Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
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ONU
L'année sous revue a été marquée par la commémoration du 50e anniversaire de l'ONU. En tant qu'hôte du siège européen de l'organisation, la ville de Genève a dès lors été, tout au long de l'année, le théâtre de plusieurs manifestations axées autour des droits de l'homme et de l'enfant et destinées par ailleurs à mieux faire connaître l'action de l'institution. Point culminant des festivités, la cérémonie officielle, qui a eu lieu début juillet, a été marquée par la venue à Genève de nombreuses personnalités telles que le secrétaire général de l'organisation, Boutros Boutros-Ghali, le président français Jacques Chirac, le chef de l'OLP Yasser Arafat et le président de la Confédération Kaspar Villiger. Placée sous la direction de l'ex-conseiller d'Etat genevois Dominique Föllmi, la célébration de l'ONU a coûté 6,5 millions de francs, dont 3 millions ont été assumés par les collectivités publiques (Confédération, canton, communes et ville de Genève) ainsi que la France, le reste provenant du secteur privé. Bien que les autorités fédérales aient clairement stipulé que la question de l'adhésion de la Suisse à l'ONU ne devait pas être abordée à l'occasion de ce cinquantenaire, le secrétaire d'Etat Jakob Kellenberger - chargé de représenter la Confédération lors de la commémoration de l'organisation qui s'est tenue fin octobre à New-York - a rappelé la volonté du Conseil fédéral de faire de l'adhésion aux Nations Unies un objectif de sa politique extérieure [33].
Conformément à la volonté de son auteur, la motion Rhinow (prd, BL) - déposée en septembre 1993 et qui charge le gouvernement de présenter aux Chambres un projet d'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies - a été transmise comme postulat par le Conseil des Etats. Lors du court débat relatif à cet objet, Flavio Cotti a estimé qu'il était irréaliste de soumettre rapidement au peuple et aux cantons l'adhésion de la Confédération à l'ONU.
Après avoir décidé, en 1994, d'appliquer à titre autonome la Résolution 827 du Conseil de sécurité de l'ONU créant un tribunal international ad hoc afin de juger les violations graves du droit humanitaire commises en ex-Yougoslavie, le Conseil fédéral a choisi, en mars, de faire de même avec la Résolution 955 instituant une autorité judiciaire similaire pour les crimes commis au Rwanda. C'est dans l'optique de permettre à la Suisse de collaborer pleinement avec ces deux tribunaux que le gouvernement a soumis à l'approbation des Chambres un projet d'arrêté fédéral urgent destiné à mettre en oeuvre les deux résolutions onusiennes. Elaboré en référence à la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP), le projet du gouvernement répond aux problèmes spécifiques posés par une telle coopération et simplifie les procédures prévues dans l'EIMP. Sa durée de validité a été fixée à huit ans. Après l'accord quasi-unanime donné en décembre par le Conseil des Etats à l'essentiel des dispositions proposées par le gouvernement, la Chambre du peuple a, à son tour, accepté l'arrêté fédéral urgent qui lui était soumis [35].
Accusés d'entrée illégale en territoire étranger et de propagande antiserbe, les ressortissants helvétiques Maria Wernle-Matic et Simon Gerber - qui travaillaient pour le compte de l'Association Pont culturel Suisse-Sarajevo - ont été capturés par les Serbes de Bosnie lors d'un de leurs déplacements à bord d'un mini-bus de la FORPRONU. Jugés pour espionnage et retenus prisonniers pendant un mois dans la capitale bosniaque, ils n'ont été libérés qu'après d'intenses tractations diplomatiques et le versement d'une caution. De retour en Suisse, les ex-détenus ont laissé entendre que leur arrestation aurait été rendue possible grâce à la complicité d'un membre de la FORPRONU. Au vu de ces accusations que l'ONU n'a pas manqué de réfuter, le DFAE a requis des deux ressortissants helvétiques l'établissement d'un rapport avant de prendre position sur cette affaire [36].
En raison de l'accession de la Suisse à la présidence de l'OSCE en 1996, l'Assemblée générale de l'ONU a décidé d'octroyer à la Confédération le droit d'y prendre la parole et d'y faire circuler des documents, deux prérogatives réservées généralement aux seuls membres des Nations Unies. C'est au terme de négociations engagées dès le printemps que les autorités fédérales sont parvenues à obtenir cette dérogation d'une durée d'une année [37].
La fabrication et l'utilisation des mines terrestres antipersonnel ont été débattues à l'occasion de deux conférences internationales organisées sous les auspices des Nations Unies. Après celle sur le déminage - qui s'est tenue à Genève et au terme de laquelle la Suisse devait offrir un million de francs au Fonds de l'ONU pour l'assistance au déminage - eut lieu celle de Vienne sur les armes conventionnelles. A cette occasion, la Confédération a décidé de ne pas soutenir l'initiative du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) requérant l'interdiction totale de la production, de la commercialisation et de l'emploi des mines antipersonnel. Jugeant illusoire la requête du CICR, les autorités fédérales estimaient alors qu'il était plus réaliste de se limiter à en réglementer l'usage. Cependant, suite à la pression importante du CICR et à une pétition de la "Campagne suisse contre les mines antipersonnel" munie de 147 806 signatures, le DMF a annoncé en fin d'année qu'il renoncerait à l'avenir à l'utilisation de ce type d'armement [38].
Mandaté en 1994 par la Commission des droits de l'homme de l'ONU en tant que rapporteur spécial dans les territoires occupés par Israël, René Felber a transmis aux Nations Unies un rapport dénonçant avec une extrême fermeté les violations commises par l'Etat hébreu avant de préconiser la suppression de son poste. Soutenant qu'il convenait davantage d'appuyer le processus de paix au Proche-Orient plutôt que de dénoncer les violations des droits de l'homme sur le plan juridique, l'ancien chef du DFAE a décidé de démissionner de cette fonction. L'attitude de l'ex-conseiller fédéral a été l'objet de vives critiques [39].
Suite à la signature de l'Accord de Dayton sur l'ex-Yougoslavie, l'ONU a décidé de suspendre les sanctions économiques contre la République fédérale de Yougoslavie (RFY-Serbie et Monténégro) en vigueur depuis 1992. La levée de l'embargo à l'encontre des régions bosniaques encore contrôlées par les Serbes a quant à elle été subordonnée au retrait des troupes de l'armée bosno-serbe par-delà les frontières définies par l'accord de paix. S'étant associées aux sanctions décrétées par les Nations Unies dès le début du conflit, les autorités fédérales ont adopté une disposition similaire. En outre, le gouvernement fédéral a décidé de permettre le transit sur le territoire suisse de troupes et de matériel de guerre destinés aux forces de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine, conformément à une requête de l'OTAN. Le chef de la diplomatie helvétique a tenu à souligner que cette autorisation sans précédent ne remettait nullement en cause la neutralité du pays, puisque le conflit yougoslave était terminé [40].
 
[33] Presse des 15.2, 21.6, 6.7, 16.10 et 23.10.95; JdG, 26.5.95; 24 Heures, 22.6.95. Cf. également APS 1994, p. 66.33
[35] FF, 1995, IV, p. 1065 ss.; BO CE, 1995, p. 1181 ss.; BO CN, 1995, p. 2559 ss.; FF, 1996, I, p. 236; NQ, 22.12.95. Cf. aussi APS 1993, p. 68 et 1994, p. 66 et 74.35
[36] Presse des 4.4, 6.4, 21.4, 8.5 et 11.5.95; NZZ, 17.5 et 2.10.95.36
[37] NQ, 12.10.95; NZZ, 20.12.95.37
[38] Presse des 7.7, 8.7, 26.9 et 25.11.95; NQ, 29.9.95.38
[39] NQ, 1.2 et 2.2.95; presse du 4.2.95. Cf. aussi APS 1994, p. 67.39
[40] Presse des 25.11 et 5.12.95. Voir également APS 1993, p. 68 et 1994, p. 66.40