Année politique Suisse 1995 : Economie / Agriculture / Production végétale
Au printemps, répondant aux requêtes des importateurs, à celles du comité référendaire ayant attaqué victorieusement l'arrêté viticole en 1990 ainsi qu'aux exigences du GATT, toutes trois prônant une libéralisation des importations de vins blancs étrangers, le Conseil fédéral a révisé l'
ordonnance sur le statut du vin. Cette dernière supprimait le système des contingents individuels, lequel avait permis à certains "importateurs de salon" de vivre de rentes de situation en louant les contingents leur appartenant. En remplacement, l'ordonnance prévoyait un contingent tarifaire global de 75 600 hectolitres de vin blanc réparti selon les quantités demandées par chaque importateur. D'après le gouvernement, cette nouvelle réglementation devait permettre de protéger la production viticole helvétique tout en réalisant la nécessaire libéralisation du marché viticole
[46].
Loin de répondre aux espérances du gouvernement, mais conformément aux prévisions des importateurs et des organisations de consommateurs, le nouveau système, entré en vigueur au mois de juillet, n'a pas tardé à produire des effets pervers. En effet, la disparition des contingents individuels ayant attiré un nombre beaucoup plus grand d'importateurs, les quantités demandées ont été de loin excédentaires par rapport à ce qui était offert par le contingent tarifaire, de sorte que le gouvernement n'a pu accorder à chaque importateur qu'une part égale et minime (1,87% de la moitié des 75 600 hectolitres). Ceux qui ont le plus pâti de la situation ont été les gros importateurs, qui ont vu leur part du contingent baisser énormément par rapport à l'année précédente et qui n'ont pu, de ce fait, honorer de nombreux engagements contractés auprès de leur clientèle.
Face aux vives critiques des importateurs - qui ont souligné que les effets pervers du nouveau système auraient pu être évités si le contingentement n'avait pas été aussi bas - le
Conseil fédéral a décidé, après concertation avec les importateurs et les producteurs,
d'augmenter le contingent tarifaire de 75 600 à 150 000 hectolitres pour l'année 1996. La nouvelle ordonnance prévoit en outre qu'entre 1997 et 2000, le contingent augmentera de 10 000 hectolitres par année jusqu'à un plafond de 190 000 hectolitres, cette hausse pouvant être retardée au maximum à trois reprises si les vins helvétiques venaient à trop souffrir de la concurrence étrangère. Enfin et surtout, la libéralisation des importations de vins blancs atteindra un stade supérieur en 2001 puisque le contingent de vins rouges et celui de vins blancs seront réunis en un
contingent global unique. Les importateurs pourront dès lors choisir librement quelle quantité de chaque sorte ils désirent importer dans le cadre d'un contingent de 1,7 million d'hectolitres. La nouvelle ordonnance prévoit également que la répartition se fasse, au moment de l'importation effective, selon le principe du lévrier. Autrement dit, ce seront les importateurs qui se présenteront les premiers aux frontières pour faire leur offre qui seront les premiers servis. Réagissant au système adopté par le gouvernement, les importateurs ainsi que le comité référendaire contre l'arrêté viticole de 1990 ont vivement dénoncé ce qu'ils considéraient comme une demi-mesure: ils ont regretté notamment que le Conseil fédéral n'ait pas osé passer immédiatement au regroupement des contingents de vins blanc et rouge, cédant aux pressions du lobby des producteurs. L'USP ainsi que l'Union des importateurs suisses de vin en gros se sont en revanche déclarées satisfaites par le nouveau système
[48].
Le Conseil des Etats a transmis comme postulat une motion Delalay (pdc, VS) demandant au gouvernement de présenter au parlement des propositions de
modification de l'arrêté viticole. Ces dernières devraient permettre de promouvoir la qualité des vins et de rapprocher encore plus la viticulture du marché. Le motionnaire demande notamment que les limitations de la production soient plus souples et puissent être à l'avenir modifiables d'année en année par le gouvernement en fonction de l'état des stocks, des prix, de l'ouverture des marchés et des conditions météorologiques. Les sénateurs ont été convaincus par les arguments du gouvernement selon lesquels la motion ne pouvait être transmise qu'en tant que postulat dans la mesure où les exigences qu'elle comprenait seraient en grande parte exaucées par la réforme "Politique agricole 2002"
[49].
[46]
Express, 1.4.95;
24 Heures, 4.5.95; presse du 18.5.95. Voir également
APS
1994, p. 117. Il est à relever en outre que cette nouvelle ordonnance n'avait pas fait disparaître pour autant les rentes de situation, certains importateurs revendant au prix cher leur part du contingent global.46
[48] Presse des 12.9 et 5.12.95;
TA, 14.10.95;
NQ, 6.12.95. Il est à noter que la nouvelle ordonnance du gouvernement a fait l'objet d'une interpellation du sénateur Delalay (pdc, VS), qui s'inquiétait de ses conséquences pour les producteurs:
BO CE, 1995, p. 1234 ss.48
[49]
BO CE, 1995, p. 793 ss.49
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