Année politique Suisse 1994 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
Quatre ans après la décision d'arrêter l'exploitation de
Superphénix, les ministres français de l'Industrie et de l'Environnement ont signé en août le dernier décret autorisant le redémarrage progressif du surgénérateur de Creys-Malville (France). Conçu à l'origine pour produire de l'électricité, Superphénix ne sera plus exploité comme une centrale nucléaire, mais deviendra principalement un réacteur consacré à la recherche et à l'incinération des déchets radioactifs des centrales classiques. Suite à cette décision, les opposants à Superphénix ont mené de nombreuses actions de protestation visant à annuler l'autorisation de redémarrage. Deux recours auprès du Conseil d'Etat français ont notamment été déposés, l'un par le Conseil d'Etat genevois, et l'autre par les villes de Genève, Lausanne, La Chaux-de-Fonds ainsi que dix communes genevoises et plusieurs organisations suisses et françaises de protection de l'environnement. Malgré ces nombreuses oppositions, le surgénérateur a été remis progressivement en fonction. Le Conseil fédéral - qui a pourtant été l'objet de plusieurs sollicitations, dont notamment une question urgente du groupe écologiste des Chambres fédérales et une lettre du Conseiller d'Etat genevois Claude Haegi (pl) - a déclaré pour sa part ne pas vouloir intervenir auprès des autorités françaises. Le gouvernement a en effet estimé que la centrale de Creys-Malville ne posait pas à la population suisse un risque supérieur à ceux qu'elle accepte communément
[11].
Conformément à une requête expresse du Conseil fédéral formulée en 1992, les Forces motrices bernoises (FMB) ont présenté fin mars un premier rapport intermédiaire sur les
alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie atomique sur le site de Mühleberg (BE). Dans ce document, les FMB se sont principalement attachées à étudier dans quelle mesure la conversion de la centrale nucléaire en centrale au gaz naturel est réalisable. Elles sont arrivées à la conclusion que la production de CO2 engendrée par une telle installation s'élèverait à 540 000 tonnes par année, ce qui irait à l'encontre des engagements pris par le gouvernement au niveau national et lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui s'est déroulée à Rio de Janeiro en 1992. Dans un second rapport se concentrant cette fois-ci sur les énergies renouvelables, les FMB ont estimé que celles-ci ne parviendraient à combler qu'entre 3 à 10% du déficit d'électricité (-1,5 milliard de kilowattheures) engendré par l'abandon du nucléaire
[12].
La deuxième Chambre de la
Commission européenne des droits de l'homme est entrée en matière sur la requête déposée en 1993 par une dizaine de personnes habitant à proximité de la centrale nucléaire de
Mühleberg. Constituant une réaction à la décision du Conseil fédéral d'augmenter de 10% la puissance de la centrale bernoise, cette requête porte sur le droit suisse dans le domaine nucléaire qui exclut la possibilité de porter la décision du gouvernement devant une autorité judiciaire indépendante. Le verdict de la Commission de Strasbourg ne devrait pas être rendu avant deux ou trois ans
[13].
Dans le courant du mois de mai, les experts de la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN) se sont déclarés favorables à l'octroi, par le Conseil fédéral, d'une autorisation d'exploitation non limitée dans le temps à la centrale nucléaire de
Beznau II à Würenlingen (AG). La DSN a recommandé toutefois au gouvernement de soumettre l'exploitation de l'installation à certaines conditions de sécurité auxquelles elle ne correspond plus. Se basant sur une étude de l'Öko-Institut de Darmstadt - selon laquelle la centrale de Beznau présenterait de sérieux déficits en matière de sécurité - les milieux antinucléaires et écologistes ont catégoriquement rejeté les conclusions de la DSN. Malgré les quelque 18 000 oppositions qui ont été déposées lors des deux phases de l'enquête publique, le Conseil fédéral a décidé en fin d'année d'octroyer aux Forces motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) une
autorisation d'exploitation limitée au 31 décembre 2004. Cette décision n'a pas manqué de provoquer une vive colère au sein des associations antinucléaires et de protection de l'environnement
[14].
Conformément à l'arrêté fédéral de 1989 entraînant l'abandon de la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst (AG), la Confédération a dédommagé, à raison de 350 millions de francs, les promoteurs de la centrale. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a admis à l'unanimité que la société Graben SA devait obtenir de la part de la Confédération un dédommagement équitable pour les investissements qu'elle a consentis en vue de la réalisation d'une centrale nucléaire sur le territoire de la commune bernoise. La haute cour ne s'est cependant pas prononcée sur le montant de l'indemnité qui devrait être fixé entre la société promotrice et la Confédération.
Le Conseil fédéral a donné l'autorisation de
démanteler le réacteur DIORIT de l'Institut Paul-Scherrer (PSI) à Würenlingen (AG), à l'arrêt depuis 1977. Les déchets radioactifs qui résulteront de ce démantèlement seront tout d'abord stockés dans l'actuel dépôt intermédiaire se trouvant dans l'enceinte du PSI. Il seront ensuite déplacés dans le futur dépôt final pour déchets faiblement et moyennement radioactifs
[16].
[11] Presse des 14.7, 4.8 et 27.9.94;
NQ, 23.2.94;
JdG, 25.3.94;
24
Heures, 4.10.94;
SGT, 17.11.94;
NZZ, 18.11.94. Il est à relever que la discussion relative au postulat présenté par la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie invitant le gouvernement à mettre sur pied une conférence contradictoire où les promoteurs de Superphénix seraient confrontés à des scientifiques indépendants a été renvoyée par le CN:
BO CN, 1994, p. 2482 ss.; voir également
APS 1993, p. 145.11
[12] Presse des 30.3 et 19.11.94. Voir aussi
APS 1992, p. 150 et
1993, p. 146.12
[13]
BO CN, 1994, p. 853 s. (question Bär, pe, BE);
TW, 7.5 et 26.5.94. Voir aussi
APS
1993, p. 145.13
[14] Presse des 17.5, 29.6 et 13.12.94;
NQ et
NZZ, 20.7.94;
TA, 25.8.94; voir également
APS
1992, p. 150.14
Copyright 2014 by Année politique suisse