Année politique Suisse 1996 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche / Formation professionnelle
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Apprentissage
Au mois de mai, la presse suisse alémanique a tiré la sonnette d'alarme, affirmant que de nombreux jeunes arrivant en fin de scolarité obligatoire ne trouveraient pas de place d'apprentissage dans les entreprises. Selon les médias, la situation était très préoccupante dans la mesure où pas moins de 30% des candidats à l'apprentissage étaient concernés. Réagissant à la publication de ces chiffres, l'OFIAMT a affirmé qu'il ne pouvait ni les confirmer ni les infirmer, les statistiques en la matière faisant cruellement défaut. L'office concerné a cependant estimé que la réalité était sans doute moins grave que ne l'affirmaient les journalistes. Si certaines villes alémaniques - Berne et Zurich notamment - connaissaient effectivement une situation très tendue, il n'en allait pas de même du reste du pays où aucune baisse notoire de l'offre des employeurs n'avait été remarquée. Selon l'OFIAMT, il était par ailleurs possible que le nombre global de places d'apprentissage soit en réalité suffisant et que le problème véritable réside plutôt dans un décalage entre l'offre et la demande. En effet, si certaines branches (banques et commerce) étaient assurément saturées, certaines autres (hôtellerie, industrie des machines et agriculture notamment) avaient énormément de peine à trouver des apprentis. A cet égard, le chef de l'OFIAMT, J.-L. Nordmann, a encouragé les jeunes à entreprendre des apprentissages dans des domaines qui ne correspondaient peut-être pas à leur premier choix et à compter sur la formation continue pour pouvoir par la suite exercer la profession de leurs voeux. J.-L. Nordmann a néanmoins reconnu que les entreprises n'engageant que peu ou pas d'apprentis n'assumaient pas leurs responsabilités en matière de formation.
Lors de la session d'été, malgré les paroles se voulant rassurantes de l'OFIAMT, la situation concernant le marché des places d'apprentissage a fait l'objet de plusieurs interpellations au parlement. Au Conseil national plus particulièrement, certains députés ont proposé des mesures fiscales afin d'inciter les entreprises à engager des apprentis. Estimant que des adolescents sans formation étaient des chômeurs ou des délinquants en puissance, le socialiste bernois Strahm a notamment proposé de taxer les entreprises rechignant à assumer leurs responsabilités et de reverser le produit de ces taxes aux employeurs faisant des efforts en la matière. Répondant à ces différentes interpellations, le gouvernement a fait savoir qu'il examinerait la possibilité d'introduire de telles incitations fiscales. Il a cependant ajouté que celles-ci devaient être neutres pour les finances fédérales. Répondant à l'interpellation du député Seiler (udc, BE) qui demandait s'il était possible d'augmenter le nombre maximal d'apprentis autorisé par entreprise, le gouvernement a souligné que ce genre de solution risquait de mettre en péril la qualité de l'encadrement des jeunes en formation [38].
Au mois de septembre, le Conseil fédéral a publié un rapport sur l'état de la formation professionnelle en Suisse. Ce document doit constituer une base de réflexion pour le projet de révision de la loi sur la formation professionnelle réclamée depuis plusieurs années par les milieux concernés (syndicats et associations économiques). Comprenant de multiples propositions de réforme concernant l'ensemble du système de formation professionnelle helvétique (HES, formation continue, ETS), le rapport de l'exécutif focalise cependant son attention sur les mesures indispensables à une adaptation de l'apprentissage aux nouvelles conditions économiques. Estimant qu'une large formation est nécessaire à une époque où les individus seront appelés, selon toute vraisemblance, à changer au moins une fois de profession au cours de leur vie, le gouvernement propose entre autres d'accroître la pluridisciplinarité des formations. Ainsi, par exemple, les apprentis devraient pouvoir effectuer une partie de leur apprentissage dans des secteurs différents de celui choisi principalement. En revanche, contrairement à ce que proposaient notamment les milieux syndicaux, l'exécutif n'a pas estimé nécessaire de réduire le très grand nombre actuel de formations possibles (250) au profit d'un nombre plus petit (50) d'apprentissages plus généraux [39]. Des modifications au sujet de la durée de la formation devraient par ailleurs être introduites: les jeunes les plus brillants devant pouvoir terminer plus rapidement leur formation, il s'agira d'individualiser la durée de formation selon les capacités de chacun. Enfin, le document de travail envisage quelques pistes pour remédier à la situation des adolescents ne trouvant pas de place d'apprentissage. Conformément à ce que le gouvernement avait annoncé devant le Conseil national durant la session d'été, la Confédération examinera la possibilité de promouvoir l'offre des employeurs par le biais d'un système de péréquation financière. Ce système ne devrait cependant être utilisé qu'en dernier recours et uniquement sur une courte durée. Par ailleurs, l'OFIAMT et l'OFS prépareront un instrument de sondage à même de déterminer précisément la quantité d'offres et de demandes de places d'apprentissage. Ce genre d'instrument devrait permettre de mieux orienter les éventuelles interventions étatiques [40].
Le gouvernement prévoyant, dans le cadre du réaménagement de la péréquation financière, de transférer aux seuls cantons la compétence en matière de formation professionnelle, le Conseil des Etats a adopté une recommandation Onken (ps, TG) invitant l'exécutif à renoncer à cette mesure. Selon l'auteur de la recommandation et la majorité des sénateurs, il serait en effet insensé de renoncer aux avantages du système fédéral pour mettre en place 26 politiques différentes de formation [41].
 
[38] BO CN, 1996, p. 974 ss.; BO CE, 1996, p. 534 ss.; presse du 18.6.96. Lors de sa session d'automne, le CN a par ailleurs transmis sous la forme du postulat une motion Vollmer (ps, BE) priant le CF notamment d'augmenter le nombre de places d'apprentissage au sein de l'administration fédérale: BO CN, 1996, p. 1853 s.38
[39] A ce sujet, il est à relever que la CDIP a également fait part de son souhait de voir le nombre de professions réduit. L'instance intercantonale a également souligné la nécessité que les cantons ainsi que les milieux professionnels soient plus étroitement associés à la politique fédérale: presse du 28.2.96.39
[40] FF, 1996, V, p. 571 ss.; presse du 12.9.96. Voir aussi APS 1992, p. 268 s. et 1994, p. 257. Le rapport de l'exécutif confirme par ailleurs la tendance observée depuis quelques années à la baisse du nombre d'apprentis. Alors qu'ils étaient quelque 240 000 au milieu des années 80 (apprentissages cantonaux compris), ils ne sont plus que 190 000 actuellement, la part des jeunes en possession d'un certificat de capacité passant de 75% à 65%. Selon le CF, cette baisse s'explique par le fait que de nombreux jeunes - et notamment les jeunes femmes - délaissent la formation professionnelle au profit d'études supérieures. Voir également APS 1993, p. 251.40
[41] BO CE, 1996, p. 892 ss. Il est par ailleurs à relever que le rapport susmentionné sur la formation professionnelle n'envisage pas de transférer aux cantons l'ensemble de ce domaine, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre de la refonte de la péréquation financière: BZ, 8.8.96. Voir également supra, part. I, 5 (Finanzausgleich).41