Année politique Suisse 1996 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
Au terme de plus de deux ans d'âpres négociations, les 57 Etats parties à la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques ont signé un accord international réglementant l'utilisation des
mines antipersonnel. Selon le compromis adopté à Genève, ces armes - qui tuent ou mutilent entre 20 000 et 30 000 personnes chaque année à travers le monde - devront désormais être détectables afin d'en faciliter la localisation par les démineurs. Celles qui se trouvent en dehors des champs de mines devront par ailleurs être pourvues d'un mécanisme d'autodestruction ou de désactivation automatique. Bien que renforçant sensiblement les restrictions relatives à ces engins explosifs, ces deux nouvelles clauses ont néanmoins été assorties d'une période de transition de neuf ans afin de permettre aux pays exportateurs d'adapter leur technologie. Si le CICR a salué la décision d'élargir la portée de ce protocole aux guerres civiles, l'organisation humanitaire a en revanche vivement condamné le fait que ce texte ne proclame pas une interdiction totale de ce type d'armement. A ce titre, une première conférence internationale sur les mines antipersonnel organisée sous les auspices de l'ONU avait permis au
Conseil fédéral de prendre une position déterminée sur la question en se prononçant en faveur d'une telle interdiction
[32].
A l'échelon parlementaire, la Chambre du peuple a décidé de transmettre un postulat Frankhauser (ps, BL) priant le Conseil fédéral de prendre une série de dispositions visant à mettre fin aux graves mutilations causées par les
mines antipersonnel et de soumettre éventuellement au parlement les bases légales nécessaires
[33].
Les négociations menées par la Conférence de l'ONU sur le désarmement en vue de la signature d'un traité international interdisant les
essais nucléaires (
CTBT) ont été poursuivies à Genève dès la fin du mois de janvier. Candidate à l'adhésion à cette instance à l'instar de 22 autres Etats, la Suisse n'a toutefois pu y faire entendre son point de vue qu'à partir du mois de juin, date à laquelle les 38 Etats déjà parties à la conférence se sont enfin entendus sur son élargissement à 61 membres. Agendée dans un premier temps à la fin du mois de juin puis repoussée en raison des réticences de plusieurs Etats à se dessaisir de l'option nucléaire, la conclusion du Traité CTBT aurait pu intervenir à la mi-août si l'Inde n'avait pas décidé d'imposer son veto à un accord jugé discriminatoire et menaçant sa sécurité. Malgré l'attitude des autorités de New-Dehli, le projet de traité a été proposé à l'Assemblée générale de l'ONU qui l'a adopté à une écrasante majorité, permettant ainsi aux cinq puissances nucléaires déclarées (Etats-Unis, Chine, France, Russie et Grande-Bretagne) de le signer. De son côté, la délégation indienne a alors réitéré son intention de ne jamais apporter sa caution à cet accord afin d'en empêcher son entrée en vigueur
[34].
Organisé sous l'égide de l'ONU, le
Sommet mondial de l'alimentation qui s'est tenu à Rome dans le courant du mois de novembre n'a permis l'adoption d'aucun nouveau mécanisme de décision ou d'action qui permettrait à la communauté internationale de lutter contre la faim dans le monde. La déclaration finale par laquelle s'est soldée cette rencontre se borne en effet à qualifier d'intolérable le fait que plus de 800 millions de personnes souffrent de ce fléau
[35].
La neuvième Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (
CNUCED IX) s'est tenue dans le courant du printemps à Midrand (Afrique du Sud). Placé sous le thème "Promotion de la croissance et du développement durable dans une économie internationale en voie de mondialisation et de libéralisation", ce sommet s'est attaché à redéfinir les tâches et priorités de la CNUCED en vue de l'intégration des pays du Tiers-monde au sein de l'économie mondiale ainsi que dans le nouveau système commercial multilatéral que constitue l'OMC
[36].
Trois ans après la création du
Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (
TPI), le premier procès pour crimes contre l'humanité depuis ceux de Nuremberg et Tokyo s'est ouvert au mois de mai à La Haye (Hollande). Comparaissant devant la Chambre de première instance du TPI, le nationaliste serbe bosniaque Dusan "Dusko" Tadic a été accusé de meurtres et de tortures commis en 1992 sur une cinquantaine de prisonniers bosniaques. Concernant l'avancée des procédures judiciaires à l'encontre des personnes ayant participé au génocide perpétré au
Ruanda en 1994, il est à relever qu'après l'arrestation en février 1995 d'Alfred Musema - dont le transfert au Tribunal international de l'ONU (
TPR) a d'ailleurs été autorisé en fin d'année par l'Office fédéral de la police -, la justice militaire suisse a fait arrêter un second ressortissant ruandais, qui lui aussi pourrait à terme être remis au TPR
[37].
Quelques semaines après que la Suisse eut officiellement reconnu la
République fédérale de Yougoslavie (RFY), le Conseil fédéral a décidé de lever définitivement les
sanctions économiques à l'encontre de la RFY dès la mi-décembre. En vigueur depuis 1992, ces mesures de rétorsion décrétées par le Conseil de sécurité de l'ONU et adoptées par la Confédération à titre autonome avaient déjà été suspendues en 1995
[38].
L'ONU a rejeté en bloc les accusations formulées par Simon
Gerber et Maria
Wernle-Matic selon lesquelles la FORPRONU aurait joué un rôle dans leur enlèvement en 1995 alors qu'ils remplissaient une mission pour le compte de l'association Pont culturel Suisse-Sarajevo. Les autorités onusiennes ont en effet attribué l'entière responsabilité de cette affaire aux deux ex-otages qui avaient été retenus prisonniers pendant un mois dans la capitale bosniaque
[39].
[32]
NQ, 15.1.96;
JdG et
NZZ, 16.1.96; presse des 2.5 et 4.5.96. Cf. aussi
APS 1995, p. 78 et 103.32
[33]
BO CN, 1996, p. 584 s. Cf. aussi
APS 1995, p. 78.33
[34]
NQ, 23.1, 26.2, 26.8 et 15.10.96;
24 Heures, 24.1.96;
JdG, 13.6.96; presse des 18.6, 13.8 et 15.8.96.34
[35]
TA, 28.6, 8.11, 18.11 et 25.11.96;
NQ, 15.11.96.35
[36]
FF, 1997, II, p. 58 ss. (Rapport du CF sur la politique économique extérieure 96/1+2).36
[37] Presse des 9.3, 30.3, 29.8 et 31.12.96;
NQ, 11.3, 8.5, 12.5, 28.6, 5.7, 8.7 et 6.12.96;
JdG, 13.3.96. Cf. aussi
APS 1994, p. 66 et
1995, p. 78.37
[38] Presse des 11.9 et 3.10.96;
NZZ, 26.11.96. Cf. aussi
APS 1992, p. 77 s. et
1995, p. 79. Voir aussi
FF, 1997, II, p. 99 (Rapport du CF sur la politique économique extérieure 96/1+2).38
[39]
NZZ, 18.1.96; presse du 19.1.96. Voir également
APS 1995, p. 78.39
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