Année politique Suisse 1997 : Economie / Agriculture
Produits alimentaires
L'Office fédéral de la santé publique a envoyé en consultation un
projet de révision de l'ordonnance sur les denrées alimentaires. Les modifications portent sur l'obligation de déclarer l'origine du produit. Sont notamment concernés les produits affinés en Suisse à partir de composants étrangers, l'origine de ces derniers devant désormais figurer sur les paquets d'emballage. En ce qui concerne les produits non emballés, le projet de l'office prévoit en revanche - au vu des difficultés pratiques rencontrées lors de l'exécution de l'ordonnance adoptée en 1995 - un assouplissement des dispositions. Ainsi, à l'exception des produits carnés, une information orale pourra suffire. Au sein des restaurants et des cantines, les dispositions seront également allégées. Lors de la procédure de consultation, les milieux économiques concernés (USAM, commerçants) ainsi que les partis bourgeois ont vivement critiqué l'obligation de déclarer l'origine des produits entrant dans la composition d'aliments fabriqués en Suisse. L'incompatibilité avec la réglementation européenne fut notamment dénoncée. Le parti socialiste et les associations de défense du consommateur ont pour leur part fortement regretté l'allégement des dispositions concernant les produits non emballés
[34].
Donnant suite au complément de la loi sur l'agriculture approuvé l'année précédente par le parlement, le Conseil fédéral a adopté les différentes
ordonnances d'application détaillant les conditions minimales à remplir afin qu'un produit puisse bénéficier de
dénominations particulières (appellation d'origine contrôlée, labels de qualité, etc.). Concernant plus particulièrement les exigences prévalant lors de l'octroi de l'
appellation "bio", le règlement de l'exécutif précise que pour jouir de ce label, le produit concerné devra être composé à 95% d'ingrédients conformes au mode de production biologique
[35]. De plus, à l'exception de la viticulture et des cultures fruitières pérennes qui jouiront toutes deux d'une réglementation transitoire jusqu'en 2007, l'appellation ne pourra être accordée à un produit que si l'ensemble de l'exploitation concernée se sera convertie à l'agriculture biologique, conformément à ce qu'avait décidé le parlement en 1996. Exceptions de taille, la production animale (viande, lait, fromages, etc.) ainsi que les produits transformés ne seront pas touchés, du moins dans un premier temps, par les dispositions de l'ordonnance, le label "bio" pouvant être librement utilisé dans ces domaines. Au dire du gouvernement, ce régime d'exception (valable jusqu'en 2001) se justifie, pour les produits transformés, référence faite au temps d'adaptation dont doit disposer l'industrie agro-alimentaire. Concernant la production animale, il s'agit avant tout d'attendre que l'UE adopte dans ce domaine des normes minimales, ce afin d'éviter toute entrave au commerce
[36].
Prenant position sur le texte d'application,
l'Association suisse des organisations d'agriculture biologique s'est déclarée
fortement déçue à plus d'un égard. Selon les partisans d'une agriculture biologique, ne pas comprendre la production d'origine animale dans le champ d'application de l'ordonnance et accorder à de multiples secteurs des régimes transitoires vidaient quasiment de toute leur substance les mesures par ailleurs proposées. N'exprimant pas un avis aussi négatif, la Fondation pour la protection des consommatrices a souligné que cette réglementation était la bienvenue face à la multiplication de labels parfois fallacieux et, par conséquent, susceptibles de fourvoyer le consommateur. Elle a cependant elle aussi regretté l'absence de prescriptions similaires dans le domaine de la production animale
[37].
En début d'année, à l'instar de ce qu'elles avaient annoncé, une trentaine d'organisations de paysans, de défense du consommateur et de protection de l'environnement ont fait
recours contre la décision prise en 1996 par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) d'autoriser l'
importation de
soja génétiquement modifié. Arguant principalement qu'il n'y avait pas eu suffisamment d'investigations scientifiques à même de garantir que ce type de soja ne fait courir aucun risque à l'homme, les recourants ont également invoqué, pour justifier leur démarche, la décision prise parallèlement par l'OFSP de ne pas obliger, pendant une période transitoire, les fabricants à mentionner sur l'emballage la nature transgénique (OGM) des produits concernés. Selon les différentes associations, se contenter d'une information sur les étalages d'exposition ne permettait pas au consommateur de faire son choix en toute connaissance de cause
[38].
Ce recours ne manqua pas de susciter de
vives réactions dans les milieux économiques concernés. Alors que le producteur américain du soja incriminé tentait en vain de faire lever l'effet suspensif du recours automatiquement accordé dans un tel cas, l'industrie agro-alimentaire helvétique fit savoir que l'ensemble de sa production pourrait être menacé, et par la suite délocalisé, en cas de succès des milieux opposés aux OGM: la production transgénique de soja étant mélangée à celle normale, une quantité équivalant à 55% de la consommation interne viendrait en effet à manquer
[39].
Au mois de mars, au grand soulagement des milieux économiques,
l'OFSP a débouté les recourants: refusant d'entrer en matière, les autorités ont en effet estimé que les différentes organisations n'avaient pas la qualité pour agir, puisqu'elles ne pouvaient faire valoir - condition essentielle pour la validité formelle du recours - qu'elles étaient davantage touchées que quiconque par la décision d'autorisation. Recourant contre cette décision auprès du Tribunal fédéral, les associations ne rencontrèrent pas plus de succès, la cour fédérale reprenant largement l'argumentaire développé par les autorités administratives. Reportant leurs espoirs sur l'initiative contre le génie génétique en cours de discussion au parlement, les organisations ont dénoncé ce qui leur semblait constituer une capitulation des autorités face aux intérêts de l'industrie agro-alimentaire
[40].
[34]
TA, 26.4.97;
NZZ, 22.5, 20.11 et 11.12.97;
AZ, 8.7.97;
Blick, 11.12.97. Voir également
APS 1995, p. 135 s.34
[35] Il est à relever que l'ordonnance du gouvernement assimile les labels "éco" au label "bio" et les soumet par conséquent aux mêmes exigences. La Migros, qui utilise un label "éco" pour des denrées produites selon les normes de la production intégrée, s'est en vain opposée à cette assimilation:
TA, 5.5.97;
NZZ, 7.5.97;
BZ, 27.5.97. Notons encore que le parlement avait demandé, via un postulat Bangerter (prd, BE), que les deux types de labels soient équivalents, afin d'éviter tout risque de tromperie du consommateur ainsi que de rendre eurocompatible la législation helvétique:
BO CN, 1997, p. 2235.35
[36] Presse du 23.9.97. Voir également
APS 1996, p. 138.36
[37] Presse du 23.9.97.37
[38]
NQ, 16.1.97; presse du 21.1.97. Voir également
APS 1996, p. 139. Ces mêmes organisations ont également manifesté à plusieurs reprises contre l'éventuelle introduction d'un maïs génétiquement modifié produit par Novartis: presse des 22.4 et 2.9.97.38
[39] Presse des 31.1 et 25.3.97.39
[40] Presse des 26.3 et 6.6.97;
NZZ, 13.9.97. Relevons encore que de grands distributeurs (Coop par exemple) ainsi que certains producteurs (Nestlé, Baer, etc.) ont déclaré ne pas avoir l'intention, nonobstant l'autorisation finalement délivrée, de vendre des produits comprenant du soja transgénique, ce afin de répondre aux voeux exprimés par une très large majorité de leur clientèle. La possibilité de poursuivre strictement cette politique paraît cependant assez mince - le soja normal, en quantité insuffisante, étant mélangé à celui manipulé - comme l'a montré la mésaventure qu'a connu, parmi d'autres, le fabricant Kraft-Suchard-Jakobs: ce dernier a découvert à ses dépens la présence de soja transgénique dans quelque 500 tonnes de chocolat:
24 Heures, 13.1.97;
JdG, 22.1 et 7.10.97; presse des 22.3 et 15.7.97;
SGT, 12.5.97. Au sujet de l'initiative "pour la protection génétique", voir infra, part. I, 8a (Forschung).40
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