Année politique Suisse 1997 : Economie / Agriculture / Politique agricole
Le Conseil national a recommandé à une très large majorité le rejet de l'initiative "Pour des produits alimentaires bon marché et des exploitations agricoles écologiques" déposée en 1994 par l'Association des petits et moyens paysans (VKMB). Lors du vote, seuls les députés écologistes, indépendants, démocrates suisses ainsi qu'une majorité des socialistes se sont prononcés en faveur du texte, ces derniers précisant qu'ils prendraient cependant une position définitive en la matière une fois connu le visage final de la réforme "Politique agricole 2002".
Rejetant par ailleurs un contre-projet proposé par l'indépendant Wiederkehr (ZH) - jugé présenter une version uniquement édulcorée de l'initiative - les conseillers nationaux ont dénoncé les graves dangers que celle-ci ferait courir à l'agriculture indigène et à l'économie tout entière. La disparition préconisée par les initiants de tout moyen de soutien à l'agriculture à part les paiements directs et une certaine protection douanière fut notamment incriminée. Selon la majorité de la grande chambre, la suppression des soutiens aux prix agricoles et autres garanties de prise en charge au profit des seuls paiements directs pourrait amener les agriculteurs à se désintéresser totalement de la production et à devenir uniquement de simples jardiniers des paysages helvétiques. Il fut également relevé que la disparition du subventionnement des prix des produits agricoles destinés à l'industrie agro-alimentaire se ferait sans doute au détriment de cette branche très fortement exportatrice. Rejoignant le point de vue exprimé par les conseillers nationaux, le chef de l'économie, J.-P. Delamuraz, a pour sa part relevé qu'il deviendrait impossible pour la Confédération, en cas d'acceptation de l'initiative, de prendre des mesures de soutien telles que celles adoptées pendant la crise de la vache folle.
Autre élément de l'initiative à retenir l'attention des députés, la proposition de plafonner les paiements directs à 50 000 francs et, par conséquent, de verser la même aide à toutes les exploitations dépassant 17 hectares a suscité de vives critiques au sein des rangs bourgeois du Conseil national. Selon ces derniers, cette disposition constituait une entrave inadmissible à l'évolution structurelle du secteur primaire, empêchant un regroupement des exploitations pourtant susceptible de permettre d'importantes économies d'échelle.
Si, sur le fond, les conseillers nationaux ont partagé l'avis négatif exprimé par le gouvernement - lequel avait précédemment également recommandé le rejet de l'initiative - ils n'ont en revanche pas suivi l'exécutif sur une
question plus strictement juridique. L'initiative visant explicitement à compléter l'article constitutionnel (art. 31 bis al. 3 lett. b) remplacé entre-temps par une nouvelle disposition (art. 31 octies), le Conseil fédéral avait estimé que son acceptation par le peuple et les cantons équivaudrait le cas échéant à réintroduire l'ancien article. Conformément à l'avis exprimé par la commission de l'économie et des redevances ainsi que par le comité des initiants défendant que le texte en question s'appliquait désormais à la nouvelle disposition, les conseillers nationaux ont jugé que cette solution n'était pas conforme à l'idéal démocratique: incitant les citoyens à rejeter l'initiative sous peine de réintroduire l'ancien article constitutionnel désormais dépassé, elle empêchait la libre formation de la volonté populaire
[2].
Examinant à son tour l'initiative du VKMB,
le
Conseil des Etats a, à l'unanimité des voix
, recommandé
son rejet en invoquant les mêmes griefs que ceux avancés par le Conseil national. Sur la question juridique mentionnée ci-dessus, les représentants des cantons ont également suivi l'opinion de la grande chambre
[3].
[2]
BO CN, 1997, p. 61 ss. et 621. Voir également
APS 1996, p. 127 s.2
[3]
BO CE, 1997, p. 151 ss. et 343;
FF, 1997, II, p. 527 s.3
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