Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Le Conseil fédéral a présenté un
programme d'armement 1995 d'un montant total de 1,342 milliard de francs. Le poste principal de ce programme est occupé par l'acquisition de différents systèmes de transmissions, d'exploration et de guerre électronique (dont notamment 28 drones d'exploration 95) pour la somme de 608,5 millions de francs. Le second poste (434 millions) concerne le combat par le feu, au sujet duquel il est prévu d'améliorer l'efficacité de 165 obusiers blindés M-109 et d'acheter des cartouches à charge creuse 95 pour le lance-roquettes. Dans le domaine de la mobilité, le gouvernement envisage encore de doter l'armée de ponts flottants (211 millions de francs). Pour ce qui est de l'instruction, 61,5 millions de francs devraient être consacrés à l'acquisition de 750 simulateurs de tir pour le lance-roquettes. Enfin, dans le cadre de l'équipement général, 27 millions de francs devraient être affectés à l'achat de matériel pour le régiment d'aide en cas de catastrophe
[19].
De ce programme d'armement, seul le poste concernant l'achat de
drones d'exploration a suscité des discussions au sein des deux chambres, la presse ayant révélé que l'entreprise suisse Oerlikon-Contraves - auprès de laquelle il était prévu de passer cette commande - avait fait une offre d'un montant nettement inférieur (de 100 à 150 millions de francs selon les différentes estimations) à l'armée hollandaise pour des drones similaires. Le chef du DMF a expliqué que cette différence de prix se justifiait en grande partie par des différences dans le matériel commandé ainsi que par la prise en compte, dans l'offre faite à la Suisse, du renchérissement et de la TVA. Reconnaissant qu'une petite différence subsistait encore malgré la prise en compte de ces éléments, K. Villiger a ajouté que la défense de l'industrie militaire suisse valait bien un effort financier.
Le Conseil des Etats, satisfait de ces explications,
a voté à l'unanimité le programme proposé. Au Conseil national, les arguments du gouvernement n'ont en revanche pas convaincu dans la même mesure. Estimant que la différence de prix était supérieure à celle avancée par l'exécutif et doutant en outre de l'utilité de cet achat, les socialistes, de concert avec la Lega, ont proposé de voter le programme d'armement, suppression faite du poste concerné. Le conseiller national Epiney (pdc, VS) suggéra, quant à lui, de voter le programme d'armement, déduction faite de la différence de prix entre les deux offres, ainsi que d'instituer une commission neutre d'experts chargée d'évaluer la justesse du prix proposé. Ces propositions ont été largement rejetées, la proposition Epiney recueillant néanmoins le plus de voix. Une troisième proposition, émanant des écologistes, de ne voter que les 27 millions prévus pour l'aide en cas de catastrophe fut encore plus largement balayée. Aussi, finalement,
c'est à une large majorité que l'ensemble du programme a été à son tour adopté par la Chambre du peuple
[20].
Le Conseil national a par ailleurs transmis un postulat Pini (prd, TI) demandant au gouvernement de distribuer les
commandes en matière d'armement de manière à en faire bénéficier prioritairement les régions les plus défavorisées économiquement
[21].
Au milieu de l'année 1995,
les commandes compensatoires américaines, promises lors de l'achat par la Confédération des F/A 18, avaient concerné 260 entreprises helvétiques et s'élevaient à 1,08 milliard de francs (sur les 2,2 milliards convenus). 81% de ces commandes avaient été passés auprès d'entreprises alémaniques, 16% et 1% auprès d'entreprises respectivement romandes et tessinoises. Par ailleurs, le montage final des avions de combat a commencé à la fabrique fédérale d'avions d'Emmen (LU), ce qui permettra d'assurer 50 emplois jusqu'en 1999
[22].
Deux nouvelles polémiques ont par ailleurs eu lieu au sujet des F/A 18. La première a été lancée par le conseiller national socialiste Hubacher (BS), lequel a accusé le DMF de gaspiller les deniers publics. Selon l'ancien président du PS, si le DMF avait échelonné dans le temps l'achat des dollars nécessaires à l'acquisition des avions de combat et non pas, comme ce fut le cas, acheté d'une seule traite l'ensemble des billets verts en 1993, il aurait pu épargner quelque 728 millions de francs, étant donné la chute du cours du dollars advenue entre-temps (de 1,46 à 1,15 franc). Suite à une question du conseiller national Vetterli (udc, ZH), le Conseil fédéral a répondu qu'il était erroné d'accuser le DMF puisque c'était le DFF, seul compétent en la matière, qui avait pris cette décision. De plus et surtout, cette dernière se justifiait pleinement dans la mesure où la chute du dollars n'était pas prévisible à l'époque et qu'il s'agissait de se prémunir, dans l'hypothèse d'une hausse de la monnaie américaine, contre tout dépassement du budget de 3,5 milliards de francs. La seconde polémique, lancée par le quotidien zurichois Tages Anzeiger, a concerné également le coût du F/A 18. Selon le journal zurichois, étant donné la baisse spectaculaire des prix du marché de l'aviation résultant de la concurrence acharnée entre les constructeurs américains, la Confédération aurait pu épargner au total 1,5 milliard de francs (taux de change 1993) si le Conseil fédéral avait signé le contrat d'achat des F/A 18 en 1995 et non, comme ce fut le cas, en 1993. Le gouvernement aurait donc commis l'erreur d'avoir précipité l'achat de ces appareils alors qu'il n'y avait aucune urgence et qu'il était prévisible que le marché de l'aviation était sur le point de connaître une baisse massive des prix. Le DMF a répondu que le prix mentionné par le quotidien zurichois était une offre de relations publiques qui ne correspondait pas au véritable prix
[23].
Dans le cadre des mesures d'assainissement des finances fédérales 1994,
le parlement, sur proposition du gouvernement,
a décidé de supprimer la compétence cantonale en matière d'acquisition et d'entretien de l'équipement personnel des militaires. Cette réforme exigeant une modification constitutionnelle, elle devra être soumise au vote du peuple et des cantons
[24].
Le Conseil national a transmis un postulat Seiler (udc, BE) chargeant le Conseil fédéral d'examiner les possibilités de remplacer la
poudre de la cartouche du fusil d'assaut 90, provenant actuellement de l'étranger, par une poudre qui serait fabriquée par la fabrique suisse de munitions
[25].
Une initiative populaire a été lancée en faveur du maintien de l'utilisation d'animaux (et notamment de pigeons voyageurs) au sein de l'armée.
Le Conseil national a adopté un postulat Wick (pdc, BS) demandant au gouvernement de faire tout son possible pour que les
armes laser, qui visent à rendre aveugle l'adversaire en détruisant sa rétine, soient bannies au niveau international
[27].
Sur pression du CICR ainsi que d'une pétition forte de 147 806 signatures demandant l'interdiction des
mines antipersonnel, le DMF a annoncé en fin d'année qu'il renoncerait à l'avenir à l'utilisation de telles armes. Ce faisant, il a changé son opinion puisque jusqu'alors - et dernièrement à la conférence internationale organisée à ce sujet à Vienne - il n'avait jamais prôné l'interdiction des mines antipersonnel. De l'avis des observateurs, cette décision permettra à la Suisse d'affirmer sa position et contribuera à une interdiction généralisée de cette arme au niveau mondial lors des conférences agendées pour 1996 à Genève
[28].
[19]
FF, 1995, II, p. 1066 ss.19
[20]
BO CE, 1995, p. 528 ss.;
BO CN, 1995, p. 1901 ss.;
FF, 1995, IV, p. 574;
JdG, 8.6.95; presse des 10.6 et 27.9.95.20
[21]
BO CN, 1995, p. 1607.21
[22]
LNN et
24 Heures, 28.8.95.22
[23]
NZZ, 9.3 et 22.3.95;
NQ, 21.3.95;
BO CN, 1995, p. 729 (Hubacher et Vetterli);
TA, 4.5.95;
24 Heures, 5.5.95;
NZZ, 5.5.95 (critique
TA).23
[24]
FF, 1995, I, p. 85 ss.;
BO CN, 1995, p. 1 ss. et 1011;
BO CE, 1995, p. 159 ss. et 440;
FF, 1995, II, p. 349. Voir aussi
APS 1994, p. 133.24
[25]
BO CN, 1995, p. 2704.25
[27]
BO CN, 1995, p. 2198 s.27
[28]
TA, 21.1.95; presse du 25.11.95. Cf. également supra, part. I, 2 (Organisations internationales).28
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