Année politique Suisse 1995 : Economie / Agriculture
 
Produits alimentaires
Devant les nombreuses critiques émises tant par les partis gouvernementaux (à l'exception du PRD) que par les organisations de défense du consommateur et de protection de la nature, le Conseil fédéral a décidé d'inscrire dans la législation d'application de la loi sur les denrées alimentaires l'obligation de déclarer les produits modifiés génétiquement. Le gouvernement, qui avait estimé dans un premier temps suffisant de soumettre ces produits uniquement à une procédure d'autorisation, a été convaincu par les arguments des partisans de l'obligation de déclarer qui ont fait valoir que les consommateurs devaient avoir la possibilité de choisir en connaissance de cause. Le gouvernement a également prévu une obligation générale de dater les produits alimentaires et d'indiquer notamment la composition, le pays d'origine et le nom du fabricant du produit.
Dans le Paquet agricole 95 figurait également un complément à la loi sur l'agriculture devant permettre d'édicter des prescriptions sur la dénomination des produits agricoles. Complétant les aspects que ne couvrent ni la législation sur les denrées alimentaires ni la loi sur l'information du consommateur, cette nouvelle réglementation, réclamée depuis plusieurs années par les milieux de la production et inspirée de celle de l'UE, prévoit que les procédés de fabrication spéciaux, tels que la culture biologique et la production intégrée, pourront faire l'objet d'une déclaration. Il en ira de même pour les propriétés particulières des produits (label de qualité) et les indications sur la provenance (appellation d'origine contrôlée, indication géographique protégée). Les dénominations en ces domaines doivent donner, selon le gouvernement, un profil clair aux produits agricoles helvétiques afin de leur permettre de faire face à toute concurrence déloyale sur le marché ainsi que de répondre aux préoccupations des consommateurs. Par exemple, les dénominations sur les méthodes de production devraient valoriser la production suisse qui est soumise, en matière de protection de l'environnement, à des exigences plus importantes que celles en vigueur à l'étranger. Les indications sur la provenance devraient permettre, pour leur part, de défendre les produits spécifiquement helvétiques (tels que le gruyère) contre la production étrangère en portant à la connaissance du consommateur qu'ils ont été produits dans leur terroir d'origine. Ces dénominations ne seront pas obligatoires, à la différence de celles prévues par la loi sur les denrées alimentaires: tout le processus reposera sur une démarche volontaire des producteurs et des transformateurs qui devront se regrouper en organisations professionnelles ad hoc pour définir le cahier des charges et faire ensuite respecter ce dernier. L'Etat se contentera de reconnaître l'appellation tout en vérifiant qu'elle respecte des conditions minimales qu'il aura édictées auparavant. Au sujet de celles-ci, le Conseil fédéral a par ailleurs précisé qu'elles devraient correspondre aux exigences européennes afin de ne pas compromettre la perspective d'un accord sur les produits alimentaires avec Bruxelles. Cette déclaration du gouvernement n'a pas manqué de susciter le mécontentement des agriculteurs biologiques et des associations de consommateurs et de protection de la nature. Selon ces groupements, il fallait placer les exigences au niveau de celles qui avaient prévalu jusqu'alors officieusement, et non les abaisser à la hauteur des normes européennes, les producteurs "bio" indigènes ne pouvant alors plus justifier leurs prix plus élevés face à la concurrence européenne [56].
Le Conseil des Etats a adopté à l'unanimité le projet du gouvernement. Seules quelques corrections de détail ont été apportées par la Chambre haute.
Il est à relever par ailleurs que le Conseil national a adopté une motion Epiney (pdc, VS) et transmis comme postulat une motion Vollmer (ps, BE) allant toutes deux dans le sens du complément à la loi sur l'agriculture proposé par le gouvernement. La première motion demande en effet au Conseil fédéral d'inscrire dans la loi sur l'agriculture une disposition permettant de créer un label "montagne" pour les produits issus de régions montagneuses. Quant à la seconde, elle enjoint le gouvernement de procéder à l'adaptation de la loi sur les denrées alimentaires en vue de l'instauration d'une déclaration détaillée sur les méthodes de production et de traitement des produits agricoles [58].
La Chambre du peuple a également transmis une motion Weyeneth (udc, BE) qui charge le Conseil fédéral d'introduire une déclaration obligatoire s'appliquant aussi bien aux produits indigènes qu'à ceux importés et indiquant l'origine, les méthodes de production et de conservation, le mode de transport et la mention du producteur, ce afin d'améliorer la transparence du marché et l'information du consommateur. La majorité des députés n'a pas suivi la volonté du gouvernement qui, tout en affirmant qu'il partageait les préoccupations du motionnaire, désirait cependant voir transformer la motion en postulat en raison de la non-conformité de son contenu aux accords du GATT [59].
Les organisations de consommateurs et de producteurs de fruits et légumes n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un règlement obligeant les producteurs à déclarer le mode de production utilisé (en terre, sous serre, hors sol). En effet, si les producteurs ont accepté de déclarer la production hors sol, ils ont en revanche refusé de satisfaire les revendications des défenseurs des consommateurs qui auraient souhaité qu'il en aille de même pour la production sous serre. Pour remédier à cette impasse, des propositions de l'Office fédéral de l'agriculture sont attendues, dans la mesure où la loi sur l'information des consommateurs prévoit l'intervention de la Confédération par voie d'ordonnance au cas où les milieux intéressés sont incapables d'aboutir à un accord [60].
La Protection suisse des animaux ainsi que des associations alémaniques de défense des consommateurs ont organisé une journée de boycott de la viande. Cette action visait à inciter les producteurs et les distributeurs à introduire une déclaration d'origine sur les produits carnés ainsi qu'à indiquer les méthodes de production et le mode de détention des animaux sur leurs produits. La Fédération romande des consommatrices a pour sa part préféré se tenir à l'écart de ce boycott, estimant tant la démarche que les revendications extrémistes. Les milieux professionnels ont critiqué cette action en faisant valoir que de telles dénominations étaient prévues par le complément à la loi sur l'agriculture en voie d'adoption [61].
 
[56] FF, 1995, IV, p. 621 ss.; presse des 28.6 et 14.7.95; 24 Heures, 11.12.95. Voir aussi APS 1994, p. 113.56
[58] BO CN , 1995, p. 2108 s. (Epiney) et p. 1598 s. (Vollmer).58
[59] BO CN, 1995, p. 2399 s.59
[60] 24 Heures et TA, 24.7.95; 24 Heures, 30.11.95.60
[61] Presse du 22.6.95.61