Année politique Suisse 1995 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemins de fer
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Rail 2000
A l'instar du Conseil des Etats, le Conseil national a pris acte du rapport du gouvernement sur le projet Rail 2000. Le document de l'exécutif prévoit de réduire, dans un premier temps, des trois quarts le nombre de projets afin de maintenir une enveloppe de 7,4 milliards de francs. Soumises au plénum par des députés radicaux, automobilistes, verts et indépendants, différentes propositions de renvoi demandant de lier ce projet aux NLFA, d'établir un calendrier et un plan de financement pour les prochaines étapes - voire de procéder à des adaptations des deux arrêtés fédéraux de 1986 - ont été repoussées assez aisément, même si de nombreuses critiques ont été parallèlement adressées au gouvernement. Celui-ci a mis en garde la minorité romande sur le fait que le renvoi du rapport signifierait retarder pour une période indéterminée plusieurs projets de Rail 2000 la concernant au premier chef [55].
Dans un rapport paru en début d'année, la commission de gestion du Conseil national a pour sa part mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dans la conduite et la surveillance du projet Rail 2000. Parmi ceux-ci, il a été relevé que le DFTCE n'avait pas assuré entre 1987 et 1990 une surveillance efficace des CFF. Plus particulièrement, ce département n'aurait pas affecté suffisamment de moyens à cet effet, sous-estimant les problèmes liés à la réalisation du projet et surestimant la capacité des CFF de pouvoir les maîtriser seuls. En outre, les estimations financières auraient été effectuées avec une légèreté coupable. La commission a reconnu que les faits incriminés remontaient pour la plupart à la période précédant l'arrivée d'A. Ogi à la tête du DFTCE. Prenant position sur le rapport, le Conseil fédéral a rejeté ces critiques. Selon lui, au moment de l'évaluation des coûts, on ne pouvait prévoir les répercussions de la législation sur la protection de l'environnement, responsable à son avis en grande partie de l'explosion des coûts. Par ailleurs, le DFTCE n'aurait pas pu effectuer une surveillance accrue du fait du manque de personnel, pénurie qui était à la connaissance du parlement et à laquelle ce dernier n'a pas remédié. Le gouvernement a également ajouté qu'il avait réagi vigoureusement en 1990 en resserrant sa surveillance et que, depuis cette année, un organe de contrôle avait été mis en place [56].
Le parlement n'a pas été satisfait des réponses du gouvernement. Estimant notamment que le Conseil fédéral n'avait pas défini de manière suffisamment précise la surveillance qu'il entendait exercer à l'avenir à l'égard des CFF (surveillance ou haute surveillance, surveillance politique ou surveillance de la gestion d'entreprise) ainsi que les rôles et les compétences respectifs du DFTCE et de l'Office fédéral des transports (OFT), le parlement a transmis une motion de la commission de gestion du Conseil national lui demandant de s'exprimer sur ces questions.
En automne, la commission de gestion du Conseil des Etats a également rendu un rapport sur la conduite du projet Rail 2000 par le DFTCE. A la différence de sa consoeur de la grande Chambre, elle s'est penchée sur la période d'élaboration du projet de 1982 à 1987. La commission a notamment dénoncé l'absence de consultation et la précipitation avec lesquelles le dossier avait été mené, cette dernière étant due à la volonté de profiter d'une conjoncture particulièrement favorable aux transports publics dans l'opinion publique et la classe politique. En outre, à l'instar de ce qu'avait souligné le rapport du Conseil national, la commission a relevé de nombreux manquements dans l'estimation des coûts. L'inflation, notamment, n'aurait pas été prise en compte et les mesures en faveur de l'environnement amplement sous-estimées à 200-300 millions de francs alors que leur coût actuel se situe entre 3 et 7 milliards de francs. De façon plus générale par ailleurs, les concepteurs de Rail 2000 n'auraient pas donné suffisamment d'informations sur l'aspect financier du projet, ne signalant pas au parlement la grande marge d'erreur de leurs estimations et omettant d'attirer son attention sur le fait qu'au moins 2 milliards de francs d'investissements pris sur le budget ordinaire des CFF s'ajoutaient aux 5,4 milliards soumis à l'approbation des députés. Enfin, selon les auteurs du rapport, les principaux responsables de ces dysfonctionnements seraient le conseiller fédéral de l'époque, Léon Schlumpf (udc, GR), le collège gouvernemental dans son ensemble, ainsi que le directeur de l'OFT et la direction générale des CFF de l'époque [58].
A l'instar de la Chambre des cantons, le Conseil national a rejeté une initiative du canton de Berne demandant que la nouvelle ligne du projet Rail 2000 entre Matstetten (BE) et Rothrist (AG) soit enterrée pour des raisons de protection du paysage. Il a estimé que cette variante, également défendue par le canton de Soleure, était beaucoup trop coûteuse. Conformément à cette décision, il a rejeté une motion Vollmer (ps, BE) ainsi qu'une motion Ruf (ds, BE) demandant toutes deux au gouvernement de soumettre au parlement un projet sur les mesures de financement de la variante défendue par le canton de Berne [59].
Le Conseil national a transmis une motion de la commission des transports du Conseil des Etats demandant au gouvernement de présenter au parlement une proposition de modification de l'arrêté portant sur Rail 2000 s'il devait s'avérer possible, grâce aux nouvelles technologies (rames à caisson inclinable et voitures à deux étages), de renoncer entièrement ou partiellement à la construction des nouveaux tronçons prévus pour la deuxième étape. Il a également transmis comme postulat une motion Baumberger (pdc, ZH) demandant au Conseil fédéral de réaliser, lors de la deuxième étape de Rail 2000, la ligne reliant Winterthour (ZH) à l'aéroport de Zurich. Selon le motionnaire, cette ligne serait indispensable à la Suisse orientale ainsi qu'au transit du trafic ferroviaire international par l'aéroport. La grande Chambre a suivi le gouvernement qui a fait valoir qu'il était prématuré de se prononcer sur cette question avant de connaître les conclusions d'études devant déterminer les tronçons à construire lors de la deuxième étape [60].
 
[55] BO CN, 1995, p. 354 ss. Voir APS 1994, p. 160 s.55
[56] FF, 1996, I, p. 1139 ss.; presse du 8.3.95.56
[58] FF, 1996, I, p. 1153 ss.; presse du 10.10.95. Il est à relever par ailleurs que le CE a approuvé le rapport: BO CE, 1995, p. 1210 ss.58
[59] BO CN, 1995, p. 384 ss. Voir aussi APS 1993, p. 159.59
[60] BO CN, 1995, p. 355 ss. (commission) et p. 1602 (Baumberger).60