Année politique Suisse 1994 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Constructions routières
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Initiative des Alpes et réseau routier
L'initiative des Alpes comprenait une disposition prévoyant un gel immédiat de la capacité des routes de transit à travers les Alpes. Son acceptation a ainsi posé la question de la définition des tronçons concernés. Au cours de la campagne, les initiants avaient particulièrement cité les routes du San Bernardino, du Saint-Gothard, du Grand Saint-Bernard ainsi que la N9 dans le Haut-Valais. Il s'agissait néanmoins pour le législateur d'interpréter précisément l'article constitutionnel. En attendant l'élaboration d'un texte d'application, le DFTCE a demandé à l'Office fédéral des routes de décréter un arrêt immédiat de tous les travaux de planification et d'études pour l'ensemble des routes nationales et principales pouvant être considérées, d'une manière ou d'une autre, comme routes de transit. Les constructions déjà entamées ont pu être poursuivies, mais aucun nouveau chantier n'a pu être mis en place, même pour des projets ayant été approuvés. Les cantons concernés ont condamné une telle démarche considérée comme trop stricte. En particulier, le Valais s'est fortement élevé contre cette mesure et a mis en évidence les conséquences économiques graves qu'elle pouvait avoir pour le canton. D'aucuns ont considéré que cette décision d'A. Ogi était excessive et représentait une forme de provocation, ce que ce dernier a vigoureusement démenti [45].
La décision du DFTCE a également beaucoup préoccupé les députés et sénateurs. Inquiets de ses conséquences, ils ont déposé en mars de nombreuses interventions parlementaires sous forme d'interpellations urgentes [46]. En réponse, le Conseil fédéral a dit vouloir rapidement aboutir à une législation d'application sur l'interdiction d'augmenter la capacité des routes de transit alpines comportant des critères précis. Cela devait permettre, au moment où une telle clarification aurait été effectuée, de lever le blocage général en matière de planification. Par ailleurs, celui-ci ne devait pas, selon le gouvernement, occasionner beaucoup de dommages en terme d'emploi. Toutefois, l'exécutif n'a pas exclu que l'initiative elle-même conduise à la suppression d'un certain nombre de places de travail dans le domaine du génie civile [47].
Deux mois plus tard, en mai, le Conseil fédéral a présenté son message sur la loi sur le transit routier dans la région alpine (LTRA) ayant pour but de stabiliser la capacité des routes alpines de transit. La loi s'est d'abord attachée à préciser un certain nombre de notions contenues dans l'article constitutionnel et qui présentent un certain flou. En premier lieu, le terme de région alpine a été assimilé à la définition qu'en donne la Convention internationale sur les Alpes. Ensuite, le concept de route de transit a été entendu comme une route nationale ou principale dont le trafic journalier moyen est supérieur à 1500 véhicules et où le transit représente une part supérieure à 10% du trafic global. Le choix d'un tel seuil avait pour conséquence que toutes les routes nationales et principales de la région des Alpes ne tombaient pas sous le coup de cette loi, notamment la N9, cette dernière possédant une part de trafic de transit inférieure à 5%. Par ailleurs, il a été prévu que certains travaux puissent néanmoins être effectués sur les routes de transit si ceux-ci concernent la mise en oeuvre de mesures de sécurité du trafic ou la création de routes de contournement [48].
Les promoteurs de l'initiative des Alpes, soutenus par le parti socialiste, ont estimé que le projet du gouvernement était scandaleux. Ils ont rappelé que le Conseil fédéral, durant la campagne et notamment dans la brochure officielle, avait affirmé qu'une acceptation de l'initiative empêcherait la réalisation d'une autoroute à 4 voies dans le Haut-Valais alors que dans son projet, ses critères excluent de fait la N9 de la liste des routes de transit. Les initiants ont menacé de lancer soit un référendum contre la future loi, soit une nouvelle initiative. Ils ont particulièrement attaqué A. Ogi pour avoir fait des déclarations contradictoires avant et après le vote et ont demandé qu'il soit affecté à un autre département [49].
Par une forte majorité, le Conseil des Etats a rejeté le système élaboré par le gouvernement pour déterminer quelles routes devaient être classées routes de transit. Il a considéré que celui-ci était compliqué et flou et a privilégié la solution mise au point par la commission du Conseil national. Sur proposition de S. Salvioni (prd, TI), il a ainsi décidé de citer nommément les routes touchées. Celles-ci sont Thusis (GR)-Bellinzone (TI) pour le San Bernardino, Amsteg (UR)-Bellinzone pour le Saint-Gothard, Brigue-Gondo (VS) pour le Simplon et Sambrancher (VS)-frontière italienne pour le Grand Saint-Bernard. Il a estimé que la N9 ne devait pas faire partie de cette liste et être achevée. A. Ogi a défendu sa solution en déclarant qu'elle était plus judicieuse en terme d'environnement, car elle permettait une réadaptation constante. Une minorité, emmenée par O. Piller (ps, FR), a proposé sans succès de renvoyer le projet au Conseil fédéral afin que, dans le respect de l'esprit de l'initiative, il prenne en compte l'autoroute du Haut-Valais dans la liste des routes de transit [50].
Pour sa part, le Conseil national a suivi la décision de la petite chambre. La contestation y fut toutefois plus forte. Socialistes et écologistes, mais également certains bourgeois telle V. Spoerry (prd, ZH), ont fortement critiqué l'attitude du gouvernement. Selon eux, le fait d'exclure soudainement la N9 des routes de transit faisait perdre toute crédibilité au Conseil fédéral. A. Ogi a regretté ses déclarations faites avant le scrutin, assurant qu'il tentera d'être plus prudent à l'avenir. Il a justifié son projet en prétendant avoir voulu rédiger un texte conforme aux voeux exprimés par de nombreux parlementaires en mars. Par ailleurs, face aux protestations de plusieurs députés, P. Bircher (pdc, AG) a retiré une proposition visant à scinder en deux arrêtés distincts la loi sur le transit, dont l'un aurait concerné la N9 uniquement et aurait ainsi pu être attaqué isolément en référendum. Une seule divergence a existé entre les Chambres. Elle concernait la possibilité de modifier le tracé des routes de transit pour accélérer le trafic. Le Conseil des Etats a voulu conserver cette mesure, considérant qu'elle ne consiste pas en une augmentation de capacité. Après avoir refusé cette interprétation, le Conseil national s'y est rangé, non sans qu'une importante minorité, défendant l'avis contraire, ne s'y oppose [51].
 
[45] NZZ, 23.2.94; presse des 24-27.2.94.45
[46] Martin (prd, VD), Rüesch (prd, SG) et Salvioni (prd, TI) pour le CE; Oehler (pdc, SG), Epiney (pdc, VS), Schmidhalter (pdc, VS), Comby (prd, VS), Caccia (pdc, TI), Borradori (Lega, TI) ainsi que les groupes socialiste, automobiliste et radical pour le CN.46
[47] BO CN, 1994, p. 453 ss. et 536 ss.; BO CE, 1994, p. 351 s.; Bund, 26.2.94; presse des 28.2, 1.3, 2.3, 17.3 et 18.3.94.47
[48] FF, 1994, II, p. 1295 ss. et III, p. 328 s.48
[49] Presse des 21.4, 25.4 et 6.5.94.49
[50] BO CE, 1994, p. 434 ss.; presse des 18.5 et 2.6.94.50
[51] BO CN, 1994, p. 893 ss., 1067 ss. et 1248; BO CE, 1994, p. 649 s. et 774; presse des 8.6 et 9.6.94; BaZ, 16.6.94. Malgré la décision du parlement, les initiants ont renoncé à lancer un référendum (NZZ, 18.6.94). Suite à l'adoption de la loi par les Chambres, le DFTCE a levé, début juillet, le blocage de la planification (presse du 8.7.94).51