Année politique Suisse 1996 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemins de fer
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Réforme des chemins de fer
Le Conseil fédéral a publié son message concernant la réforme des chemins de fer. Accueilli globalement positivement lors de la procédure de consultation, le projet du gouvernement vise principalement deux objectifs [49]: accroître la compétitivité des chemins de fers (publics et privés) et améliorer le rapport coût-bénéfice pour les pouvoirs publics. Afin de mener à bien ces deux objectifs, le texte soumis à l'approbation des deux chambres comprend principalement trois volets: libre accès au réseau ferroviaire, réforme des CFF et désendettement de ces derniers.
En ce qui concerne le premier aspect de la réforme, le gouvernement propose de reprendre dans ses grandes lignes une directive de l'UE exigeant l'ouverture des réseaux ferroviaires à la concurrence. N'allant pas aussi loin que certains pays (Grande-Bretagne et Suède), le projet de l'exécutif envisage cependant d'autoriser des compagnies étrangères ou des entreprises de transports concessionnaires (ETC) helvétiques à offrir leur prestations dans le domaine du trafic de voyageurs et de marchandises. Outre le fait de devoir remplir certaines exigences techniques notamment en matière de sécurité, les compagnies désirant rouler sur le réseau helvétique (privé et public) devront acheter un sillon horaire en s'acquittant d'une redevance proportionnelle à la longueur et à l'attractivité du tracé demandé. Selon l'exécutif, cette redevance devrait permettre de couvrir pour le moins les coûts marginaux d'utilisation de l'infrastructure. L'Office fédéral des transports (OFT) sera compétent pour adjuger les sillons horaires, une commission indépendante de recours étant cependant prévue pour tout litige concernant notamment le montant de la redevance. L'OFT et la commission de recours devront empêcher que les nouvelles compagnies ne fournissent des offres attrayantes qu'aux heures de pointe. Ils devront également attribuer en priorité des tracés aux compagnies offrant des liaisons avec correspondances ainsi que des horaires cadencés, ceci permettant par ailleurs de privilégier les CFF, obligés de fournir des prestations plus étendues.
Cette libéralisation du secteur des transports ferroviaires ne sera pas sans conséquences sur le fonctionnement interne des entreprises de transports ferroviaires (CFF et ETC). Ces dernières devront en effet établir une comptabilité séparée des secteurs de l'exploitation et de l'infrastructure. En effet, seule une telle séparation comptable permettra de garantir la transparence des coûts nécessaire au calcul du montant de la redevance relative à l'utilisation de l'infrastructure. Les grosses entreprises de transports - et parmi celles-ci, évidemment les CFF - devront pousser la séparation de ces deux secteurs sur le plan de l'organisation également. Outre de permettre une plus grande autonomie de ces deux domaines au sein de chaque entreprise, cette différenciation devrait garantir l'impartialité de l'organe responsable de l'attribution des sillons horaires entre les différentes compagnies.
En ce qui concerne le second volet de la réforme - à savoir la réforme des CFF proprement dite - le projet du Conseil fédéral prévoit principalement, outre la différenciation susmentionnée, de transformer la régie fédérale en société anonyme de droit public. Justifiant cette mesure, le gouvernement a souligné que cette forme juridique permettrait aux CFF de se constituer en personne morale et de jouir par conséquent de l'autonomie suffisante pour faire face à la nouvelle situation de concurrence. Le capital-actions de la future société anonyme devrait rester dans un premier temps dans les mains de la seule Confédération. Dans un second temps cependant, il devrait être possible d'associer au capital des CFF également les cantons, les communes, voire même les particuliers, la Confédération gardant néanmoins la majorité du capital. En ce qui concerne le statut des employés des CFF, le droit applicable au personnel fédéral sera maintenu. Lors de l'entrée en vigueur de la loi actuellement en révision sur le personnel fédéral, les CFF devraient cependant bénéficier d'un assouplissement conséquent des conditions d'engagement et de licenciement ainsi que d'une réglementation des traitements tenant mieux compte des prestations et du marché. Outre ces changements concernant la structure de la régie et le statut du personnel, le texte soumis à l'approbation parlementaire prévoit également une modification des rapports entre la Confédération et l'entreprise. Ces derniers se fonderont désormais sur une convention de prestations que négocieront les deux parties tous les quatre ans. Soumise à l'approbation du parlement, cette convention précisera notamment l'ampleur de l'offre de prestations minimales attendue par les pouvoirs publics en matière de transports et d'infrastructures ainsi qu'un plafond de dépenses à ne pas dépasser. Conformément aux préceptes de la nouvelle gestion publique, les CFF auront toute autonomie pour atteindre les objectifs définis par la convention. Si les CFF devaient ne pas parvenir à réaliser ces derniers dans le cadre du plafond financier fixé, le déficit de l'entreprise ne sera pas automatiquement couvert, à moins que le parlement n'accepte de réviser les limites financières fixées dans le contrat de prestations. Les CFF pourront par ailleurs développer leur champ d'activités au-delà des objectifs convenus par la Confédération, voire proposer des services dépassant les prestations ferroviaires proprement dites. La régie ne pourra cependant se prévaloir d'aucune indemnité pour ce genre de services.
Enfin, au sujet du volet relatif au plan de refinancement des CFF, le gouvernement propose d'abandonner grande partie des créances détenues par la Confédération à l'encontre des CFF. Sur le total de 14 milliards de francs, 8 milliards des dettes seront épongés et donnés à la nouvelle SA à titre de capital de départ. Les 6 milliards restants seront maintenus sous forme de prêts à intérêts variables remboursables sous conditions. Justifiant cette mesure, le gouvernement a souligné que l'idée de désendetter l'entreprise avait été admise dans le projet de conception directrice approuvé en 1994 par la plupart des partis politiques et organisations concernées. Il a également relevé que ce désendettement était nécessaire afin de donner une meilleure base de départ aux CFF [50].
Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé de confier l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure de la ligne Schaffhouse-Rorschach (SG), jusqu'alors exploitée par les CFF, à la compagnie privée de chemin de fer de la Mittelthurgaubahn (MThB). Cette dernière devra montrer sur une période de 10 ans qu'elle est mieux à même de gérer la ligne que la régie fédérale. Si tel est le cas, l'expérience pourrait être reconduite, voire étendue à d'autres lignes régionales. Ayant proposé un contre-projet, les CFF ont vivement regretté, de concert avec la Fédération suisse des cheminots, cette décision, contestant que la MThB puisse obtenir de meilleurs résultats [51].
 
[49] Pour un résumé de la procédure de consultation: presse du 30.8.96.49
[50] FF, 1997, I, p. 853 ss.; presse des 4.6 et 14.11.96. Voir également APS 1995, p. 185 s.50
[51] Lib., 22.2.96.51