Année politique Suisse 1996 : Economie / Agriculture / Production végétale
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Viticulture
Le nouveau système de répartition du contingent tarifaire de vins blancs importés a conduit derechef à une situation chaotique suscitant un mécontentement quasi général. L'ordonnance de l'exécutif prévoyant que la distribution du contingent se fasse selon l'ordre d'arrivée des prétendants (principe du lévrier), les 150 000 hectolitres prévus ont été épuisés deux jours après l'entrée en vigueur du nouveau système du fait de l'achat par les plus gros importateurs d'énormes parts du contingent. Ces derniers avaient pu mettre en effet à disposition d'énormes moyens logistiques (camions) afin d'importer d'un seul coup de grandes quantités. A l'inverse, les petits importateurs furent quasiment privés, faute de moyens, de toute possibilité d'acheter leur part et durent de ce fait annuler de nombreux engagements tant auprès de leurs fournisseurs étrangers que de leur clientèle. Outre cette conséquence néfaste pour la grande majorité des importateurs, le principe du lévrier eut également comme résultat le fait que seul du vin blanc de faible qualité put être importé dans le cadre du contingent tarifaire, les vins de qualité moyenne ou supérieure n'étant disponibles que plus tard dans l'année.
Les réactions à cette situation ne manquèrent pas d'être vives. Accusant le chef de l'économie publique de vouloir, par sympathie personnelle, protéger la viticulture helvétique pour la plus grande partie romande, les négociants en vin ont exigé la globalisation immédiate des contingents respectifs de vins blancs et de vins rouges. Les associations de défense du consommateur se sont pour leur part plaintes du renchérissement très conséquent des vins de qualité intermédiaire, soulignant que la taxe de 5,70 francs pour toute bouteille importée hors contingent signifiait une hausse de prix de 50% et plus. Face à ces critiques et conformément aux voeux exprimés tant par les milieux viticoles helvétiques que par la commission de l'économie et des redevances du Conseil national, J.-P. Delamuraz a accepté de réduire de moitié le montant des taxes concernant les vin blancs importés hors contingent. En revanche, il a refusé la proposition de regrouper avec effet immédiat les contingents de vins blancs et rouges, soulignant que le caractère abrupt d'une telle mesure - prévue de toute façon pour 2001 - pourrait être fatal à de nombreux vignerons helvétiques. Le chef de l'économie publique a également rejeté sur les gros importateurs les accusations dont il était l'objet: selon lui, les négociants avaient saboté tant le système introduit en 1996 que celui essayé en 1995, fâchés qu'ils étaient de la disparition des rentes de situation que leur garantissait l'ancien système des contingents individuels [40].
Non content des propositions faites par le ministre de l'économie, le Conseil national a profité du toilettage de l'arrêté sur la viticulture prévu dans le Paquet agricole 95 pour y inscrire des dispositions à même de remédier à la situation. La vice-présidente de la grande chambre s'étant quelque peu embrouillée dans une série de votes en cascade, les députés ont même adopté deux systèmes d'importation contradictoires. Le premier, proposé par le démocrate-chrétien Caccia (TI), prévoyait en effet de remplacer le mode de répartition selon le principe du lévrier par un système de mise aux enchères, tout en maintenant la séparation des contingents de vins blancs et de vins rouges. Le second, défendu par le radical Stucki (ZG), prônait au contraire l'introduction immédiate d'un contingent global unique pour les vins blancs et rouges avec le maintien en revanche du principe du lévrier [41].
Devant le Conseil des Etats, ni l'un ni l'autre des deux systèmes d'importation ne furent retenus. Concernant la solution préconisée par le député Stucki, les sénateurs ont estimé que le passage immédiat à un contingent global aurait des conséquences fâcheuses pour la viticulture helvétique, cette dernière devant bénéficier d'un certain temps d'adaptation. Au sujet de la proposition du conseiller national Caccia, la majorité de la petite chambre a été convaincue par l'argumentation du chef du DFEP: tout en promettant que le mode actuel de répartition du contingent de vins blancs importés serait remplacé dès 1997 par un système basé sur la mise aux enchères, le ministre de l'économie a en effet insisté pour que cette question ne soit pas tranchée dans la loi, mais reste de la compétence de l'exécutif afin que ce dernier puisse jouir d'une marge de manoeuvre maximale. Lors de la procédure d'élimination des divergences, la chambre du peuple s'est ralliée, devant la décision quasi unanime des sénateurs, à la position défendue par ces derniers [42].
Conformément à ce qu'il avait annoncé, le gouvernement a opté en fin d'année pour un système de répartition du contingent basé sur la mise aux enchères. A l'avenir, l'adjudication des parts du contingent tarifaire se fera sur la base des prix de mise: les premiers servis seront ceux qui auront fait les offres les plus élevées. Selon l'exécutif, ce système permettra de mettre sur un pied d'égalité grands et petits importateurs. Le Conseil fédéral a également souligné que la mise aux enchères devrait favoriser l'importation de vins de bonne qualité. En effet, dans la mesure où ce seront les mises les plus élevées qui seront retenues en premier, les distributeurs seront incités à importer des vins d'un certain prix. Le gouvernement a en outre relevé que chaque commerçant en vin pourra au maximum miser 10 000 hectolitres, ce afin d'éviter tout risque d'accaparement par quelques uns de l'ensemble du contingent. Les producteurs ainsi que les associations de défense du consommateur ont salué la solution adoptée. Les négociants de la branche ont en revanche dénoncé le fait que le nouveau système entraînerait vraisemblablement une hausse des prix du vin importé [43].
 
[40] 24 Heures, 28.2.96; presse des 29.2 et 5.3.96; JdG et NZZ, 1.3.96.40
[41] BO CN, 1996, p. 475 ss.; presse du 21.3.96.41
[42] BO CE, 1996, p. 422 ss. et 589; BO CN, 1996, 1022 s. et 1280; FF, 1996, III, p. 107 s.; presse des 14.6 (CE) et 19.6.96 (CN). Conformément à ce qu'il avait décidé dans le cadre du toilettage de l'arrêté sur la viticulture, le CN a par ailleurs rejeté une motion Baumann (pe, BE) exigeant la globalisation des contingents de vins blancs et rouges dès l'an 2000: BO CN, 1996, p. 1636 ss.42
[43] Presse du 21.11.96.43