Année politique Suisse 1996 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
print
Centrales nucléaires
Concernant le dédommagement consenti en début d'année par la Confédération aux promoteurs de la centrale non construite de Graben (BE), voir APS 1995, p. 161 s.
Après la publication, en l'espace de deux ans, de six rapports partiels sur les alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie atomique sur le site de Mühleberg (BE), les Forces motrices bernoises (FMB) ont présenté leur rapport final sur cette question, conformément à ce que leur avait demandé le Conseil fédéral en 1992 lors de la prolongation de l'autorisation d'exploitation de la centrale jusqu'en 2002. Rendu public à la fin du mois de mai, ce document part du principe que le réacteur bernois sera définitivement arrêté d'ici l'an 2012 ou à une date antérieure, ce qui provoquera alors un déficit annuel en courant électrique d'au moins 1500 millions de kWh. Sur cette base, les FMB ont retenu quatre solutions alternatives plus ou moins en mesure de couvrir pareille perte d'énergie: reconversion de la centrale au gaz naturel, extension de la centrale hydro-électrique du Grimsel, construction d'une nouvelle centrale nucléaire et, finalement, importations d'électricité. Les Forces motrices bernoises ont néanmoins tenu à souligner que ces quatre variantes présentaient toutes certains avantages et inconvénients, soit de nature politique, écologique ou économique. Ce rapport, bien que qualifié de base de discussion par ses auteurs, a été d'emblée vivement critiqué par plusieurs organisations antinucléaires. Leur courroux à l'encontre des FMB a été renforcé d'autant que ces dernières ont parallèlement requis du Conseil fédéral l'octroi d'une autorisation d'exploitation illimitée pour la centrale actuelle, marquant ainsi clairement leur préférence pour le maintien de l'option nucléaire [21].
Au lendemain de la publication de ce rapport, la presse a annoncé que la Commission européenne des droits de l'homme avait donné raison aux dix habitants de la commune de Mühleberg (BE) concernant leur recours déposé suite à la prolongation de l'autorisation d'exploitation de la centrale bernoise décrétée en 1992 par le Conseil fédéral. Conformément aux arguments invoqués par les recourants, la Commission est arrivée à la conclusion que la procédure suisse d'autorisation en matière de centrales nucléaires viole bel et bien la CEDH du moment que celle-ci ne permet pas aux parties à la procédure de s'adresser à un tribunal indépendant et impartial. Cette étape préliminaire passée, l'affaire a été déférée à la Cour européenne des droits de l'homme dont le verdict pourrait contraindre la Suisse à adapter son droit en la matière [22].
Alors que le mouvement d'opposition au surgénérateur de Creys-Malville (France) ne regroupait jusqu'ici que des collectivités publiques et organisations antinucléaires de Suisse romande, le Collectif pour l'arrêt de Superphénix - sous l'égide duquel agissent désormais plus d'une vingtaine de communes genevoises et vaudoises - a pu enregistrer l'entrée en son sein d'Arlesheim (BL), première commune alémanique à se joindre au groupe des opposants. D'autres collectivités publiques telles que les villes de Bâle et de Zurich ainsi que certaines localités de la région Rhône-Alpes ont également été invitées à prendre part au mouvement. Il est à relever par ailleurs que le Conseil national a rejeté par 50 voix contre 48 un postulat Ziegler (ps, GE) datant de décembre 1994 qui - du fait de la remise en service alors toute récente de Superphénix - invitait le gouvernement à mandater un groupe d'experts de haut niveau afin d'évaluer les dangers encourus par les populations vivant à proximité de la centrale française [23].
Lancée au milieu de l'année par les sections argoviennes du WWF et de Greenpeace, la pétition contre l'augmentation de 15% de la puissance de la centrale de Leibstadt (AG) - sujet sur lequel il était prévu que le Conseil fédéral se prononce en novembre de cette année - a recueilli 10 000 signatures. Celles-ci ont été déposées début décembre à la Chancellerie fédérale et sont ainsi venues s'ajouter aux quelque 5500 oppositions déjà enregistrées. Dans son expertise rendue publique quelques mois auparavant, la Division pour la sécurité des installations nucléaires (DSN) avait conclu qu'au vu des tests de sécurité effectués par ses soins, elle ne voyait aucune objection à ce que la puissance du réacteur argovien soit portée de 3138 à 3600 mégawatt [24].
Le Conseil national a décidé par 53 voix contre 39 de ne pas transmettre un postulat Thür (pe, AG) qui invitait le gouvernement à mettre sur pied une commission d'experts indépendante chargée d'examiner les reproches rapportés par certains médias quant aux conditions de sécurité qui règnent à la centrale nucléaire de Beznau  [25].
 
[21] TW, 16.1.96; BaZ, 17.2.96; NLZ, 6.4.96; BZ et Bund, 14.5.96; presse du 30.5.96. Cf. aussi APS 1994, p. 140 s. et 1995, p. 161. En réponse à plusieurs interventions parlementaires, le gouvernement cantonal bernois a décidé de son côté d'instituer un groupe de travail comprenant 25 experts d'horizons différents qui auront à charge d'examiner le rapport des FMB: BZ, 22.8.96; TW, 5.9.96; Bund, 13.11.96.21
[22] Presse du 31.5.96; AT, 3.10.96; BO CN, 1996, p. 798 (Question Rechsteiner). Signalons encore qu'une cinquantaine de militants de Greenpeace ont bloqué fin août l'entrée du site de Mühleberg en signe de protestation contre l'exploitation de la centrale jugée dangereuse en raison notamment de fissures constatées depuis 1990 dans la jupe du coeur du réacteur: TW, 23.8.96 et WoZ, 30.8.96; presse du 11.10.96. Voir également APS 1995, p. 161.22
[23] BO CN, 1996, p. 1499 s. (Ziegler); presse du 13.2.96. Cf. aussi APS 1995, p. 160 s.23
[24] TA, 7.5.96; TW, 6.7 et 9.9.96; presse des 27.11 et 4.12.96; NZZ, 16.12.96. Voir également APS 1992, p. 150.24
[25] BO CN, 1996, p. 1503 ss.25