Année politique Suisse 1996 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / PTT
Second volet de la réforme, le message relatif à la loi sur la poste prévoit, à titre de mesure principale, d'abaisser la limite au-dessous de laquelle la Poste jouit d'un monopole pour le transport des colis: à l'avenir, à partir de paquets de 2 et non plus uniquement de 5 kilogrammes, n'importe quel opérateur privé pourra offrir ses services comme il l'entend, sans aucune obligation de desserte ou de prestations. Le géant jaune continuera à bénéficier du monopole pour les envois au-dessous de 2 kilogrammes (colis et lettres). Seront cependant également exclus de la régale de la Poste le courrier accéléré, le service international pour les colis ainsi que les lettres destinées à l'étranger. Le projet de loi prévoit en outre que le gouvernement sera habilité à restreindre ultérieurement le monopole en cas d'évolution favorable du marché national et européen.
Outre la libéralisation du marché postal, le projet gouvernemental mentionne la
possibilité pour La Poste d'élargir sa gamme de services: parmi ces nouvelles prestations figurent des services financiers et d'assurances que la future entreprise pourra offrir en qualité d'intermédiaire (commercialisation de fonds de placement ou d'assurances au nom de banques ou d'assureurs privés). La Poste pourra également accroître la gamme de services offerts dans le domaine du trafic de paiement
[58].
Présentant son projet de loi, le Conseil fédéral a justifié le caractère somme toute modéré de la libéralisation du trafic postal en faisant référence à la nécessité pour la Poste d'être en mesure de financer les prestations minimales qu'elle sera tenue d'assurer sur l'ensemble du territoire à des prix équitables (service universel). Comprenant, outre les services pour lesquels l'entreprise jouira du monopole, le transport des colis de 2 à 20 kilogrammes ainsi que le trafic des paiements, ces prestations de base imposées à l'entreprise ne pourront en effet être financées que si celle-ci est à même de dégager des marges importantes dans le secteur des services dont elle a l'exclusivité. Le gouvernement a par ailleurs ajouté que si ce financement par le biais du monopole ne devait suffire, il était prévu de prélever auprès des opérateurs privés une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires.
Au
Conseil national,
la
loi fut adoptée assez facilement, quoique de façon moins aisée que celle sur la libéralisation des télécommunications étant donné l'abstention, voire l'opposition hétéroclites de députés de droite et d'extrême gauche. Durant la discussion détaillée des articles,
différentes propositions émanant de la droite de l'hémicycle, qui estimait la libéralisation très insuffisante, furent
assez nettement repoussées. La chambre du peuple a notamment rejeté une proposition Binder (udc, ZH) et Fischer (prd, AG) demandant d'abaisser jusqu'aux envois de 350 grammes la limite supérieure des services réservés à l'entreprise publique. Cette mesure étant conforme aux directives édictées par la Commission européenne, il fallait anticiper, selon les deux députés bourgeois, une évolution à laquelle la Suisse devrait tôt ou tard se plier. A cette argumentation notamment reprise par le Vorort ainsi que par la Commission de la concurrence, une large majorité de représentants socialistes, écologistes et démocrates-chrétiens a répondu qu'une libéralisation si poussée signifierait l'impossibilité pour la Poste de financer le service universel dans la mesure où une telle ouverture à la concurrence ferait perdre au géant jaune quelque 100 millions de francs par année. Reprenant l'argument à son compte, le conseiller fédéral Leuenberger a souligné que le but premier de la loi n'était pas la libéralisation du marché postal, mais le financement du service universel rendu difficile du fait de la fin du subventionnement provenant des bénéfices des Télécom. Enfin, il fut relevé qu'il était faux d'affirmer que la tendance en Europe était celle d'ouvrir à la concurrence les envois supérieurs à 350 grammes, la directive de la Commission européenne n'étant de loin pas suivie d'effets dans la plupart des pays membres. Autre question à être soulevée par la droite la plus libérale, celle relative à la possibilité pour la Poste d'offrir des services financiers fit l'objet de vives critiques de la part de ceux qui redoutaient que l'entreprise ne concurrence les banques. Sur proposition du démocrate-chrétien Raggenbass (TG), la grande chambre a adopté une disposition excluant plus explicitement la possibilité pour le géant jaune de développer des activités spécifiquement bancaires. Sur ce point, le chef du DFTCE a par ailleurs rappelé que la Poste ne pourra en aucun cas financer ce genre de prestations par le biais des bénéfices dégagés dans les secteurs dont elle a le monopole
[60].
[58] Relevons par ailleurs que la Poste a d'ores et déjà passé un accord de collaboration avec la banque SBS: le géant jaune offrira à ses guichets des fonds de placement (obligations principalement) pour le compte de la banque:
NQ, 12.6 et 2.9.96;
JdG, 3.9.96.58
[60]
BO CN, 1996, p. 2322 ss.; presse du 13.12.96. Au sujet des activités "bancaires" de la Poste, il est à relever que l'ASB a perdu la bataille qui l'opposait aux PTT quant au taux d'intérêts dont sont rémunérés les comptes postaux. L'ASB avait déposé un recours auprès du DFTCE, arguant que le taux de 1,5% enfreignait la loi sur le trafic postal, laquelle stipule que le taux d'intérêts des comptes postaux doit être inférieur de 1% au taux d'escompte de la BNS (actuellement 2%). Le DFTCE a justifié sa décision en soulignant que la Poste ne serait plus concurrentielle sans une offre aussi alléchante:
24 Heures, 15.8.96.60
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