Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Europe: EEE et UE
Inaugurées officiellement à la mi-décembre 1994, les négociations bilatérales entre la Suisse et l'Union européenne n'ont réellement débuté qu'à partir du mois de janvier avec l'ouverture successive des pourparlers dans les domaines de la recherche, des obstacles techniques au commerce, de la libre circulation des personnes, des produits agricoles et de l'accès aux marchés publics. Egalement partie intégrante du premier paquet de négociations défini en 1994, et conformément à ce qui avait été agendé, les secteurs relatifs aux transports routiers et aériens n'ont été empoignés qu'en mars, après que les ministres des transports des Quinze eurent approuvé le mandat de négociation élaboré par la Commission européenne. Cette approbation risqua néanmoins d'être sérieusement compromise suite au paraphe de l'accord "Open Sky" prévoyant la libéralisation du trafic aérien entre les Etats-Unis et la Suisse. Les prévisions selon lesquelles les premiers résultats concrets concernant les dossiers "techniques" (recherche, obstacles techniques au commerce et marchés publics) auraient pu être obtenus dans le courant du mois de juillet n'ont pas tardé à être démenties en raison des
blocages induits par les
divergences de vues des négociateurs suisses et européens sur le délicat sujet de la libre circulation des personnes et sur celui des transports routiers, principalement. Outre ces conflits d'intérêts relatifs au contenu même des mandats de négociation adoptés par les parties, la menace permanente d'un référendum contre toute proposition jugée trop défavorable aux intérêts helvétiques, le refus du peuple suisse d'assouplir la législation relative à l'acquisition d'immeubles par les étrangers (Lex Friedrich) ainsi que la perspective des élections fédérales d'automne n'ont également guère favorisé la progression des concessions mutuelles
[16].
Tour à tour évoquée par les autorités fédérales et la Commission européenne dans l'optique de sortir de l'impasse avant la pause estivale, la possibilité de conclure un premier
"mini-paquet"
d'accords bilatéraux relatifs aux secteurs les moins controversés ainsi que de scinder en deux le dossier de la libre-circulation des personnes ne devait finalement pas être retenue en raison de l'attachement de la majorité des Etats membres de l'UE aux principes de "
globalité et de
parallélisme approprié". Etablis dès le début des pourparlers par les Quinze, ces principes visent à garantir que les résultats obtenus au sein des sept secteurs progresseront de façon symétrique. Or, si les principaux problèmes soulevés par les dossiers relatifs à la recherche, aux obstacles techniques au commerce et aux marchés publics devaient être réglés six mois après le début des négociations, d'importantes divergences subsistaient néanmoins entre la Suisse et l'Union européenne dans les secteurs de la libre circulation des personnes et des transports terrestres et aériens, empêchant ainsi la conclusion d'un quelconque accord entre les parties. Ainsi, la proposition helvétique d'apporter des améliorations "qualitatives" (telle que la suppression du statut de saisonnier) à la situation des ressortissants de l'UE travaillant ou résidant en Suisse devait être jugée nettement insuffisante par les négociateurs européens. Bien qu'ayant proposé en juillet la conclusion d'un accord d'une durée de sept ans selon lequel la Confédération ne serait tenue d'appliquer la libre circulation des personnes qu'après une phase transitoire de trois ans, ceux-ci ont en effet exigé que la Suisse, passé ce délai, procède à la levée pure et simple de son
système de contingentement de la main-d'oeuvre étrangère. Les conflits d'intérêts rencontrés dans le domaine des transports routiers devaient, pour leur part, continuer de se focaliser sur l'éventuelle suppression de la limite des 28 tonnes circulant sur le Plateau ainsi que sur la question des taxes que la Suisse prévoit de prélever sur les poids-lourds européens
[17].
Suspendues durant l'été, les négociations bilatérales devaient reprendre dans le courant du mois de septembre, sans pour autant que les négociateurs suisses et européens parviennent à parachever l'un des sept secteurs négociés avant la fin de l'année. Hormis au sein des dossiers techniques déjà évoqués, des progrès furent également enregistrés dans les domaines de l'agriculture et, dans une moindre mesure, dans celui des transports aériens. En revanche, l'absence de convergences entre les parties sur les délicats dossiers relatifs à la libre circulation des personnes et aux transports terrestres devait se confirmer. C'est pourquoi les autorités fédérales - qui multiplièrent les contacts diplomatiques avec les instances européennes dans l'optique de sortir de l'impasse - proposèrent à nouveau que les négociations bilatérales soient conduites selon une stratégie en deux volets: le premier relatif à la conclusion, avant la fin 1995, d'un premier paquet d'accords bilatéraux ayant trait aux secteurs les plus avancés; le second visant au renvoi à une date ultérieure des pourparlers sur les points les plus controversés, en scindant le dossier des transports en deux parties, d'une part, et en assortissant celui sur la libre circulation des personnes d'une "clause évolutive", d'autre part.
Exposée dans un mémorandum sur l'état des négociations adressé fin novembre aux Quinze, cette clause évolutive aurait permis la conclusion rapide d'un premier accord basé sur les "améliorations qualitatives" proposées jusqu'alors par la Suisse, la libre circulation des personnes proprement dite étant quant à elle reportée jusqu'à la mise sur pied d'un second round de négociations consacré spécifiquement à cette question. Ne contenant aucun engagement ni calendrier précis, cette option fut cependant jugée insuffisamment contraignante par la Commission européenne qui réitéra son
exigence relative à une application entière de la libre circulation des personnes à l'issue d'une période transitoire de trois ans
[18].
Réunis à Bruxelles en fin d'année afin de faire le point sur l'avancement des pourparlers, les ministres des affaires étrangères des pays membres de l'UE devaient réaffirmer le caractère indissociable des sept secteurs négociés et rejeter dès lors la stratégie en deux volets proposée par les négociateurs helvétiques. Les Quinze ont toutefois chargé la Commission européenne de
poursuivre activement
les négociations bilatérales en cours avec la Confédération
[19].
[16] Presse des 13.1 (recherche), 17.1 (obstacles techniques), 20.1 (libre-circulation des personnes), 31.1 (produits agricoles), 8.2 (marchés publics), 15.3, 22.3 (transports routiers), 25.3 (transports aériens), 4.4 (1er bilan intermédiaire) et 26.6.95 (Lex Friedrich);
JdG, 17.2 et 10.3.95;
NQ, 14.3, 23.3 et 6.7.95;
24 Heures, 7.7.95. Voir aussi
APS 1994, p. 62 ss.16
[17] Presse des 16.5, 17.5, 8.7, 14.7 et 14.9.95. Pour les transports, cf. infra, part. I, 6b (Politique des transports).17
[18] Presse des 26.10 et 15.11.95;
NQ, 7.9, 13.11 et 28.11.95;
JdG, 1.12 et 4.12.95;
24 Heures, 8.11.95.18
[19] Presse du 5.12.95. Voir également
FF, 1996, I, p. 660 ss. (rapport sur la politique économique extérieure 95/1+2).19
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