondance de chiens et de chats. Après commande, ceux-ci se voient en effet transportés dans des conditions que la PSA estime traumatisantes pour l'animal. Elle a ainsi lancé une pétition pour que les CFF et les PTT cessent de transporter des bêtes. Les deux régies ont considéré que leur pratique tendait à éviter des désagréments à l'animal mais n'ont pas exclu d'apporter des améliorations [62].
 
[53] FF, 1994, I, p. 633 ss.; BaZ, 27.1.94; 24 Heures, 28.2.94. Sur le rapport de la commission de gestion du CE, cf. APS 1993, p. 126. Voir aussi FF, 1994, I, p. 603 ss.; Bund et NZZ, 27.1.94; Ww, 10.2.94.53
[54] NZZ, 27.5.94; presse du 6.9.94.54
[55] BO CN, 1994, p. 1198 s.55
[56] BO CN, 1994, p. 1877 s.; Bund, 17.8.94.56
[57] BO CN, 1994, p. 1874 s.57
[58] BO CN, 1994, p. 1896.58
[59] BO CN, 1994, p. 2448; Lib., 17.12.94. Pour l'initiative parlementaire Loeb, cf. APS 1993, p. 126.59
[60] BO CN, 1994, p. 573 s.; BO CE, 1994, p. 361 ss. Voir aussi APS 1990, p. 122 ss., 1991, p. 137 s., 1992, p. 132 s. et 1993, p. 124 ss. Relevons qu'en matière d'expérimentation animale, la tendance à une diminution du nombre d'expériences autorisées sur les animaux s'est confirmée en 1993. 775 329 animaux ont été utilisés, soit environ 10% de moins qu'en 1992 et 60,7% qu'en 1983. 93,4% d'entre eux étaient des petits rongeurs: Bund, 16.9.94.60
[61] FF, 1994, II, p. 372 ss.; BO CN, 1994, p. 962 s.; BO CE, 1994, p. 929 s.; NZZ, 27.1 et 27.12.94; SGT, 29.9.94.61
[62] Suisse, 20.2.94; NQ, 22.2.94. L'exigence du PSA a été relayée au CN par le biais du postulat Meier (pe, ZH) finalement retiré, le député ayant considéré que les PTT entretenaient désormais des rapports constructifs avec les organisations de protection des animaux: BO CN, 1994, p. 62