Année politique Suisse 1996 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
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Déchets nucléaires
Tout comme la Chambre des cantons en 1995, le Conseil national a tiré les conséquences du vote négatif de la population nidwaldienne quant à l'établissement d'un dépôt pour déchets radioactifs sur le site du Wellenberg et a dès lors décidé de ne pas entrer en matière sur le projet de révision partielle de la loi sur l'énergie atomique qui visait à accélérer la procédure d'octroi des autorisations dans le domaine du stockage des déchets nucléaires [26].
Malgré le refus du canton de Nidwald d'octroyer les deux concessions nécessaires à l'établissement d'un dépôt pour déchets faiblement et moyennement radioactifs sur le territoire de la commune de Wolfenschiessen (NW), la Société coopérative pour la gestion des déchets nucléaires au Wellenberg (GNW) a réaffirmé - sur la base des dernières investigations menées par la CEDRA en novembre 1995 - son attachement à ce site, qualifié de parfaitement approprié d'un point de vue technique. Ce jugement devait d'ailleurs être partagé quelque temps après par la Commission pour l'élimination des déchets radioactifs (KNE) ainsi que par la Division pour la sécurité des installations nucléaires (DSN) qui sont toutes deux parvenues à la conclusion qu'aucun motif de nature sécuritaire ne pouvait être invoqué contre l'octroi de l'autorisation générale nécessaire à la réalisation du lieu de stockage. Une étude sur les résultats du scrutin nidwaldien ayant établi que l'opposition au projet aurait été moindre si les deux concessions (l'une concernant une opération de sondage et l'autre l'exploitation même du dépôt) n'avaient pas été soumises en même temps au verdict populaire, la société promotrice et la CEDRA ont dès lors proposé que les autorités politiques aient recours à une stratégie par étapes: conformément à cette tactique, les Nidwaldiens seraient rappelés une première fois aux urnes afin de se prononcer sur la seule question relative à l'opération de sondage. Selon le résultat enregistré à l'issue de ce scrutin, une seconde consultation pourrait alors avoir lieu concernant la seconde concession. Si l'OFEN et le gouvernement cantonal ont jugé cette proposition intéressante, les opposants au dépôt l'ont en revanche vivement repoussée.
Dans sa réponse à une interpellation Engelberger (prd, NW), le Conseil fédéral devait de son côté déclarer ne pas vouloir poursuivre pour l'heure la procédure d'autorisation générale concernant l'établissement d'un dépôt au Wellenberg. Il a néanmoins annoncé que la révision totale de la loi sur l'énergie atomique consacrerait une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons afin d'éviter que la réalisation d'infrastructures de ce type ne se heurte continuellement à un blocage. Peu après avoir discuté avec le gouvernement nidwaldien des modalités suivant lesquelles le projet du Wellenberg pourrait être poursuivi, le chef du DFTCE a fait savoir par écrit aux autorités cantonales que le territoire communal de Wolfenschiessen demeurait à ses yeux l'endroit le plus approprié pour accueillir un dépôt pour déchets faiblement et moyennement radioactifs. Moritz Leuenberger a dès lors laissé entendre que la tenue d'un second scrutin populaire sur cet objet était tout à fait envisageable [27].
Le projet visant à construire un dépôt intermédiaire central pour déchets radioactifs à proximité de l'Institut Paul Scherrer à Würenlingen (AG) a connu des développements significatifs durant l'année sous revue. Début février, la Division principale pour la sécurité des installations nucléaires (DSN) a tout d'abord recommandé au Conseil fédéral d'octroyer l'autorisation de construire pour l'ensemble de l'infrastructure à la société promotrice Zwilag. De l'avis des experts de la DSN, l'autorisation d'exploitation devait en revanche n'être attribuée qu'à la partie de l'infrastructure destinée à l'entreposage de déchets radioactifs, du moment que l'état des connaissances en matière de sécurité concernant les installations de conditionnement et d'incinération de substances faiblement et moyennement radioactives n'était pas encore suffisamment avancé pour que cette partie du projet puisse elle aussi bénéficier d'un tel feu vert. En dépit des nombreuses critiques formulées par les milieux antinucléaires et des quelque 500 oppositions au projet, le Conseil fédéral a décidé de délivrer les autorisations de construire et d'exploitation nécessaires à la réalisation et la mise en service du dépôt, en suivant toutefois les recommandations que lui avait adressées la DSN concernant les installations de conditionnement et d'incinération pour l'exploitation desquelles une nouvelle procédure d'autorisation sera requise. Invoquant des risques d'accidents potentiels liés à la proximité de l'aéroport de Zurich-Kloten, Greenpeace et la Fondation suisse de l'énergie (FSE) ont immédiatement porté l'affaire devant le Tribunal fédéral qui n'est cependant pas entré en matière sur la plainte déposée par les deux organisations antinucléaires. Celles-ci ont dès lors fait part de leur intention de saisir la Commission européenne des droits de l'homme. Commencés dès la fin du mois d'août, les travaux de construction de l'installation - dont le coût a été évalué à 500 millions de francs - devraient être achevés d'ici à l'an 2000 [28].
La Coopérative pour l'entreposage des déchets radioactifs (CEDRA) a été partiellement contrainte de revoir ses plans concernant les mesures préparatoires qu'elle projetait d'effectuer dans le nord de la Suisse dans l'optique de trouver un site adéquat à l'établissement d'un dépôt final pour déchets hautement radioactifs. Si le Conseil fédéral a décidé de lui octroyer l'autorisation nécessaire à la poursuite de ses analyses géologiques sur le territoire de la commune de Benken (ZH), la CEDRA a néanmoins dû renoncer à pousser plus en avant ses investigations portant sur les sous-sols des communes de Leuggern et de Böttstein (AG). La Division pour la sécurité des installations nucléaires a en effet estimé que ceux-ci n'étaient pas adaptés pour accueillir un dépôt de ce type, confirmant ainsi les réserves déjà exprimées à cet égard en 1995 par la Commission pour l'élimination des déchets radioactifs (KNE). La CEDRA effectuera désormais des mesures exploratoires dans la région argovienne du Mettauertal qui regroupe les communes de Mettau, Oberhofen, Wil et Schwaderloch. Quels qu'en soient les résultats, il semble que la réalisation d'un dépôt pour déchets hautement radioactifs en Suisse soit d'ores et déjà compromise, puisqu'il est de plus en plus envisagé de résoudre ce problème à l'échelon international.
Le Tribunal fédéral a à son tour déclaré irrecevable l'initiative populaire visant à interdire le transport de substances radioactives sur le territoire de Bâle-Campagne. Les initiants avaient porté leur cause devant les juges lausannois après que le tribunal administratif cantonal eut prononcé un jugement similaire en mars 1995. La Haute Cour a motivé sa décision par le fait qu'en matière d'énergie nucléaire et de transport de déchets radioactifs, la Confédération est seule compétente [30].
La motion Ziegler (ps, GE) aux termes de laquelle le gouvernement était invité à interrompre rapidement l'exportation des déchets nucléaires vers l'étranger (France et Grande-Bretagne) n'a pas trouvé grâce auprès du Conseil national, puisque celui-ci l'a rejetée par 53 voix contre 33 [31].
 
[26] BO CN, 1996, p. 58 s.; presse du 5.3.96. Voir également APS 1994, p. 141 s. et 1995, p. 162 s.26
[27] BO CN, 1996, p. 1508 s. (Engelberger); NLZ, 20.3.96; presse des 21.3 (GNW), 22.5 et 12.7 (KNE/DSN) et 6.12.96; NZZ, 28.3, 26.6, 9.9 et 18.10.96; TA, 20.6.96.27
[28] AT, 6.2.96; presse des 10.2, 13.3, 25.6, 22.8, 7.9, 23.9 et 3.10.96. Relevons que la construction d'un dépôt intermédiaire pour déchets radioactifs en Suisse se fait d'autant plus pressante que la Confédération se devra de rapatrier, d'ici à 1999, plusieurs tonnes de substances hautement radioactives actuellement stockées dans l'enceinte de l'usine de retraitement pour déchets nucléaires de La Hague (F): TW et TA, 9.5.96; SoZ, 12.5.96. Voir aussi APS 1993, p. 147 et 1994, p. 143.28
[30] BaZ, 21.3.96. Voir également APS 1995, p. 164.30
[31] BO CN, 1996, p. 1506.31