Année politique Suisse 1994 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche / Recherche
La question de la pleine participation de la Suisse au
4e programme-cadre de recherche et de développement de l'Union européenne a divisé la communauté scientifique helvétique ainsi que certains milieux économiques. Les recteurs et présidents des hautes écoles suisses ont ardemment soutenu cette participation, tout comme celle aux nouveaux programmes de formation supérieure. En revanche, une partie du monde scientifique a redouté, à l'instar du FNRS, que l'engagement de la Confédération dans le 4e programme européen de recherche ne se fasse au détriment des programmes nationaux. Estimant, par ailleurs, que la recherche communautaire manque de rigueur et que ses gains pour la productivité industrielle suisse seraient minimes, cinq Prix Nobel suisses ont envoyé une lettre au Conseil fédéral lui demandant de renoncer à prendre part à ce 4e programme-cadre. Du côté des milieux économiques, la participation ou non de la Suisse à la recherche européenne a principalement opposé l'industrie des machines à l'industrie chimique. Si la première l'a jugée indispensable au maintien du site de recherche suisse, la seconde a en revanche estimé que les programmes de l'UE sont trop orientés sur la recherche appliquée, domaine largement couvert par la recherche privée helvétique. Le Vorort s'est quant à lui prononcé, sous certaines conditions, en faveur de la participation de la Suisse à ce 4e programme-cadre
[44].
En dépit des réticences déjà invoquées, le Conseil fédéral a adopté en mai le mandat de négociations avec l'UE dans les domaines de la recherche et de l'éducation. Parallèlement, il a proposé aux Chambres d'octroyer un crédit d'engagement de 554 millions de francs pour le financement de la participation de la Suisse aux programmes de recherche et de formation de l'Union européenne pour la période de 1996 à 2000. Sur ce montant global, 397 millions de francs sont destinés à la participation au 4e programme de recherche et développement, alors que 78,3 millions de francs sont prévus pour la participation à des programmes de formation. Quant au solde, il est principalement destiné au financement d'engagements contractés jusqu'à la fin 1996 et qui ne sont pas couverts par le crédit de 477 millions de francs accordé par le parlement en 1992. En raison de l'ampleur de la somme requise et de la situation difficile des finances fédérales, le gouvernement a décidé de compenser les dépenses investies dans la recherche européenne par des déductions faites sur les dépenses helvétiques en la matière. Afin de rassurer les milieux scientifiques et de répondre à l'appel des recteurs des universités, les autorités fédérales ont néanmoins affirmé que la recherche fondamentale et l'aide aux universités ne seront pas touchées. Les déductions envisagées à l'échelle nationale concerneront en premier lieu la recherche orientée et certains petits budgets de recherche répartis dans l'administration fédérale.
Le Conseil fédéral a rappelé que ce nouveau crédit d'engagement était indispensable à la conclusion d'un accord bilatéral sur la participation complète de la Suisse au 4e programme-cadre de recherche de l'UE. Celui-ci couvrira la période 1995 à 1998 et bénéficiera d'un
budget massivement relevé par rapport au 3e programme (12,3 milliards d'ECU contre 5,7 milliards). Quant au domaine de la formation, le crédit d'ensemble est destiné à financer la participation de la Suisse aux nouveaux programmes quinquennaux
LEONARDO (formation professionnelle et formation continue, prenant en outre la relève du programme Comett qui est arrivé à échéance à la fin 1994),
SOCRATES (enseignement scolaire et supérieur, prenant en outre la relève du programme Erasmus, arrivé lui aussi à échéance à la fin de l'année sous revue) et
Jeunesse pour l'Europe III. Pour assurer la base légale de l'accord bilatéral en matière de formation et son financement, le Conseil fédéral a rappelé, par ailleurs, qu'il était nécessaire de proroger jusqu'à la fin 2000 l'arrêté fédéral relatif à la coopération internationale en matière d'enseignement supérieur et de mobilité
[45].
Lors de la session d'automne, le
Conseil national a approuvé le montant demandé par le gouvernement, non sans avoir au préalable refusé à une confortable majorité une proposition de renvoi du député Blocher (udc, ZH) qui - soutenue par l'UDC, les démocrates suisses, la Lega et le parti de la liberté (ex-PA) - demandait au Conseil fédéral de ne pas présenter le projet au parlement avant de disposer de contre-prestations concrètes et adéquates de la part de l'UE. La Chambre basse a, par ailleurs, adopté l'arrêté fédéral concernant la coopération internationale en matière d'enseignement supérieur et de mobilité, suivie en cela par le
Conseil des Etats qui, durant la session d'hiver, a également accepté à l'unanimité l'arrêté fédéral sur le financement de la participation de la Suisse aux programmes de recherche et de formation de l'UE
[46].
Le Conseil des
ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ayant à son tour adopté un mandat de négociations en matière de recherche à la fin du mois d'octobre, celles-ci ont pu officiellement débuter en décembre. En raison du lien politique établi par l'UE entre les différents domaines à négocier, la conclusion d'un accord sur la recherche dépendra toutefois de l'évolution des négociations dans les autres secteurs
[47].
Lors de la 12e conférence ministérielle d'
EUREKA (European Research Coordination Agency) qui s'est déroulée au mois de juin à Lillehammer (Norvège), la Suisse a pris, pour un an, la présidence de ce programme européen dont l'objectif est de créer des passerelles entre la technologie appliquée et l'industrie. Durant cette année présidentielle, la Confédération entend doter l'organisation de nouvelles structures afin de maintenir sa grande souplesse. Sur le plan interne, elle cherchera également à mieux faire connaître cette forme de coopération technologique aux petites et moyennes entreprises suisses
[48].
[44]
NQ, 12.4.94; presse des 22.4 (recteurs et présidents des hautes écoles), 9.9 (FNRS) et 11.11.94 (industrie des machines);
TA, 24.5.94 et
LM, 25.5.94 (Prix Nobels);
JdG, 25.5.94 (industrie chimique);
BZ, 25.8.94;
NZZ, 21.9.94 (Vorort).44
[45]
FF, 1994, III, p. 1429 ss.; presse du 26.5.94. Etant donné qu'aucune négociation n'a encore pu être entamée avec l'UE dans le domaine de l'éducation, le programme COMETT s'est achevé pour la Suisse à la fin de l'année sous revue; aucun programme n'en prend la relève. En ce qui concerne ERASMUS, des échanges d'étudiants devraient encore se poursuivre jusqu'en 1995/96.45
[46]
BO CN, 1994, p. 1658 ss.;
BO CE, 1994, p. 1299 ss.;
FF, 1994, V, p. 1119 et
FF, 1995, I, p. 8 ss. Relevons que la proposition Nebiker (udc, BL), qui demandait que le CF ne libère les crédits que lorsque des négociations bilatérales dans les autres domaines importants pour la Suisse auront été engagées avec l'UE, a été rejetée par le CN. En revanche, cette dernière a accepté la proposition Loeb (prd, BE) requérant du gouvernement de procéder à une évaluation des programmes de recherche et de formation avant la fin de la période de contribution:
BO CN, 1994, p. 1672 ss. (Nebiker) et 1674 (Loeb).46
[47]
FF, 1995, II, p. 37 (Rapport sur la politique économique extérieure 94/1+2).47
[48] Presse du 17.6.94.48
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