Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Défense nationale / Organisation militaire
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Réforme du DMF
Le Conseil fédéral a présenté son message concernant la réforme du DMF. Le projet gouvernemental prévoit principalement une réduction d'effectifs dans l'administration militaire ainsi qu'une restructuration de l'organigramme du DMF. En ce qui concerne la diminution des effectifs, le but poursuivi est celui d'augmenter l'efficacité de l'administration militaire, notamment en concentrant en des lieux uniques certains domaines, qui, du fait de leur dispersion actuelle, sont à l'origine de multiples redondances au sein du département. Les suppressions de postes seront particulièrement importantes et à la mesure de la réduction d'un tiers des effectifs d'Armée 95. Les secteurs industriel et de l'entretien seront les premiers touchés puisque ce n'est pas moins de 3300 emplois - soit une baisse de 23% - qui devront être supprimés d'ici à l'an 2000. Cette cure d'amaigrissement signifiera également la fermeture de 35 des 95 entreprises industrielles et autres ateliers, ainsi que la réduction du nombre de sites d'exploitation de 177 à 148. Le canton de Berne (1400 emplois supprimés) et la Suisse orientale seront plus particulièrement affectés par ces mesures, le Conseil fédéral ayant eu comme souci d'épargner prioritairement les régions déjà gravement touchées par la crise, à savoir la Suisse romande et le Tessin.
Au sujet du nouvel organigramme du DMF, le gouvernement a finalement opté pour une articulation composée de quatre grands pôles: l'Etat-major général (ex-Groupement de l'état-major général), les Forces terrestres (ex-Groupement de l'instruction), les Forces aériennes (ex-Commandement des troupes d'aviation et de défense contre avions) et le Groupement de l'armement. En effet, conformément à la tradition militaire helvétique réfractaire à une concentration monocratique du pouvoir, le Conseil fédéral a renoncé à regrouper l'instruction et l'engagement sous l'autorité du seul chef de l'Etat-major, préférant une variante distribuant plus également le pouvoir et, de ce fait, plus à même de garantir un contrôle politique du DMF. Le gouvernement a par ailleurs cherché à pallier à certains défauts inhérents à la structure de commandement et à la répartition des compétences actuelle. Ainsi, pour permettre au chef de l'Etat-major d'assurer sa fonction de direction de manière plus efficace, le gouvernement a tenu à simplifier la structure de son groupement, en diminuant le nombre d'échelons hiérarchiques. De plus, le chef de l'Etat-major verra ses compétences réduites et sera chargé avant tout de définir la doctrine générale de l'armée ainsi que de traduire les directives politiques du gouvernement en directives militaires. En outre, pour remédier à l'absence de continuité du régime actuel entre les situations ordinaire et extraordinaire, il commandera l'armée dans les premiers temps de l'engagement jusqu'à l'élection d'un général. Le chef des Forces terrestres sera, pour sa part, responsable de l'instruction non seulement dans les écoles de recrue, mais également dans les cours de répétition (à l'exception de l'instruction des Forces aériennes), et ce afin d'améliorer l'unité de doctrine et la coordination dans le domaine de l'instruction entre les écoles et les corps d'armée. Le chef des Forces terrestres (ainsi que celui des Forces aériennes) disposera par ailleurs désormais de ses propres moyens logistiques et de sa propre infrastructure afin de garantir une instruction adéquate. Au sujet des Forces aériennes, le projet du gouvernement prévoit que celles-ci jouissent également de compétences non seulement dans le domaine de l'instruction mais également dans celui de l'engagement, ce qui accroîtra l'autonomie indispensable à cette arme. Enfin, le Groupement de l'armement sera chargé de la recherche, du développement et de l'acquisition du matériel sur la base des données du chef de l'Etat-major [10].
Le parlement a adopté facilement cette réforme. La seule récrimination a concerné les 30 millions d'honoraires versés à une firme allemande pour les conseils prodigués. Le chef du DMF a répondu que cette somme devait être comparée aux 300 à 400 millions de francs d'économies annuelles que le DMF pourra faire dès l'an 2000, entre autres grâce aux recommandations formulées par cette société [11].
Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Haering Binder (ps, ZH) demandant au gouvernement de procéder aux modifications législatives nécessaires pour que les entreprises d'armement et d'entretien puissent dégager un bénéfice d'exploitation et constituer un capital-risque, ce afin d'accroître l'autonomie indispensable à leur reconversion civile [12].
 
[10] FF, 1995, III, 721 ss.; presse du 7.4.95. Voir également APS 1994, p. 87 s. Au sujet des suppressions d'emplois, il est à relever également que le gouvernement a prévu un plan social devant permettre, grâce à des départs en retraite anticipée et une reconversion civile de certains fonctionnaires, à cette réduction d'effectifs de se faire sans licenciements. Le CF a en outre examiné la possibilité de reconvertir l'industrie militaire à des fins civiles, mais a considéré cette solution illusoire.10
[11] BO CE, 1995, p. 892 ss. et 1064; BO CN, 1995, p. 1914 ss. et 2295; presse des 26.9 et 27.9.95; NQ, 4.10.95.11
[12] BO CN, 1995, p. 2186 s.12