Année politique Suisse 1995 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
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Centrales nucléaires
Remis en fonction dans le courant de l'année 1994 et arrêté depuis lors à plusieurs reprises en raison de pannes d'importance mineure, le réacteur Superphénix de la centrale nucléaire de Creys-Malville (France) a été à l'origine d'une vive controverse entre opposants à l'exploitation du surgénérateur français et l'Office fédéral de l'énergie (OFEN). Chargé d'organiser une conférence contradictoire sur Superphénix - conformément à un postulat de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie transmis en mars par le Conseil national - l'OFEN s'est en effet vu reprocher de favoriser les partisans de la centrale, tant dans le choix des thèmes abordés que dans celui des participants à la rencontre. Regroupés au sein du "Collectif pour l'arrêt de Superphénix", les opposants au surgénérateur ont particulièrement déploré que les communes impliquées dans les procédures judiciaires contre le redémarrage du réacteur aient été écartées des débats. Malgré ces nombreuses critiques que l'OFEN n'a pas manqué de rejeter énergiquement, la conférence s'est tenue, comme prévu, à Zurich à la fin du mois de mai. Elle s'est achevée sans pour autant que les partisans et les détracteurs de Superphénix ne parviennent à s'entendre, à l'image des positions contradictoires tenues, d'une part, par les autorités fédérales - favorables au redémarrage du surgénérateur - et, d'autre part, par le conseiller d'Etat genevois Claude Haegi (pl), pour qui l'attitude du Conseil fédéral sur cette question est davantage motivée par des considérations politiques que scientifiques. Estimant que l'OFEN s'était comporté comme le simple porte-parole des autorités françaises, le Collectif pour l'arrêt de Superphénix a souhaité que le fonctionnement de cet office soit soumis à la Commission de gestion du Conseil national.
Poursuivant leur évaluation des sources d'approvisionnement envisageables pour le siècle prochain - comme l'avait requis le Conseil fédéral en 1992 - les Forces motrices bernoises (FMB) ont publié 4 rapports partiels traitant des alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie nucléaire sur le site de Mühleberg (BE). Après une étude sur le recours éventuel à des installations de couplage chaleur-force, les FMB ont analysé dans quelle mesure les importations d'électricité permettraient de combler le manque d'énergie qui résultera du démantèlement de la centrale bernoise prévu en 2012. Si celles-ci ont été jugées aptes à pallier ce déficit de courant, les FMB ont néanmoins estimé que cette option aggraverait la dépendance énergétique du pays par rapport à l'étranger et conduirait de surcroît à exporter les diverses sources de pollution liées à la production de courant électrique. Dans leurs deux derniers rapports partiels, les Forces motrices bernoises sont arrivées à la conclusion que, d'une part, les économies d'énergie ne rendront pas superflu le remplacement de la centrale nucléaire de Mühleberg et que, d'autre part, l'exploitation de cette dernière pourrait se poursuivre bien au-delà de sa durée de vie de 40 ans initialement prévue dans des conditions fiables et sûres. Ce dernier rapport n'a pas manqué de susciter l'ire des milieux écologistes et du parti socialiste bernois qui a requis l'établissement d'une contre-expertise par une instance indépendante [16].
La Commission européenne des droits de l'homme a jugé recevable le recours déposé en 1993 par une dizaine de particuliers contre l'autorisation d'exploitation de la centrale de Mühleberg qui fut prolongée en 1992 par le Conseil fédéral. Les recourants avaient motivé leur action en invoquant le fait que - contrairement à la réglementation de la CEDH sur les décisions concernant la protection de l'existence ou de la santé humaine - la législation nucléaire suisse ne prévoit aucune possibilité de s'opposer aux autorisations d'exploitation délivrées par le gouvernement devant un tribunal indépendant [17].
Reprenant la même argumentation, plusieurs organisations antinucléaires et de protection de l'environnement - dont Greenpeace - ont décidé d'introduire un recours semblable contre l'autorisation d'exploitation de 10 ans accordée en 1994 par le Conseil fédéral à la centrale de Beznau II à Würenlingen (AG). Dix associations de défense de l'environnement ont par ailleurs demandé au Conseil fédéral qu'un recours de droit administratif contre l'autorisation d'exploitation des centrales nucléaires soit introduit dans le cadre de la révision de la loi sur l'énergie atomique. Elles ont parallèlement requis la révocation des concessions accordées aux centrales de Mühleberg et Beznau II pour fin 1995, requête sur laquelle le Conseil fédéral s'est toutefois refusé d'entrer en matière [18].
Le Tribunal fédéral ayant reconnu en 1994 que la Confédération se devait d'accorder un dédommagement équitable aux promoteurs de la centrale de Graben (BE), les parties ont entamé dès le début de l'année des négociations afin de fixer le montant de l'indemnité. Au vu de ces faits, les Chambres fédérales ont dès lors décidé de ne pas donner suite à l'initiative du canton de Soleure qui invitait les autorités fédérales à entrer en tractations avec la société Graben SA en vue de l'abandon du projet. Après qu'un accord portant sur une indemnisation de 225 millions de francs eut échoué au mois de juillet en raison du refus de la délégation parlementaire des finances d'autoriser de son propre chef le versement de cette somme en procédure d'urgence, la Confédération et les promoteurs de la centrale non construite se sont entendus, début 1996, sur un dédommagement d'un montant de 227 millions de francs [19].
Vingt-six ans après l'accident qui provoquait l'arrêt définitif de la centrale nucléaire expérimentale de Lucens (VD), le chantier destiné à reconvertir ce site en dépôt et abri de biens culturels a été officiellement ouvert au mois de novembre. Les travaux devraient se poursuivre jusqu'en 1997 [20].
La Chambre du peuple a transmis un postulat de sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie invitant le Conseil fédéral à accorder à la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN) les dix postes de travail jugés nécessaires à l'accomplissement efficient de son activité de contrôle. Il est stipulé que les dépenses afférentes seront imputées aux exploitants des installations concernées [21].
 
[16] Bund, 21.1 et 10.8.95; presse des 16.6, 13.7 et 9.8.95. Cf. également APS 1994, p. 140 s.16
[17] Presse du 23.11.95. Voir également APS 1994, p. 141.17
[18] Presse des 10.6, 4.8, 23.11 et 19.12.95. Cf. aussi APS 1994, p. 141.18
[19] BO CN, 1995, p. 1825; BO CE, 1995, p. 1209 s.; presse des 26.6, 21.9 et 14.12.95 et 18.1.1996; NZZ, 5.7.95; LNN, 7.7.95. Voir aussi APS 1994, p. 141.19
[20] 24 Heures, 24.11.95.20
[21] BO CN, 1995, p. 1613.21